Accueil Culture « Le Jardin des Hespérides » en Ouverture de « Tunis Théâtres du Monde » : Au cœur de l’intimité d’un monde au féminin

« Le Jardin des Hespérides » en Ouverture de « Tunis Théâtres du Monde » : Au cœur de l’intimité d’un monde au féminin

Qu’y a-t-il derrière le visage de chaque femme que j’ai connue? Quelle histoire se cache derrière chaque regard? Peu importe d’où elles viennent, ni de quel pays elles viennent, les jardins sont les mêmes, il y a des enfers similaires, et le paradis ne leur est pas réservé, car ce sont des femmes.

La troisième édition de «Tunis Théâtres du Monde» a été lancée le jeudi 20 mars à la salle du 4e Art. Organisé par le Théâtre national tunisien, l’événement se poursuivra jusqu’au 27 mars, en célébration de la Journée mondiale du théâtre. Lors de la soirée d’ouverture, le public a pu découvrir une représentation théâtrale issue d’une coproduction entre le Maroc et l’Espagne, intitulée «Le Jardin des Hespérides», mise en scène par la metteuse en scène et chorégraphe  espagnole Alicia Soto. Cette œuvre, alliant théâtre, danse, narration visuelle et musique, a offert une expérience immersive, explorant l’univers intime des femmes à travers une approche mêlant mythologie, poésie et jeu de mouvement.

«Tout commence par le corps d’une femme et le désir de sentir la vie. Ce n’est que plus tard que la peur et l’avidité de posséder et de dominer s’installent. La liberté et l’audace font peur à ceux qui n’ont jamais voyagé, mais le sang profond creuse patiemment la place de la fleur qui sera étoile. Dans chaque ventre résonne l’écho du jardin, primordial et éternel. Et malgré les dangers, l’abandon et l’épuisement, de grains de sable et de larmes en gouttes, de nouvelles racines s’inventent et un ciel différent», s’exprime Julio Martín de la Fonseca, qui a assuré la direction théâtrale de cette œuvre. 

Ce «Jardin des Hespérides», au cœur de sa mise en scène, symbolise le jardin intérieur des femmes — un espace commun à toutes les femmes, indépendamment de leur culture, religion, origine géographique ou époque. A travers des éléments oniriques et des descriptions poétiques, l’œuvre dévoile ce lieu intime que chaque femme construit pour rêver, se reposer, respirer, étancher sa soif et créer un monde qui lui permet de continuer, et parfois de survivre. Le jardin n’existe que si l’obscurité est connue.

S’inspirant des Hespérides, qui, selon la mythologie grecque, étaient des nymphes gardiennes d’un jardin secret, abritant des arbres fruitiers dont les pommes d’or conféraient l’immortalité. Ce jardin, dans la mythologie, pourrait être situé au sud de la péninsule ibérique ou dans les montagnes de l’Atlas marocain. D’où le titre de cette œuvre : «Le Jardin des Hespérides».

D’où ce projet, fruit d’une collaboration entre le Maroc et l’Espagne et qui s’est construit à travers un processus de recherche approfondi, ponctué de divers ateliers organisés avec des femmes marocaines et espagnoles, à Casablanca et Valladolid. Ces ateliers ont permis d’élaborer cette pièce de danse-théâtre. Un spectacle qui, au-delà de son aspect artistique, rend hommage à l’univers féminin à travers un dialogue entre cultures, chacune avec ses spécificités, tout en célébrant les 25 ans d’histoire de la compagnie Alicia Soto-Hojarasca.

Dans cette œuvre d’Alicia Soto, le jardin devient un sanctuaire intime, un espace où chaque femme dépose ses espoirs, ses déceptions, et sa quête de lumière. Sur scène, les corps s’imbriquent, se complètent ou se donnent la réplique. C’est dans un langage visuel qui sollicite à la fois du son et de la lumière que les corps produisent leurs propres discours traduisant  les tensions entre le désir d’émancipation et les entraves imposées par la société. Le texte vient donner une lecture de plus avec sa poétique et son phrasé, il accompagne ce corps qui se déploie sans s’épanouir, qui s’étire sans s’émanciper, qui assume aussi bien son immobilité que ses mouvements dans une sorte de danse sacrée qui titille le profane. L’intensité des luttes intérieures et des aspirations profondes de l’âme féminine agitent la pensée et la sensibilité. Se traduit dans la bande sonore et dans le clair-obscur que façonne la scénographie.  Et entre calme et frénésie, entre travail au sol et des mouvements aériens, s’opposent les contradictions du monde des femmes. 

Et au-delà de son esthétique soignée, l’énergie qui habite cette pièce, la dynamique que crééent ces corps qui s’agitent et se synchronisent, «Le Jardin des Hespérides» questionne, et interroge un univers non visible,  une identité qui se construit en luttant et célèbre la résilience, la capacité à se réinventer. 

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