Accueil Economie Gestion des ressources hydriques, agriculture et secteur agroalimentaire : Gouvernance et évaluation des politiques publiques

Gestion des ressources hydriques, agriculture et secteur agroalimentaire : Gouvernance et évaluation des politiques publiques

La Tunisie s’appuie sur un réseau de barrages essentiels à l’irrigation agricole, à l’industrie agroalimentaire et à l’approvisionnement en eau potable. Face aux défis croissants liés aux ressources hydriques, les acteurs économiques cherchent à renforcer la résilience du pays et à assurer la pérennité de son tissu économique. Sami Khomsi, membre du laboratoire dessalement et valorisation des eaux naturelles au centre d’études, recherches et technologies des eaux (technopôle de Borj-Cédria), nous donne plus d’informations sur ce sujet.

 La diminution des réserves d’eau, des lacs et des barrages a une incidence majeure sur tous les secteurs stratégiques tels que l’agriculture, l’industrie et l’approvisionnement en eau potable.

Dans ce contexte, Sami Khomsi, membre du laboratoire « dessalement et valorisation des eaux naturelles au centre d’études, recherches et technologies des eaux (technopôle de Borj-Cédria)», a révélé, qu’en premier lieu, le secteur agricole et les activités qui y sont liées à la céréaliculture, la production d’arbres fruitiers et d’agrumes, en sont directement affectés.

Cette année, au cours de l’hydrologie, les dernières précipitations enregistrées dans différentes zones du pays ont favorisé une meilleure résilience des cultures, de l’oléiculture et des pâturages en général. Toutefois, ces pluies ont été  limitées au Nord-Ouest du pays, où se concentrent les plus grands ouvrages hydrauliques et barrages, alors qu’elles ont été plus abondantes que les années précédentes dans des zones dépourvues de barrages importants, notamment dans le Centre, le Sahel, le Sud-Est et le Sud-Ouest.

L’industrie agroalimentaire aussi lésée

« Cette répartition inégale des précipitations explique pourquoi, cette année, les campagnes sont particulièrement verdoyantes à travers le territoire national. Des régions comme Gafsa, Sidi Bouzid, Gabès, Sfax et le Sahel ont bénéficié d’une meilleure imprégnation des sols et d’une disponibilité accrue en eau pour les vergers, les oliveraies qui se portent mieux et les cultures maraîchères. Toutefois, dans un contexte de changements climatiques régionaux, le Nord-Ouest reste la zone la plus affectée par les modifications du régime des pluies, ce qui entraîne une baisse des apports en eau de ruissellement vers les grands barrages. À ce jour, le taux de remplissage des barrages s’établit à environ 36 %. Néanmoins, la saison des pluies se poursuivant au printemps, on peut espérer des apports hydriques supplémentaires dans les prochaines semaines », nous fait savoir Khomsi.

Il a, par ailleurs, souligné qu’un autre facteur préoccupant est l’augmentation significative des températures, notamment dans les zones où se trouvent les grands barrages, ce qui entraîne une évaporation accrue et des périodes d’ensoleillement plus longues au cours de l’année. Cette situation impacte non seulement le secteur agricole mais aussi l’industrie agroalimentaire et les industries de transformation des denrées, ainsi que l’élevage, avec des répercussions sur la production laitière et fromagère.

« Face à ces défis, les autorités publiques travaillent activement à la mise en place de solutions techniques permettant d’améliorer l’adaptabilité et la résilience du pays. Plusieurs stratégies sont en cours d’application, notamment l’utilisation de variétés culturales plus résistantes à la sécheresse, des travaux de conservation des eaux et des sols sur de nombreux bassins versants, ainsi que des recherches scientifiques soutenues dans les institutions spécialisées et les universités pour adapter les variétés tunisiennes aux conditions locales de stress hydrique et de sol. Ces efforts visent à transférer les connaissances vers les agriculteurs, qui jouent un rôle clé grâce à leur expertise et leur expérience locale », a expliqué Khomsi.

Investissements de l’Etat dans des infrastructures hydrauliques

L’expert a précisé que des mesures économiques et techniques doivent être mises en place pour garantir la durabilité des barrages et améliorer leur efficacité. De nombreuses actions sont déjà en cours, telles que la conservation des eaux et des sols sur les grands bassins versants, le reboisement des côteaux ou encore la recharge artificielle des nappes. Bien que coûteuses pour le budget général, ces interventions offriront à court terme des solutions pour renforcer la résilience face au stress hydrique et aux changements climatiques. 

« Il est impératif de repenser la carte agricole et la répartition géographique des activités culturales pour une utilisation plus efficace des ressources en eau. Il a ajouté dans ce cadre qu’à court et à long terme, cela nécessitera la poursuite des investissements de l’Etat dans des infrastructures hydrauliques, ce qui implique des moyens financiers considérables. La Tunisie a toujours su relever ces défis et continuera à le faire pour ses citoyens et la pérennité de ses ressources », a fait savoir Khomsi.

Selon lui, la situation des barrages exacerbe les disparités régionales, notamment dans les zones rurales, ce qui nécessite des solutions pour réduire ces inégalités. En effet, les eaux des barrages du Nord sont acheminées vers différentes régions du pays via la société « SECANord ». Une diminution des ressources en eau dans ces barrages peut entraîner des pénuries dans certaines zones dépendantes du réseau d’acheminement, comme le Cap Bon, qui reçoit l’eau du canal de la Medjerda pour l’irrigation et l’appoint en eau potable, notamment pour les vergers et les cultures d’agrumes du gouvernorat de Nabeul.

« Ainsi, la baisse des disponibilités en eau affecte directement le tissu économique, notamment l’agriculture et les industries agroalimentaires, qui dépendent fortement de cette ressource. Des régions comme le Sahel Nord, également desservies par ces eaux, subissent les mêmes conséquences. Le changement climatique perturbe donc la disponibilité des ressources hydriques, ce qui a un impact majeur sur l’économie régionale.

Cependant, la Tunisie a toujours su gérer ses ressources avec parcimonie, même en période de sécheresse intense, grâce à l’expertise de ses ingénieurs et techniciens dans le domaine hydraulique. Cette gestion rigoureuse a permis de maintenir un équilibre socio-économique entre les différentes régions du pays », a développé Sami Khomsi. En définitive, face aux défis posés par la raréfaction des ressources en eau, la résilience des agriculteurs et l’adaptation des politiques publiques seront essentielles pour assurer la pérennité du secteur agricole et des industries qui en dépendent.

Charger plus d'articles