
Le défi qui attend la compagnie nationale est immense, mais il n’est pas insurmontable. Il ne suffit plus de colmater les brèches ou de repousser l’inévitable. L’entreprise doit s’engager dans une véritable métamorphose, portée par une vision claire et des décisions courageuses.
Le Président de la République, Kaïs Saïed, a reçu, mardi 25 mars, au Palais de Carthage, le ministre du Transport, Rachid Amri, et la chargée de la Direction générale de la compagnie aérienne Tunisair, Halima Khouaja. Au cœur des discussions, la situation critique de la compagnie et la mise en place d’un «plan de sauvetage» pour redonner à la Gazelle son éclat d’antan.
Le Chef de l’État a pointé du doigt la dégradation des conditions de voyage à bord des appareils de Tunisair, dénonçant des retards récurrents et une qualité de service jugée inacceptable. Il a également mis en avant la réduction drastique de la flotte, passée de 24 à seulement 10 avions, ce qui limite la capacité d’exploitation et accentue les difficultés financières de la compagnie.
Des pertes colossales et une maintenance défaillante
L’un des problèmes majeurs relevés concerne la maintenance des appareils, qui prend en moyenne 123 jours en Tunisie contre seulement 10 jours chez certains constructeurs internationaux. Cette lenteur entraîne des pertes énormes, estimées à des dizaines de milliards de dinars, qui auraient pu être investies dans l’acquisition de nouveaux avions.
Le Président Saïed a également fustigé les recrutements excessifs et souvent fictifs, résultant d’un système de favoritisme qui pèse lourdement sur les finances de la compagnie. Par ailleurs, des dossiers de corruption impliquant certains responsables et chefs syndicaux sont actuellement devant la justice.
Quelle solution pour un redressement durable ?
Si le Chef de l’État réaffirme son opposition à une privatisation de Tunisair et de l’aéroport Tunis-Carthage, il insiste, en revanche, sur la nécessité d’une restructuration en profondeur.
A cet effet, une option envisageable serait l’ouverture du capital à des investisseurs privés, afin d’injecter les fonds indispensables au redressement de la compagnie. Plusieurs compagnies aériennes dans le monde ont, en effet, réussi à retrouver leur compétitivité grâce à ce modèle hybride, où l’État conserve une participation majoritaire tout en impliquant des investisseurs privés. Air France-KLM, par exemple, a pu stabiliser sa situation en accueillant des capitaux privés tout en gardant l’État français comme actionnaire influent. TAP Air Portugal a également suivi une stratégie similaire, permettant un redressement sans perdre son identité nationale. Quant à Lufthansa, l’Allemagne a injecté des fonds publics temporaires avant de céder progressivement ses parts, illustrant un modèle de soutien étatique temporaire pour un retour à la rentabilité. Ce type d’approche permettrait à Tunisair de préserver son statut d’entreprise nationale tout en bénéficiant de l’expertise et des ressources financières du secteur privé.
Ambition et impératif de survie
Le défi qui attend la compagnie nationale est immense, mais il n’est pas insurmontable. Sauf que à ce stade, il ne suffit plus de colmater les brèches ou de repousser l’inévitable. L’entreprise doit s’engager dans une véritable métamorphose, portée par une vision claire et des décisions courageuses. Pour renaître, Tunisair doit repenser son modèle économique et opérationnel en profondeur. Cela implique une réduction drastique des charges inutiles, une réorganisation de ses effectifs basée sur la compétence et non sur l’affiliation, ainsi qu’une optimisation des services offerts aux voyageurs.
Mais au-delà des chiffres et des plans d’assainissement financier, le transporteur national doit renouer avec sa mission première : faire voler les Tunisiens avec fierté et sécurité. Redonner confiance aux passagers, améliorer l’expérience client, investir dans une flotte moderne et fiable, et, surtout, restaurer la place de la compagnie sur l’échiquier aérien international. C’est un combat qui nécessite du courage politique, une gestion rigoureuse et une adhésion sans faille des employés.
L’histoire de Tunisair ne doit pas être celle d’un déclin, mais d’une renaissance. Le vent du changement souffle, et avec lui, l’opportunité de transformer cette épreuve en un nouvel élan. Reste à savoir si la Tunisie saura donner à sa Gazelle la force de reprendre son envol.