
Il y a des événements dans l’histoire qui marquent un tournant dans la conscience collective ou, du moins, qui devraient. Le génocide en cours à Gaza en est un. À l’ombre des bombes, dans le silence complice ou l’indignation sélective de la communauté internationale, un peuple est méthodiquement anéanti. Et pendant que les corps s’empilent, l’humanité semble avoir troqué sa boussole morale contre l’indifférence.
Depuis des décennies, Gaza est enfermée, asphyxiée, surveillée. Une enclave où plus de deux millions de personnes survivent dans des conditions inhumaines, sans accès suffisant à l’eau, à l’électricité, aux soins médicaux ni à la liberté de mouvement. Mais ce qui se passe depuis octobre 2023 a dépassé l’insoutenable. Des quartiers entiers rayés de la carte, des écoles et hôpitaux ciblés, des familles massacrées sous les décombres. Il ne s’agit plus de « dommages collatéraux », mais d’une politique de destruction systématique.
Sémantique de l’horreur
Certains refusent d’utiliser le mot « génocide ». Trop fort, trop chargé, trop dérangeant. Pourtant, que faut-il de plus ? L’intention de nuire à un peuple dans son intégralité, de le faire disparaître non seulement physiquement mais aussi culturellement, est flagrante. Et ce qui est plus glaçant encore, c’est la froideur avec laquelle cela est exécuté, justifié, parfois même glorifié.
Déshumanisme global
Le vrai drame n’est pas seulement dans les missiles qui s’abattent sur Gaza, mais dans l’indifférence qui règne ailleurs. Là où des vies humaines devraient provoquer de la compassion, on trouve des débats, des équilibres géopolitiques, des silences diplomatiques. Les enfants de Gaza ne semblent pas avoir droit aux mêmes larmes que d’autres. Leur souffrance est souvent relativisée, effacée, niée.
Cette hiérarchie dans l’émotion, cette économie sélective de l’indignation, révèle une chose : un déshumanisme rampant, où l’Autre n’est plus vu comme un être humain, mais comme un dommage, un chiffre, un « problème ».
Et maintenant ?
L’histoire jugera, comme elle juge toujours. Mais aujourd’hui, il est encore temps d’élever la voix, de refuser l’effacement, de dire que les vies palestiniennes comptent. Pas plus, pas moins. Juste autant. Il ne s’agit pas d’être partisan, mais d’être humain. De refuser que l’humanité devienne une idéologie au lieu d’un principe fondamental. Parce que si nous restons spectateurs devant un génocide, alors ce n’est pas seulement Gaza qui meurt, mais encore plus : c’est ce qu’il reste de notre conscience collective. Et ce n’est là qu’une obsolescence de l’Homme annoncée.