
Aymen Jellili, le nouveau directeur du Fifej, n’est pas à sa première expérience dans la direction d’un festival. Il a dirigé durant cinq ans le Fifak de Kélibia. Nourri de cette expérience, il accepte d’entreprendre un nouveau challenge, celui de reprendre en main le Fifej moribond depuis plus de cinq ans. Pas facile dans une ville où l’infrastructure manque. Dans cet entretien, il explique les raisons qui l’ont conduit à mettre son expérience au profit de ce festival.
Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à accepter la direction du Fifej ?
La première raison est que je ne suis pas étranger à cette manifestation. Tout jeune, je me suis formé dans les clubs de la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (Ftca), au festival de Kélibia et au Fifej où j’ai gardé des souvenirs intenses et des expériences de vie qui m’ont nourri et alimenté ma curiosité.
La deuxième raison consiste en une étude des moyens de reprendre le festival avec l’Association qui l’organise, prendre connaissance de l’état général du festival et des problèmes qui sont inhérents à son organisation dans la perspective d’un redémarrage sur des bases solides. La troisième raison est le soutien de la direction du cinéma du ministère de la Culture et du Centre national du cinéma et de l’image (Cnci), d’abord à ma personne qu’ils connaissent du fait que j’ai dirigé le Festival international du film amateur de Kélibia (Fifak) et collaboré en ma qualité de directeur de la programmation aux Journées cinématographiques de Carthage (Fifak).
La réaction a été très rapide et efficace de leur part.
Quelles sont les principales caractéristiques qu’un directeur de festival doit présenter afin de réussir ?
Il s’agit d’adopter une stratégie claire pour arriver au résultat escompté où des imprévus peuvent survenir qu’il faut savoir gérer. De par mon expérience universitaire dans la recherche scientifique, j’ai appris à mettre en place une démarche qui m’aide à former une équipe de travail et à coordonner entre les membres de cette équipe. Mais les imprévus peuvent survenir, alors il faut prévoir dans ce cas des plans B ou C. Dans nos festivals, les problèmes surviennent lorsqu’on n’installe pas une équipe efficace capable de mettre en pratique les objectifs qu’on s’est fixés.
Qui est le plus dur à organiser, le Fifak ou le Fifej ?
La ville de Kélibia, qui a accueil le Fifak depuis 60 ans, a des traditions ancrées qui permettent une meilleure flexibilité dans les rapports avec les gens. Le problème du Fifej est qu’il s’est arrêté depuis 6 ans. La confiance avec les autorités locales est mise en doute. Il faut un travail de fond pour regagner cette confiance et cela je le comprends tout à fait. Il est temps après cette édition de reprendre le dialogue. Pour cette présente session, le soutien du ministère de la Culture a été capital sans oublier le ministère de la Jeunesse et des Sports, l’Institut arabe des droits de l’homme et l’Aisesco. Cela n’empêche pas qu’on est en contact direct avec le gouvernorat de Sousse, et la délégation régionale.
Pourquoi reprendre un festival dans une ville où il n’y a pas de salles de cinéma, pas de films tunisiens pour enfants et presque pas de public ?
Sans salles de cinéma, sans infrastructures culturelles, le public a perdu le réflexe de voir les films dans les salles. Actuellement, l’affluence est certes réduite, mais je constate qu’il y a au moins une quarantaine de personnes qui se rendent au Théâtre municipal pour voir les films. C’est pourquoi, j’ai fait appel à Cinéma T’dour considérant Sousse comme les villages éloignés du pays ce qui représente à mon sens un message fort pour que les autorités prennent en considération le désert culturel qui existe dans cette ville du Sahel dont toutes les salles sont fermées.
En tout état de cause, le Fifej tente de rééduquer les jeunes à travers les ateliers de formation au cinéma et à l’image pour créer un nouveau public.
Pourquoi avoir choisi d’organiser le Fifej après les vacances scolaires ?
La raison principale est que les vacances scolaires ont coïncidé avec le mois de Ramadan. On a donc choisi la semaine d’après les fêtes de l’Aid. Il est vrai que cela a impacté la présence du public. On espère qu’à la prochaine édition le Fifej reprendra sa place durant les vacances scolaires.
Quelles ont été les difficultés financières pour financer cette 14e édition ?
Beaucoup de difficultés. J’ai même engagé mes dépenses personnelles pour pallier le manque de moyens financiers parce que les aides publiques et des partenaires arrivent tard. J’ai dû faire appel à des amis pour nous aider, en l’occurrence Mohamed El Mansouri, responsable de l’Association Ibsar, que je remercie à l’occasion, qui nous a beaucoup aidés. Le Cnci nous a accordé une subvention de l’ordre de 65 mille dinars grâce au projet consistant que nous avons soumis et le ministère de la Culture nous a octroyé la somme de 50 mille dinars et des services de l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (Amppc), le Théâtre national tunisien (TNT), le Centre national des arts de la marionnette, le ministère de la Jeunesse et des Sports qui a pris en charge le déplacement et l’hébergement de 60 jeunes des régions de l’intérieur du pays, l’Aisesco avec 2.000 euros, la Coopération princière de Monaco.
Comment envisagez-vous l’avenir du Fifej ?
C’est une occasion pour moi de mettre au défi mon potentiel dans la gestion d’un festival. Je pouvais ouvrir des perspectives. Je tends à mettre en chantier un projet qui évoluera d’une année à l’autre. Je considère qu’on ne peut prétendre tout réussir en une seule session. Il faut travailler sur le moyen et le long termes. La chose la plus importante est qu’il ne faut pas personnaliser le festival.
Notre rôle est de donner la chance aux jeunes pour qu’ils prennent en charge cette manifestation. Mais dès la fin de cette session, je m’attellerais à trouver de nouveaux partenaires. Un nouveau challenge dans le but de restituer le prestige du festival.