Accueil A la une Dégradation du patrimoine architectural : L’impératif de sauver nos joyaux

Dégradation du patrimoine architectural : L’impératif de sauver nos joyaux

La confiscation des terrains pour des projets inappropriés à l’histoire de l’endroit, l’abandon des jardins publics et des espaces verts à leur propre sort et le manque d’entretien posent un problème de gestion globale des édifices et sites archéologiques. Que font les municipalités et les responsables institutionnels pour sauver ce qui reste de nos trésors architecturaux ?

La Presse —Quand l’indifférence institutionnelle ronge nos joyaux verts et notre mémoire, tout va de travers. Les murmures des fontaines se sont tus, les rires d’enfants s’estompent, et les pierres chargées d’histoire s’effritent sous le poids de l’abandon. En Tunisie, un constat amer s’impose. Nos jardins publics, autrefois oasis de fraîcheur et de convivialité, et nos précieux sites archéologiques, témoins silencieux de civilisations millénaires, se détériorent à un rythme alarmant, victimes d’un manque criant d’efforts institutionnels.

La dégradation des espaces verts urbains est une plaie visible au cœur de nos villes. Bancs brisés, pelouses jaunies par le manque d’entretien, jeux d’enfants rouillés et dangereux, absence d’éclairage favorisant l’insécurité ; le tableau est souvent désolant. Ces lieux, qui devraient être des poumons pour nos citadins et des espaces de détente intergénérationnels, sont laissés à l’incurie, réduisant leur attractivité et leur fonctionnalité. Les conséquences sont multiples. Perte de biodiversité en milieu urbain, diminution de la qualité de vie des habitants, et un sentiment général de négligence de l’espace public. 

Le parc du Passage végète

Le parc du Passage fait partie de ces jardins publics historiques en état de délaissement complet. S’il demeure, à peine fréquentable, avec de nombreux promeneurs qui déambulent ou s’asseoient sur les bancs, la plupart étant de transit de bout en bout du Parc, le plaisir n’y est pas, avec le climat de relative chaleur aidant. On ne va pas se plaindre de la météo et de ses caprices, mais il y a beaucoup de choses à revoir. 

Les tiges et feuilles des arbres la plupart de palmiers débordent des clôtures en fer qui entourent, depuis toujours, tout le parc. Certains arbres malades et quasiment morts devraient être déracinés. Or, ils jonchent le sol parmi les feuilles et les herbes folles et du gazon, qui a perdu toute raideur et même son éclat, poussant sauvagement et indéfiniment.

La verdure y est quand même, mais le manque de fraîcheur, le manque de fleurs est saisissant au point qu’on se demande ce qu’on peut-bien y faire à part “tuer le temps”, sans devoir dépenser dans un salon de thé, comme certains couples ou amis jonchés sur les bancs. Le manque d’investissement matériel et financier se ressent, surtout si on le compare au jardin japonais à Montplaisir, financé par la coopération japonaise depuis son ouverture en 2006. Le contraste est saisissant entre les espaces verts publics et privés.

Parallèlement, un patrimoine inestimable est en péril. Des sites archéologiques d’une richesse exceptionnelle, témoins de l’histoire de notre pays et de la Méditerranée, subissent les aléas du temps, du manque de surveillance et parfois même du vandalisme. Des vestiges antiques, puniques, romains ou islamiques, qui pourraient être des moteurs de développement touristique et des sources de fierté nationale, sont laissés à l’abandon, faute de budgets alloués à leur conservation et à leur mise en valeur. L’érosion naturelle, aggravée par l’absence de mesures de protection adéquates, menace de faire disparaître des pans entiers de notre histoire.

Ce déclin n’est pas une fatalité. Il est le résultat d’un manque de volonté politique et de priorisation de ces secteurs essentiels. Les budgets alloués à l’entretien des espaces verts et à la conservation du patrimoine archéologique sont souvent insuffisants, voire inexistants. Les plans de gestion et de restauration peinent à se concrétiser, faute de moyens humains et financiers adéquats. L’absence d’une stratégie nationale cohérente et d’une coordination efficace entre les différentes institutions concernées exacerbe le problème.

Espaces verts, poumons de la ville

Pourtant, l’importance de ces espaces est indéniable. Les jardins publics contribuent au bien-être physique et mental des citoyens, favorisent le lien social et améliorent l’attractivité des villes. Les sites archéologiques sont des fenêtres ouvertes sur notre passé, des outils pédagogiques précieux et des atouts touristiques majeurs.

Leur préservation est un devoir envers les générations futures et une opportunité de développement économique durable. Face à cette situation préoccupante, la société civile commence à s’organiser, à travers des initiatives locales et des appels à la mobilisation. Cependant, ces efforts, bien que louables, ne peuvent se substituer à une action gouvernementale forte et engagée.

Il est impératif que les autorités prennent conscience de l’urgence de la situation et mettent en place des politiques publiques ambitieuses pour la sauvegarde et la valorisation de nos jardins publics et de nos sites archéologiques.

Il est temps de passer des discours aux actes, d’allouer les ressources nécessaires, de mettre en œuvre des plans de gestion efficaces et de sensibiliser le public à l’importance de ce patrimoine commun. La Tunisie mérite des espaces verts florissants et un passé préservé, non pas comme des reliques oubliées, mais comme des sources de vie et d’inspiration pour l’avenir. L’indifférence d’aujourd’hui sera la perte de demain.

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