
Face aux défis environnementaux et à la nécessité de repenser les modèles de production, une start-up tunisienne ouvre la voie à une nouvelle ère : transformer les déchets organiques en protéines animales grâce aux insectes. Installée à Sousse, elle mise sur l’innovation durable pour révolutionner l’alimentation animale, tout en créant des emplois et en valorisant les biodéchets. Portrait d’une entreprise pionnière qui conjugue écologie, économie circulaire et rayonnement international.
La Presse — Dans un contexte mondial où l’innovation durable s’impose comme un moteur de transformation, la Tunisie voit émerger des initiatives audacieuses portées par une nouvelle génération d’entrepreneurs visionnaires. Parmi elles, « NextProtein » s’impose comme une success story exemplaire. Grâce à une solution aussi ingénieuse qu’efficace — la production de protéines animales à base d’insectes — la startup tunisienne propose une alternative écologique et compétitive aux protéines classiques utilisées dans l’élevage et l’agriculture. Basée à Sousse, « NextProtein » a misé sur une ressource naturelle et peu exploitée : la mouche soldat noire. Élevées en larves, ces mouches transforment les déchets organiques en protéines de haute qualité, destinées à nourrir poissons, volailles et animaux d’élevage. Ce procédé permet de réduire considérablement l’impact environnemental de la production agricole tout en donnant une seconde vie à des déchets jusque-là inexploités. Le résultat est à la fois environnemental, économique et social.
« Nous voulions créer un modèle circulaire qui valorise les déchets tout en générant de l’emploi », explique Hedia Mabrouk, de la startup, dans des déclarations à la presse nationale et internationale. Pari tenu : l’entreprise emploie aujourd’hui plus de 50 personnes, en majorité jeunes et diplômés, et tisse des partenariats solides avec les agriculteurs locaux pour la collecte des biodéchets. Un modèle inclusif, ancré dans le territoire, qui illustre comment l’innovation peut bénéficier directement aux communautés.
Besoin d’encouragements
L’impact de telles initiatives ne passe pas inaperçu. Un rapport de la Banque mondiale publié en 2023 souligne que le secteur de l’agritech pourrait devenir un moteur puissant pour l’emploi en Tunisie, à condition de mettre en place des politiques d’accompagnement efficaces et des financements ciblés. Des experts s’accordent à dire que ces nouveaux modèles entrepreneuriaux pourraient jouer un rôle clé dans le développement des régions rurales, longtemps laissées à la marge. Le cap est posé : bâtir une économie fondée sur la durabilité, l’innovation locale et l’autonomie alimentaire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En Tunisie, 70 % des déchets organiques sont encore enfouis en décharge. Une seule tonne de larves permet pourtant de recycler jusqu’à cinq tonnes de biodéchets. Une opportunité immense, à la croisée des enjeux économiques, environnementaux et sociaux.
Rayonnement à l’international
Le succès ne s’arrête pas aux frontières tunisiennes. Fondée par deux entrepreneurs tunisiens, Syrine Châalala et Mohamed Gastli, la start-up a récemment annoncé une étape majeure de son développement : l’implantation de ses activités au Mexique. Selon l’Agence de promotion de l’investissement extérieur (Fipa), un investissement de 655 millions de pesos —soit environ 120 millions de dinars— permettra l’installation de cinq usines à travers le pays, la création de 400 emplois et le traitement de quelque 200 tonnes de déchets organiques chaque année.
Ce déploiement s’appuie sur un partenariat stratégique avec le « Central de Abasto », principal marché de gros de Mexico, où les déchets de fruits et légumes invendus seront transformés en matière première pour l’élevage d’insectes. Ces derniers serviront ensuite à produire des protéines animales, fermant ainsi la boucle d’un modèle vertueux.
Depuis sa création en 2015, et bien que son siège soit basé en France, « NextProtein » n’a jamais rompu avec ses racines tunisiennes. L’entreprise y opère toujours avec deux usines actives. Elle affirme pouvoir produire, sur une surface de seulement 100 m², l’équivalent protéique d’un champ de 100 hectares de soja. Un exploit technologique qui résume toute la puissance de son modèle. Forte de cette dynamique, elle ambitionne d’étendre encore davantage sa présence en Amérique latine, avec un plan d’investissement estimé à 430 millions de dinars à moyen terme.
À travers cette aventure industrielle et humaine, des entrepreneuses et entrepreneurs tunisiens prouvent que l’innovation durable n’est pas une utopie, mais une réalité en marche. En transformant les contraintes en opportunités, en ancrant la technologie dans les réalités locales, ils redonnent espoir à une économie en quête de renouveau. Loin des discours alarmistes, ce parcours inspire, démontre et ouvre la voie à d’autres réussites.