
Le stand de Aziza Abid ne passe pas inaperçu. Un tourbillon de senteurs captive les visiteurs, les guidant droit vers elle. Aziza figure parmi les doyennes de la distillation des plantes médicinales et aromatiques à l’Ariana, la ville des Rose. Agée de 61 ans, elle ouvrit les yeux, dès sa prime enfance, sur ce métier enivrant. «Toute ma famille s’adonnait à ce métier. J’ai grandi dans une brume de parfums envoûtants, ceux de l’eau de rose, de l’eau de fleur d’oranger, du géranium, de la menthe, du romarin, de l’églantier et du menthol… Depuis, je me suis consacrée à la perpétuation de ce savoir-faire ancestral, avec passion et loyauté», indique-t-elle.
La Presse — Ce qu’elle appelle «loyauté», c’est bien ce contrat de confiance qui la lie à sa clientèle, d’une part, et à sa conscience, d’autre part. Contrairement à certaines artisanes, Aziza ne réutilise pas les mêmes fleurs pour une deuxième ou une troisième distillation. «Pour une fechka de deux litres d’eau aromatique distillée de qualité supérieure, j’utilise quatre kilos de fleurs.
Pour une fechka de qualité moyenne, j’utilise trois kilos de fleurs ou de plantes. Pour les clients qui préfèrent une qualité plus allégée, j’opte pour seulement deux kilos de fleurs ou de plantes», explique-t-elle. Et d’ajouter que contrairement à bien d’autres artisanes, elle ne soustrait aucunement l’huile de distillation pour la vendre en aparté. «Cette huile revient de droit au client. D’ailleurs, même ceux qui recommandent une eau pure, dépourvue d’huile, je tiens toujours à leur donner l’huile dans un flacon à part», souligne-t-elle.
Les prix de la matière première en hausse
Cette artisane se souvient de l’époque où la matière première ne coûtait pas aussi cher qu’auparavant. Le kilo des fleurs d’oranger, par exemple, se vendait à 1d500; celui des roses à sept dinars tout au plus. «Aujourd’hui, les fleurs d’oranger sont à 20dt le kilo, les roses à 45dt le kilo, le géranium à sept dinars le bouquet et l’églantier à soixante-dix dinars le kilo.
S’agissant des roses et des fleurs d’églantier, ils manquent sensiblement sur le marché et ce, depuis deux ans. Il faudrait même attendre encore trois ans pour que les rosiers et les églantiers guérissent de la pluie rougeâtre qui les avait sinistrés il y a deux ans», fait-elle remarquer.
Conquérir le marché international : pas si facile que cela !
Humble et sereine, Aziza ne cache pas tout de même sa fierté de convertir une activité saisonnière en un laboratoire honorable, qui produit des tonnes de litres d’eau distillée et aromatique. Mais en dépit de son amour pour son travail, elle n’a pas réussi à s’imposer ni sur le marché local en tant de grande productrice d’huiles essentielles, ni sur le marché international.
«D’abord, le marché national compte cinq grands producteurs d’huiles essentielles qui exportent vers le marché international et fidélisent des clients de renommée mondiale. Quant à l’exportation de l’eau distillée et aromatique à l’échelle internationale, poursuit-elle, je peux vous assurer qu’il est très difficile de concurrencer les Français en la matière; ils ont placé la barre bien haut. Quoi qu’il en soit, les artisans et les artisanes doivent persévérer et ne pas lâcher prise. Il faut croire en ses perspectives pour pouvoir avancer».
Les produits d’Aziza obéissent à une tarification bien claire : la fechka d’eau de roses se vend entre 90dt et 110dt; celle d’eau de fleurs d’oranger entre 40dt et 50dt ; l’eau de fleurs de géranium entre 25dt et 35dt. L’eau distillée de romarin se vend à 13dt le litre.