
Les vertus de la nature remontent à la surface, mises en valeur par des artisanes chevronnées et autres, jeunes et innovantes. C’est que la phytothérapie et l’homéopathie ont su, depuis quelques décennies, se frayer un chemin vers la santé et le bien-être. Aussi, en Tunisie, les plantes et les graines médicinales ont-elles repris de plus belle, restaurant ainsi une panoplie de savoir-faire ancestraux et de produits à la fois naturels, sûrs et efficaces.
La Presse — Fidèle à sa tradition, la 29e édition de Floralies, qui a démarré le 9 mai et qui se poursuit jusqu’au 25 mai 2025, a ouvert les portes de l’espace Bir Belhassen à l’Ariana aux artisanes investies dans la valorisation des plantes et des graines médicinales et aromatiques. Telles des pharmacies antiques, les stands respectifs desdites artisanes apportent à l’espace hautement végétal et exaltant une touche bien particulière; celle d’une multitude de produits de terroir extraits de la nature. Reportage.
L’innovation au naturel
En sillonnant les allées de l’espace ouvert Bir Belhassen, on s’arrête devant un petit stand où sont exposés de petits flacons de produits cosmétiques naturels. Le packaging n’a rien de particulier, certes. Mais le contenu, lui, se distingue par une alchimie de substances puisées de la nature pour offrir aux femmes le meilleur pour leur épiderme.
«J’ai monté mon propre laboratoire de produits cosmétiques naturels il y a quatre ans. Spécialisée en informatique appliquée à la gestion, je me suis intéressée par la suite à la phytothérapie et à la cosmétique naturelle. J’ai obtenu mon diplôme et je me suis investie dans ce créneau en tablant, aussi, sur la compétence d’une équipe qualifiée, formée de chimistes et de biologistes», indique Amira Meddeb, propriétaire dudit stand. Sa petite table d’exposition contient une gamme d’écran solaires naturels, riche en actifs dont la vitamine C, l’huile de jojoba, l’huile de carotte et bien d’autres encore qui ont fini par hisser la protection contre les UV à 96%; une protection optimale qu’elle propose à 40dt.
Jeune, déterminée à innover dans un secteur à dominante concurrentielle, Amira est en quête de particularités atypiques et performantes. «Je propose aussi des sérums dont les plus demandés sont celui à base de réglisse et celui à la vitamine C. Pourtant, j’en ai d’autres qui pourraient être nettement plus intéressants pour certains types de peau. La spécificité de mes sérums repose sur le recours non pas au SE pour réunir les phases du sérum mais plutôt à l’acide hyaluronique, dont les effets sur la peau sont spectaculaires», renchérit-elle. Cette artisane propose aussi des huiles essentielles, contenues dans des flacons de dix millilitres. «La plupart des clientes recommandent l’huile essentielle de ricin ; un produit naturel fabriqué dans les règles de l’art, que je propose à dix dinars le flacon», ajoute Amira qui fait aussi ses premiers pas en tant qu’artisane du parfum. «J’ai des eaux de parfum qui peuvent tenir jusqu’à trois jours. Ma préférée, poursuit-elle, est celle à base de jasmin. Le prix du flacon de cinquante millilitres est de seulement quinze dinars».
Autant d’années de labeur que de produits
Un peu plus loin se trouve le stand de Fatma, une artisane qui avait choisi, vingt ans auparavant, de créer une enseigne de produits bio et autres naturels, puisés des plantes et des graines médicinales et aromatiques. Son enseigne rend hommage à sa mère, Baya, qui l’avait initiée, depuis qu’elle était toute petite, à un savoir-faire ancestral et passionnant. Ses vingt ans d’activité lui ont valu une renommée et une multitude de produits qu’elle expose, en masse, en marge de Floralies.
Et bien que l’emplacement de son stand semble dissimulé, l’odeur du «bkhour» qu’elle brûle au fur et à mesure réussit, immanquablement, à orienter les curieux. «Tous les produits qui s’offrent à vos yeux sont les fruits d’une grande expérience, d’un savoir-faire ancestral que j’ai hérité de ma mère mais aussi de tant d’années de labeur. Je dispose, en effet, de toute sorte d’huiles essentielles bio, obtenues suite à un processus traditionnel. Ces huiles traitent, chacune, bon nombre de problèmes cutanés, métaboliques et autres, cosmétiques», indique-t-elle fièrement avant de donner un aperçu exhaustif, voire interminable, de ses produits et de leurs bienfaits.
Fatma recommande l’huile d’ail pour traiter la chute des cheveux, l’huile de noisette et de coco pour étoffer les sourcils, l’huile des pépins de la figue de Barbarie et celle de la résine d’Oliban pour réduire les rides, celle de lentisque comme cicatrisant naturel et un remède efficace contre les brûlures cutanées et gastriques. Elle propose aussi le fameux shampoing à base d’argile, le masque au «barouq» pour donner un coup d’éclat aux peaux ternes, des savons naturels à base d’huile d’olive ou de nigelle et autres produits à couper le souffle… Ne se souciant guère de la mise en valeur de ses produits, Fatma n’a pas cherché à opter pour un joli packaging et encore moins pour conquérir les marchés internationaux. Fort sollicitée par une clientèle fidélisée et autre, tentante, elle ne semble pas accorder une grande importance aux perspectives qu’elle rate en sacrifiant la touche artistique qui ferait la différence…
Si certaines artisanes négligent la mise en valeur de leurs produits, il serait possible, voire souhaitable, que les futures générations prennent en considération ce détail, car tout se joue parfois au détail près.
Le sel de mer au fond du placard !
Parfaitement digne de remplacer son père au stand, Mohamed Ilyès Mzoughi, qui n’a pas encore soufflé sa seizième bougie, nous renseigne sur les caisses remplies de cristaux blanchâtres et aux formes irrégulières qu’il propose : le sel de mer parfumé ! «C’est le sel que collectent les marins du fond de la mer. Ils le filtrent, le nettoient et le font sécher. Puis ils le vendent en gros, soit à des quantités supérieures ou égales à cinquante kilos le sac. Nous l’achetons et nous le parfumons en misant sur les senteurs naturelles comme la fleur d’oranger, le géranium, l’oud, le néroli, le menthol, le citron vert etc. C’est un produit recommandé, explique-t-il, pour parfumer les placards, les dressings, les salles de bain et même le salon. Le sachet de cent grammes environ est à 1d500».
Du cosmétique naturel innovant aux diffuseurs cent pour cent naturels de parfums d’ambiance, en passant par toute une liste d’huiles essentielles à vocation relaxantes et curatives, de graines naturelles aux vertus confirmées, d’encens et jusqu’aux pierres ponces naturelles, les artisans et les artisanes développent non seulement des produits naturels de plus en plus demandés, mais aussi ils viennent contrecarrer toute une perception conventionnelle du bien-être fondée sur les principes actifs chimiques. Ces petites industries qui poussent lentement mais sûrement tendent à changer la vision des clients en les convainquant de la valeur indétrônable des trésors de la nature. Et ce n’est point une question de tendance éphémère, mais d’une prise de conscience, d’un changement qui s’opère, ayant pour finalités le bien-être garanti à moindre coût et l’exploitation salutaire des richesses naturelles de nos régions. Les retombées physiologiques de ces produits sur les clients et celles économiques sur les artisanes et les artisans sont certaines. Néanmoins, un impact socioéconomique plus performant serait souhaitable, notamment via l’encouragement à l’exportation et à une meilleure mise en valeur des produits finis.