
Du 20 au 22 mai 2025, la Semaine africaine s’est tenue au siège de l’Unesco, à Paris. Organisée chaque année par le Groupe africain auprès de l’Organisation, cette manifestation vise à célébrer la richesse culturelle, artistique et culinaire du continent africain dans toute sa diversité. Au programme : expositions de peintures et d’artisanat, défilés de tenues traditionnelles, concerts, projections de films, dégustations gastronomiques, conférences et tables rondes. L’événement, ouvert au grand public, permet aussi aux représentations diplomatiques de mettre en valeur leur culture et leur savoir-faire dans une ambiance chaleureuse et festive.
Pour cette édition 2025, une quarantaine de pays africains étaient représentés, chacun disposant d’un espace dédié pour mettre en valeur ses spécificités culturelles. L’Afrique du Nord n’était pas en reste : l’Algérie, l’Égypte et le Maroc ont marqué l’événement par leur présence affirmée. Quant à la Tunisie, elle brillait par son absence.
Aucun pavillon, aucun intervenant officiel, aucune trace institutionnelle. Une absence d’autant plus visible que la culture tunisienne aurait eu toute sa place dans un tel rendez-vous : art du tissage, calligraphie, traditions culinaires, musique soufie ou malouf, vêtements traditionnels comme la jebba, la chéchia ou le sefsari… Autant de richesses qui auraient pu (dû) être exposées. À défaut, ce sont d’autres qui occupent l’espace.
Les réseaux sociaux tunisiens bouillonnent de colère. De nombreux citoyens y expriment leur frustration, voire leur indignation. Certains, bien que sans preuve formelle à ce stade, affirment que des éléments emblématiques de la culture tunisienne auraient été présentés par d’autres délégations. L’ombre du soupçon plane alors ; sommes-nous en train de céder, par inaction ou par négligence, des fragments de notre mémoire collective ?
Il est possible que la Tunisie n’ait pas pu allouer les moyens logistiques et financiers nécessaires à sa participation. Mais cela n’explique pas tout. Car au-delà des moyens, c’est la volonté politique et diplomatique qui est en cause. La mission permanente de la Tunisie auprès de l’Unesco est-elle suffisamment mobilisée sur ces questions ? Qui, aujourd’hui, porte la voix de notre patrimoine à l’international ?
Il ne s’agit pas ici d’alimenter des discours victimaires ou des rivalités régionales. Le patrimoine maghrébin est en partie partagé, et cela fait aussi sa beauté. Mais à une époque où l’appropriation culturelle est un enjeu mondial, il appartient à chaque pays de raconter son propre récit. Celui qui s’efface laisse la place à d’autres narrations, qui ne sont pas toujours bienveillantes ou fidèles.
La Tunisie n’a pas le luxe de rester en marge de ce genre d’événements. La culture, chez nous, n’est pas un supplément d’âme, elle est un pilier de notre identité, un outil de rayonnement, un acte de souveraineté. Elle doit être défendue avec force, portée avec fierté. Pas pour se mesurer aux autres, mais pour dire qui nous sommes. Pour affirmer, haut et clair, notre voix, notre mémoire, notre créativité. Pour montrer que nous avons quelque chose d’unique à offrir au monde, et que cela mérite d’être vu, entendu et reconnu.