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Artisanat et absence de certification : Le maillon faible

A l’exception de quelques sacs à main et autres, sacs de plage sur lesquels Abdelmoïne Ben Maâouia a pris soin d’indiquer son enseigne, aucun produit exposé par les artisans ne mentionne une marque déposée, une provenance, pas même le «Made in Tunisia» qui préserverait l’identité et l’authenticité d’un artisanat digne de tant d’effort et de tant de persévérance !

Le problème de la certification et de la traçabilité continue à tirer l’artisanat vers le bas, en dépit d’une volonté commune de le valoriser afin qu’il résiste à la concurrence mondiale et qu’il décroche sa place en tant que produit haut de gamme, bio et tendance. Pis encore : certains commerçants internationaux n’hésitent pas à profiter de ce laisser-aller pour commander en grande quantité des produits faits main, fabriqués dans les règles de l’art et nécessitant des heures, des jours, des semaines et peut-être même des mois de travail et de les vendre sur le marché international en tant que produits européens, orientaux ou même asiatiques ! «J’ai des clients français, libanais et portugais qui commandent, souvent, mes créations.

Si les commandes sont modestes, ce sont des amis à eux qui viennent les chercher. En revanche, si elles sont de taille, ils viennent les chercher eux-mêmes», avoue Mariem Helali, résignée. Cette artisane sait pertinemment que ses créations passent pour des créations d’autres personnes, sans pour autant que cela ne semble la frustrer. «Cela m’irrite, mais que voulez-vous que je fasse ? Ce problème perdure depuis des lustres. Récemment, le ministre nous a annoncé que la certification des produits de l’artisanat ne tardera plus à être appliquée. Prions pour que cela puisse voir le jour», ajoute-t-elle.

Ce qui compte, c’est l’argent !

Il faut dire que, vendre des quantités importantes de produits artisanaux fait rêver bien des artisans. C’est le cas de Marouen Challadi qui analyse le problème d’un point de vue purement rationnel. «D’abord, le client est roi ! Cette doctrine explique tout ! D’autant plus qu’il n’est pas logique de refuser de vendre ses produits pour la simple raison qu’ils ne sont pas certifiés et ne mentionnent pas leur provenance et leurs producteurs.

En tant qu’artisan, ce qui compte le plus pour moi c’est de gagner de l’argent. D’ailleurs, poursuit-il, si je refuse de voir mes produits — quoique dépourvus de toute indication— commercialisés sous d’autres cieux, le client, lui, frappera à d’autres portes, et je serais perdant».  

Négligeant la certification et la traçabilité de leurs produits, les artisans passent à côté d’une visibilité et d’une renommée internationales qui leur reviennent pourtant de droit. Pis encore : ils représentent ainsi le maillon fort du détournement du savoir-faire ancestral tunisien, lequel— rappelons-le— est un patrimoine immatériel à préserver, à protéger et à valoriser. «Je peux vous assurer que nous occupons une place honorable sur le marché international. Aussi convient-il de nous soutenir et de nous aider à nous affirmer et à résister à la concurrence. Les parties concernées sont vivement appelées à établir la certification des produits de l’artisanat et à épauler les artisans afin qu’ils aillent de l’avant», recommande Abelmoïne.  

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