Accueil A la une L’entreprise à l’heure des transitions : Quand l’IA donne du sens à la RSE

L’entreprise à l’heure des transitions : Quand l’IA donne du sens à la RSE

L’intelligence artificielle (IA) et la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) s’imposent aujourd’hui comme deux leviers stratégiques indissociables pour renforcer la performance globale des organisations tout en consolidant la confiance des parties prenantes.

La Presse — À l’occasion de la 4e édition du «CSR Power Forum», qui s’est tenue à la fin du mois dernier à Tunis, des experts en stratégie, ressources humaines et marketing ont démontré comment les technologies émergentes peuvent accélérer une transformation à la fois durable, éthique et inclusive. Le «CSR Power Forum», l’événement incontournable de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), revient pour sa 4e édition à Tunis. Cette année, l’accent est mis sur l’exploration des opportunités offertes par l’intelligence artificielle pour transformer les stratégies de durabilité, optimiser les performances environnementales et renforcer l’impact sociétal des entreprises.

L’IA comme miroir de l’organisation

Guillaume Melle, directeur de «Devolys Consulting», un cabinet international implanté au Maroc et spécialisé dans l’accompagnement RSE des entreprises et aussi évaluateur RSE & QSE et référent du label engagé RSE pour «Afnor», a partagé son expertise à cette occasion. Il a déclaré: «Notre approche repose sur un principe simple; on n’intègre pas l’IA dans l’entreprise sans interroger ce qu’elle va amplifier. Une IA agit comme un miroir de l’organisation et de sa culture. Elle reproduit les logiques existantes : si elles sont justes, elle les renforce positivement; si elles sont biaisées ou rigides, elle les accentue».

Chez Devolys Consulting, deux leviers sont mobilisés de manière simultanée. D’une part, l’IA permet d’agir sur les systèmes : cela implique l’analyse des processus existants, l’identification des croyances implicites qui structurent le fonctionnement et l’introduction de l’IA comme outil de régulation, et non de simple standardisation. D’autre part, l’IA sert à accompagner les personnes : il ne s’agit pas de formater les individus, mais de leur proposer des outils de développement personnalisés, adaptés à leur réalité et à leur potentiel.

L’objectif est clair : éviter que l’IA ne devienne un simple levier d’optimisation, mais qu’elle demeure un vecteur de progrès collectif, aligné avec les valeurs RSE de l’entreprise.

Selon Melle, l’IA peut être un atout puissant si l’organisation a atteint une maturité suffisante. Elle peut contribuer à corriger certains biais humains, notamment dans le recrutement, la gestion de la performance ou l’analyse comportementale. Mais elle peut aussi automatiser ces mêmes biais à grande échelle si elle est mal encadrée.

Dépasser la vision techniciste

Les entreprises les plus avancées dans leur transformation utilisent l’IA pour réécrire les règles du jeu en matière de recrutement et de fidélisation, en valorisant les compétences réelles plutôt que les parcours types; identifier les talents invisibles, ceux qui ne rentrent pas dans les cases classiques mais qui apportent une réelle valeur ajoutée ; et créer des environnements plus accessibles, en proposant des interfaces inclusives, des tests adaptatifs et des feedbacks personnalisés.

Mais pour que cela fonctionne, il faut dépasser une vision techniciste et entrer dans une logique consciente des dynamiques managériales. L’IA doit être pilotée par des valeurs, non uniquement par des objectifs. Il ne s’agit pas de choisir entre performance et humanité, mais de redéfinir le sens même de la performance individuelle et collective. L’IA peut aider à repérer les écarts de compétences, à personnaliser les parcours de formation et à proposer des trajectoires adaptées. Mais elle ne remplacera jamais le rôle du manager, qui reste un pilier de la relation humaine et de la cohésion d’équipe.

Chez Devolys Consulting, trois principes structurent tout projet d’intégration de l’IA. Il s’agit d’abord de donner du sens à la donnée : les tableaux de bord ne rendent pas compte de toute la complexité organisationnelle, il convient donc d’interroger ce qu’ils traduisent réellement. Ensuite, il faut former intelligemment : la formation à l’IA doit tenir compte des styles d’apprentissage, des besoins individualisés et sortir du formatage standard. Enfin, il est indispensable d’impliquer les collaborateurs : l’IA ne doit pas les contrôler, mais les «augmenter», en leur ouvrant de nouvelles opportunités de contribution et d’évolution. L’accompagnement est toujours adapté au niveau de maturité de l’organisation. Une entreprise en quête de contrôle n’utilisera pas l’IA de la même manière qu’une entreprise engagée dans une démarche d’harmonie ou de coconstruction. L’objectif n’est pas d’imposer une «bonne pratique» universelle, mais d’aider chaque structure à progresser vers plus de cohérence, de conscience et d’humanité.

De son côté, Stephan Géradon Stephan, expert senior en marketing et responsabilité sociétale des marques, Associate Director chez «NexAlytix », met en lumière une autre facette de la transformation des entreprises : la relation entre les marques et les consommateurs.

Les préoccupations sont différentes

Les consommateurs exigent aujourd’hui des marques qu’elles soient plus responsables, transparentes et authentiques. À l’ère de la RSE évolutive, les marques doivent devenir, au même titre que les institutions, des actrices du changement.

Selon le «Edelman Trust Barometer 2024», 88% des consommateurs mondiaux souhaitent que les marques s’engagent concrètement pour la société et l’environnement. Le «Nielsen Global Sustainability Report 2023» révèle, quant à lui, que 73 % sont prêts à modifier leurs habitudes d’achat pour réduire leur impact écologique. Les préoccupations varient selon les contextes : santé, origine des produits, impact environnemental, conditions sociales de production. Ces attentes doivent être segmentées par secteur, région, âge et catégorie socio-professionnelle. En Tunisie, les priorités sont l’accès à l’eau, l’inclusion sociétale et l’égalité financière. En Europe, la réduction de l’empreinte carbone domine.

Les jeunes générations, en particulier les Millennials (29–44 ans) et la Génération Z (14–28 ans), veulent des marques militantes, tandis que les générations plus âgées réclament des preuves tangibles. 73 % des Millennials se disent même prêts à payer plus pour des produits durables (source : Deloitte 2023).

Face à ces exigences croissantes, le marketing doit évoluer vers une approche responsable, articulée autour de trois piliers. D’abord, la RSE joue le rôle de cerveau : elle structure l’engagement de l’entreprise via des pratiques éthiques, mesurables par des indicateurs ESG. Ensuite, la Responsabilité sociétale de marque (RSMarque) en est le cœur : elle aligne la vision et les valeurs de l’entreprise avec les attentes sociétales, notamment à travers la marque employeur. Enfin, le marketing responsable représente les bras : il conçoit des produits durables, des campagnes transparentes et lutte contre le greenwashing.

Intégrer la RSE dans les algorithmes

Demain, le marketing entre dans une nouvelle ère, celle de l’alliance entre engagement éthique et intelligence artificielle. Déjà, 54 % des consommateurs déclarent faire davantage confiance à l’IA qu’à la publicité traditionnelle (Accenture 2023). Il devient essentiel d’intégrer les critères RSE dans les algorithmes de recommandation pour proposer des expériences personnalisées, mais aussi alignées sur des valeurs durables.

Bienvenue dans l’ère du « Segment of One » : proposer le bon message, à la bonne personne, au bon moment. Il s’agit d’un marketing ultraciblé et respectueux, qui n’identifie pas les individus nominativement, mais analyse des micro-clusters comportementaux. Cette approche permet de concilier efficacité, éthique et respect de la vie privée, tout en respectant les réglementations en matière de données personnelles. Une évolution indispensable pour bâtir une relation de confiance durable entre marques et consommateurs, dans un monde en pleine transformation, a conclu Stéphane.

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