Accueil A la une Reprise après l’Aïd : Les bouchers revendiquent la baisse des prix !

Reprise après l’Aïd : Les bouchers revendiquent la baisse des prix !

La Presse —Les bouchers remontent enfin les rideaux après deux semaines de congé annuel bien mérité. Il faut dire qu’avant, dans le temps où la plupart des salariés se permettaient d’acheter le mouton du sacrifice, les commerçants de viandes rouges s’autorisaient un mois de congé, rassurés qu’ils étaient par l’approvisionnement infaillible des consommateurs en viande.

Mais depuis quelques années, et vu la flambée des prix des moutons et la réticence — amplement justifiée d’ailleurs— de bon nombre de Tunisiens, le repos des bouchers se limite à deux semaines. La reprise rime souvent avec travaux de maintenance, d’aménagement et de nettoyage. Quant à la demande, elle reste modérée en raison du prix de la viande d’agneau. 

Dans l’une des boucheries situées au Bardo, un grand remue-ménage se laisse constater. Aziz Ardhaoui, maître-boucher depuis près de vingt-cinq ans, marque une pause tout en supervisant les travaux. «C’est la tradition, après le congé de l’Aïd, tous les bouchers s’adonnent à des travaux de maintenance», indique-t-il.

Un peu plus loin, la boucherie dans laquelle travaille Mohamed Ali Jammali depuis une quinzaine d’années a, elle aussi, rouvert ses portes. «Ce sont généralement les boucheries qui fournissent de la viande aux restaurants qui ne tardent pas à reprendre leur activité. Finalement, les choses ont changé et les engagements professionnels sont à respecter», souligne-t-il. 

Comme bon nombre de bouchers, Aziz et Mohamed Ali ont  connu un rythme de travail bien particulier lors des préparatifs de l’Aïd. La plupart des clients ont préféré acheter assez de viande d’agneau pour pallier l’annulation du sacrifice. Mohamed Ali avoue avoir constaté que, munis d’une bonne somme d’argent, soit de mille dinars, certains ont préféré pourtant boycotter le mouton.

«La plupart des Tunisiens endossent tant de charges à payer. Du coup, ce n’est plus cette dualité riche-pauvre qui en décide, mais d’autres logiques. Le prix du mouton de l’Aïd est devenu emblématique depuis quelques années. Même le prix de la viande semble inaccessible pour bien des Tunisiens. A la veille de l’Aïd, le prix de la viande d’agneau a atteint les 75 dt et 80 dt dans certaines boucheries. Ici au Bardo, il était – et l’est toujours- de 60 dt le kilo», rappelle Mohamed Ali. 

Manger de l’agneau, une fois l’an !

Ce jeune maître-boucher n’est pas près d’oublier une cliente : une veuve qui, en dépit de ses charges et de ses conditions financières contraignantes, a tenu bon pour faire des économies, de quoi acheter de la viande d’agneau contre la somme de 180 d et faire plaisir ainsi à ses enfants ; une petite famille qui ne se permet de manger de la viande d’agneau qu’une fois l’an, semble-t-il, durant l’Aïd…Aussi, pour ceux qui disposent de mille dinars tout comme ceux dont le budget se limite à quelques dizaines de dinars, la solution est la même : acheter de la viande pour célébrer Aïd el Idha.  «Je peux vous confirmer, précise Aziz, que près de 80% des clients se sont contentés d’acheter de la viande». 

Découpage de la viande : une demande minime

Et pour preuve : les services de découpage de la viande qu’assurent les bouchers au profit des personnes qui ont sacrifié un mouton a chuté d’un cran cette année ! «La baisse est de pas moins de 50% par rapport aux années précédentes», ajoute Aziz. Mohamed Ali se souvent, quant à lui,  que l’année dernière, il avait dû assurer le découpage de la viande  jusqu’à une heure du matin le jour de l’Aïd et rouvrir sa boutique le lendemain pour terminer la tâche.

«On avait l’habitude que chacun de nous se charge du découpage d’une cinquantaine de moutons, le jour de l’Aïd. Cette année, tout le travail avait tourné autour d’une cinquantaine de moutons à découper. La demande de découpage de la viande a été la plus minime de tout temps. Nous avons terminé à 17h», renchérit-il. 

Baisse de l’activité : une question de saison et de prix

Aziz sait pertinemment que la reprise ne sera pas aussi prometteuse qu’on le pense, surtout pour ce qui est de la vente de la viande d’agneau. Les us et coutumes culinaires font que la majorité des Tunisiens affluent après l’Aïd sur l’achat de la viande de veau et ce, pour la préparation de la mloukhiya, un plat mijoté pour célébrer le Nouvel An de l’Hégire. Mloukhiya, les festins spécial réussite au baccalauréat, les dîners des mariages et des heureux évènements, voilà en gros les occasions où les recettes des maîtres-bouchers augmentent sensiblement durant l’été. La saison caniculaire ne semble pas propice à la consommation de la viande rouge. «Généralement, l’activité ralentit après l’Aïd et le Nouvel an de l’Hégire. D’ailleurs, si le prix de la viande préserve son niveau actuel, l’activité baissera d’un cran», renchérit Aziz.

«Les enfants ont droit à la viande !»

Manifestement, les prix des viandes rouges ne gênent pas uniquement les consommateurs ; les commerçants endurent aussi…Mohamed Ali lance un appel aux parties concernées afin de réviser les prix. Ces derniers devraient être plus raisonnables, plus accessibles. «Le prix de la viande d’agneau se situe actuellement à 60 dt le kilo. Il baissera durant l’été pour se situer entre 50 dt et 55 dt le kilo».

«Or, poursuit-il, l’idéal serait de le fixer à 35 dt ; un prix qui était imposé il n’y a pas longtemps et qui convient plus aussi bien au budget des consommateurs qu’à celui des commerçants. Il faudrait aussi réviser le prix du mouton importé de Roumanie et qui nous est proposé, nous les commerçants, à 40 dt le kilo. Dans les pays voisins, la viande importée coûte nettement moins cher…». 

Mohamed Ali perçoit le problème de la cherté de la viande rouge sous un angle plus analytique, plus humain. «Il faut baisser le prix de la viande afin de permettre aux ménages de s’approvisionner en protéines et garantir une alimentation saine et riche aux enfants. Les enfants ont droit à la viande», souligne-t-il. Quant à Aziz, l’augmentation perpétuelle des prix des viandes rouges l’inquiète. «Si cela continue, je crains qu’un jour les bouchers ne jettent l’éponge et que ce ne soit au tour de grandes sociétés de spéculer sur ce métier», dit-il avec regret. 

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