Accueil A la une Le maestro Achref Bettibi à La Presse : Les « 24 parfums » entre musique classique et patrimoine tunisien

Le maestro Achref Bettibi à La Presse : Les « 24 parfums » entre musique classique et patrimoine tunisien

L’Orchestre Symphonique de Mégrine a connu une année particulièrement riche, enchaînant les concerts avec un succès remarquable aussi bien  auprès du public que des critiques. Actuellement, l’ensemble collabore avec Mohamed Ali Kamoun pour une version revisitée de son spectacle «24 Parfums», teintée de couleurs symphoniques. Le chef d’orchestre Achref Bettibi nous en dit plus dans cet entretien.

La Presse — Est-ce que vous pouvez nous présenter l’Orchestre Symphonique de Mégrine ?

L’Orchestre Symphonique de Mégrine a vu le jour en 2017, en collaboration avec l’association Les Solistes. Cette appellation désigne à la fois notre association et le conservatoire. Le conservatoire assure la formation musicale des jeunes, tandis que l’association prend en charge l’organisation d’événements, dont notre propre festival.

Nous mettons un fort accent sur la pratique collective. Dès que les jeunes atteignent un niveau suffisant, ils intègrent nos différents ensembles: l’orchestre des enfants, celui des jeunes, puis, pour les plus avancés, l’orchestre professionnel. Depuis notre création, nous avons accompli de grands progrès.

Plusieurs jeunes ayant commencé avec nous sont aujourd’hui devenus musiciens professionnels. D’ailleurs, certains de nos anciens élèves jouent désormais avec l’Orchestre Symphonique Tunisien. Nous avons également eu l’opportunité de nous produire sur des scènes internationales, notamment à Pau, en France, et même au Venezuela. 

Aujourd’hui, notre effectif total entre orchestre et chorale est d’environ 120 membres. Nous disposons d’un encadrement solide par des professeurs hautement qualifiés pour une large variété d’instruments. Pour ma part, je suis à la fois chef d’orchestre et pianiste. Nous avons jusqu’ici gardé un rythme régulier de 4 à 5 concerts par an. Cependant, ces derniers temps, les demandes et les invitations sont de plus en plus nombreuses.

Vous êtes un orchestre symphonique. En parallèle, vous jouez aussi d’autres styles, comme de la variété internationale à la fête de la musique, l’année dernière. Est-ce que vous n’êtes pas spécialisés  dans un genre précis ?

À l’origine, notre répertoire était strictement classique avec notamment des œuvres de Bach, Beethoven, etc. Mais, très vite, nous avons réalisé que ce genre, bien qu’essentiel à notre identité, ne touche qu’un public restreint, souvent composé de parents ou de vrais passionnés. Personnellement, j’ai toujours eu une forte sensibilité pour la musique classique.

Mais, avec le temps, j’ai compris l’importance de s’ouvrir à d’autres styles pour élargir notre audience. Aujourd’hui, nous proposons des mélanges de musique tunisienne, de variété internationale et bien d’autres styles. Récemment, nous avons collaboré avec Benjemy, pour un concert fusion entre musique électronique et orchestre symphonique. C’était une expérience agréable. Nous avons également réalisé le spectacle «CA Symphonie », un projet original qui revisite la musique de virage du Club Africain dans une version orchestrale.

Ce concert est une première en Tunisie. Comment l’idée est-elle née ?

C’est un ami journaliste et fan du club sportif tunisien qui est derrière cette proposition. Le concert s’est très bien passé sur tous les plans, même artistiquement. Les tickets se sont écoulés à 100 dinars et nous avons quand même joué au Théâtre municipal de Tunis à guichets fermés. Nous envisageons de refaire cette expérience à de plus grandes dimensions.

Vous serez en concert au festival Les Nocturnes d’El Jem pour «24 Parfums» de Mohamed Ali Kamoun. Dans quel registre musical ce spectacle s’inscrit-il ?

«24 parfums » sera joué dans une version entre musique classique et patrimoine tunisien. La base est clairement symphonique. Mais ce sont les sonorités traditionnelles tunisiennes qui finissent par dominer, notamment à travers des instruments emblématiques comme la tabla et la zokra.

Lors de notre dernière représentation à Carthage, nous étions 120 musiciens sur scène. Pour El Jem, l’effectif sera réduit à 80 musiciens, pour des raisons logistiques. L’orchestre réunit de jeunes musiciens âgés de 15 à 22 ans, aux côtés de professionnels confirmés. « 24 Parfums » a déjà rencontré un beau succès lors des éditions précédentes.

L’idée de cette collaboration est née suite à une masterclass dirigée par Mohamed Ali Kamoun avec nos jeunes musiciens. La toute première représentation a d’ailleurs affiché complet, ce qui a renforcé notre envie de poursuivre cette aventure musicale. Un autre élément important à souligner, c’est qu’en été, les musiciens professionnels sont souvent très sollicités.

Les jeunes, en revanche, sont en vacances et disponibles pour suivre l’ensemble des répétitions avec assiduité. Nous serons donc à El Jem le 17 juillet, puis au Festival international de Hammamet le 25 juillet. Après ces deux dates, nous prendrons le temps de faire le bilan de cette expérience et envisager de nouvelles perspectives.

Beaucoup d’artistes commencent à faire appel à des orchestres pour revisiter des morceaux joués auparavant. On peut même penser à Jenjoon au festival international de Dougga. Qu’est-ce qui pourrait expliquer cet engouement selon vous ?

Quand nous avons lancé notre orchestre, il y avait à l’époque peu d’expériences similaires. Aujourd’hui, les orchestres symphoniques se font de plus en plus nombreux. L’écriture symphonique est devenue une sorte de tendance internationale. Mais il ne faut surtout pas renier notre identité essentielle, qui est la musique classique. Il y a beaucoup de travail à faire dans ce sens parce que nous ne travaillons que sur un répertoire limité en Tunisie. Beaucoup d’œuvre sont encore à explorer.

Cet été, vous avez, au programme, des scènes des plus prestigieuses en Tunisie, dont le Théâtre romain de Carthage avant le démarrage du festival. Quels sont vos prochains objectifs ?

Nous avons plusieurs ambitions pour les années à venir. D’abord, nous aimerions interpréter davantage de grandes œuvres du répertoire classique, celles qui sont encore trop peu jouées en Tunisie. C’est un patrimoine musical universel qu’il nous tient à cœur de faire découvrir au public tunisien. Nous souhaitons également renforcer nos collaborations à l’international et participer à plus de concerts à l’étranger.

Un défi important reste cependant : la formation aux instruments à vent qui sont encore peu maîtrisés ici. Pour y remédier, nous envisageons de faire appel à des musiciens étrangers pour former nos jeunes. Nous avons en Tunisie des talents exceptionnels, mais rien ne remplace une formation solide. C’est la clé de l’évolution de l’orchestre et de la pérennité de notre projet.

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