Accueil A la une ARP – Audition de la ministre des Affaires culturelles : Les députés exigent des réformes et plus de transparence

ARP – Audition de la ministre des Affaires culturelles : Les députés exigent des réformes et plus de transparence

Le Conseil des députés du peuple a tenu, mardi 29 juillet 2025, sa dernière séance plénière sous la présidence de Brahim Bouderbala, en présence de la ministre des Affaires culturelles, Amina Srarfi. L’ordre du jour comprenait la présentation d’une dizaine de questions orales adressées à la ministre.

La Presse — Le président de l’Assemblée a ouvert la séance en soulignant l’importance de la Culture comme pilier fondamental dans la construction des individus et des sociétés. Il a évoqué à ce propos l’enjeu des défis culturels actuels, invitant les députés à discuter ouvertement des carences du secteur culturel et à proposer des solutions pratiques pour préserver le patrimoine historique du pays tout en développant les nouvelles formes d’expression culturelle. 

Situation culturelle à Nabeul : entre initiatives ministérielles et attentes des citoyens

Le premier échange a commencé avec le député Mohamed Ali Fennira, qui a interrogé la ministre sur la situation culturelle de la région de Nabeul. Dans sa réponse, Amina Srarfi a indiqué que son département met en œuvre une nouvelle stratégie pour diversifier et enrichir l’offre culturelle dans toutes les régions du pays, y compris Nabeul.

Elle a précisé à cet efet que, depuis le début de l’année en cours, 968 activités culturelles avaient été organisées dans le pays, incluant des festivals pour enfants, des événements pour la jeunesse, et des initiatives visant à promouvoir les arts et la culture auprès des femmes. Parmi les projets spécifiques à la région de Nabeul, elle a cité l’ouverture de nouvelles Maisons de la Culture dans plusieurs villes et la rénovation des bibliothèques publiques pour les rendre plus modernes et accessibles.

Ces réponses n’ont pas convaincu le député Fennira qui a souligné dans ses remarques que la situation culturelle dans la région de Nabeul ne répondait toujours pas aux attentes des citoyens, indiquant que la ville de Grombalia n’avait pas célébré cette année son Festival du mois de Ramadan, en raison de l’absence de salle de spectacle pour accueillir l’événement.

Il a également attiré l’attention sur le manque de soutien suffisant de la part du ministère envers les organisations chargées de la gestion des festivals, ce qui a conduit à la disparition de nombreux festivals. Il a insisté sur le fait que les festivals touchaient un large éventail de la société et ne devraient pas être réservés aux régions centrales. Enfin, il a conclu en appelant à la régularisation du statut administratif des travailleurs dans le secteur du patrimoine, en particulier ceux titulaires d’un doctorat.

Maison de la Culture à Menzel Bourguiba : une députée exige l’ouverture d’une enquête

La question de la députée Mejda Ouerghi a porté sur l’avancement des travaux de la Maison de la Culture à Menzel Bourguiba. En guise de réponse, la ministre a indiqué que ce projet était en cours, avec un taux d’avancement de 98%, mais que certains obstacles, notamment des retards dus à la gestion du chantier, avaient retardé l’achèvement des travaux.

Elle a évoqué des difficultés liées au remplacement d’un ingénieur responsable du projet et à la perte de matériaux en raison de vols. Malgré ces contretemps, elle a assuré que le ministère mettait tout en œuvre pour que le projet soit achevé dans les plus brefs délais.

La députée  a estimé, dans ses remarques, que la situation sur le terrain différait complètement de la réponse donnée par le ministère. Elle a appelé à une visite de terrain afin de suivre le projet de manière directe et d’activer le rôle de surveillance pour vérifier la manière dont les fonds sont dépensés.

Elle a également exigé l’ouverture d’une enquête sérieuse pour élucider les circonstances du vol des câbles électriques, précisant que le gouverneur de Bizerte, lors de sa présidence d’une réunion régionale concernant le projet de réaménagement de la Maison de la Culture de Menzel Bourguiba, avait insisté sur la nécessité de faire signer toutes les parties concernées pour annuler le contrat.

Mejda Ouerghi a aussi insisté sur l’importance de connaître le sort des fonds approuvés par l’Assemblée des représentants du peuple, en imputant la responsabilité au ministère sur ce point, soulignant la présence de zones d’ombre entourant le projet. Elle a conclu en appelant à préserver le caractère architectural et urbain distinctif de la ville de Menzel Bourguiba et à encourager la jeunesse à s’engager davantage dans la vie culturelle de la région

Soupçons de corruption: les députés accusent, la ministre répond …

L’intervention du député Nouri Jeridi a porté sur plusieurs dossiers marqués par des soupçons de corruption et de conflits d’intérêts au niveau local, régional et national. En réponse, la ministre des Affaires culturelles a expliqué que le projet de création du musée national des civilisations préhistoriques remonte à 2016, suite à une proposition du gouverneur de la région.

Ce projet a été approuvé par l’Institut national du patrimoine, qui a attribué en 2018 un terrain de 6.000 m² pour sa réalisation, avant qu’une correspondance ne suggère de le situer dans la municipalité de Ksar. Elle a précisé que ce projet avait une dimension nationale, du fait qu’il abrite des objets archéologiques rares découverts lors de fouilles récemment menées par l’Institut national du patrimoine.

Concernant les accusations de corruption liées au concours de recrutement des enseignants de 2024, la ministre a assuré que ces concours étaient supervisés par des commissions spécialisées, et qu’aucune irrégularité ou suspicion de corruption n’avait été enregistrée. Elle a également garanti aux candidats leur droit de recours selon les procédures légales.

En ce qui concerne le soutien aux événements culturels, elle a indiqué que le festival de la pistache de Ksar recevait un financement direct de 18.000 dinars, en plus des spectacles musicaux soutenus, tandis que le festival de la ville en mars 2025 avait obtenu un soutien de 5.000 dinars, ainsi que le colloque des arts et le festival national de poésie lyrique. Un financement de 15.000 dinars sera attribué à l’association du festival d’été de Sidi Bouzid, et un soutien de 25.000 dinars pour le festival des grottes montagneuses, a-t-elle expliqué.

Dans sa réplique, le député a insisté sur l’attachement des habitants d’El Ksar à la création du musée national des civilisations préhistoriques précisément dans la délégation d’El Ksar, appelant à la restauration de la Maison de la Culture de Sidi Bouzid, et soulignant le retard pris dans le projet de la Maison de la Culture d’El Ksar en raison du retard accusé dans le changement de statut du terrain, ce qu’il a jugé d’inacceptable, notamment en raison de l’impact sur le coût du projet.

Il a également affirmé que les nations ne progressent que grâce à une action culturelle audacieuse et révolutionnaire, soulignant que le ministère de la Culture, étant un ministère souverain, devrait promouvoir un nouveau modèle intellectuel qui soutienne la culture du travail et rompe avec une mentalité d’assisté.

Pour sa part, le député Ahmed Bannour a soulevé plusieurs questions concernant des soupçons de corruption au sein du ministère, en lien avec le fonds de soutien, le suivi des projets non réalisés, le soutien aux festivals, les contrats de prestations de services, ainsi que les conflits d’intérêts impliquant certains responsables du ministère. Il a également interrogé la ministre sur deux dossiers spécifiques : «Sfax, capitale de la culture arabe» et la bibliothèque numérique.

En réponse, la ministre a expliqué que son département suivait de manière rigoureuse l’avancement des projets culturels financés par le fonds d’encouragement à la création, précisant que des mesures avaient été prises pour récupérer les subventions accordées dans 98 dossiers.

Elle a ajouté que la plateforme numérique de gestion des subventions était opérationnelle depuis juillet 2024, dans le but de renforcer la gouvernance et la transparence des procédures de financement public. La ministre a également indiqué que tous les dossiers présentant des irrégularités avaient été envoyés à la justice et que l’inspection générale du ministère était activement impliquée dans le suivi des conflits d’intérêts afin d’assurer la transparence.

Enfin, elle a informé le député qu’une réponse écrite lui avait été envoyée concernant le projet «Sfax, capitale de la culture arabe».

Le député Ahmed Bannour a demandé toutefois au ministère de lui fournir des données actualisées et précises, soulignant que les rapports officiels du ministère faisaient état de plusieurs dossiers suspectés de corruption.

Pour une vision culturelle renouvelée 

En conclusion, la ministre a souligné que le partenariat avec les associations culturelles constitue une base essentielle pour le développement de l’action culturelle. Elle a confirmé le rôle vital joué par les Maisons de la Culture dans diverses régions, en présentant un aperçu de plusieurs projets en cours.

Elle a également précisé que le Code de protection du patrimoine fait l’objet d’une attention particulière, un groupe de spécialistes ayant été formé pour sa révision, et il est prévu que cette révision soit achevée avant la fin de l’année 2025. La ministre a aussi mis en avant le soutien de son département à certains espaces culturels privés, notamment ceux dédiés au théâtre, et a évoqué la nécessité de réexaminer les horaires de travail des institutions culturelles pour qu’ils s’ajustent mieux aux spécificités des activités culturelles.

Elle a ajouté que son ministère s’efforce de garantir un minimum de justice culturelle, tout en cherchant à résoudre les manques et les difficultés en concertation avec tous les ministères et structures concernés. En raison de la place centrale qu’occupe le patrimoine, le ministère accorde une attention particulière à la préservation de cet héritage culturel et œuvre à trouver des solutions innovantes et efficaces pour le maintenir et le valoriser, conformément à la directive nationale recommandée par le Président de la République.

Le ministère continue également de développer une vision culturelle renouvelée visant à faire de la culture et du patrimoine des moteurs de développement économique et social. Cela passe par la réorganisation des institutions culturelles existantes, le soutien aux industries créatives, l’encouragement des investissements dans des projets culturels à forte valeur ajoutée, ainsi que la formation d’une nouvelle génération profondément enracinée dans son identité arabe, tout en étant ouverte aux autres cultures

Boudarbala a réaffirmé lors de la clôture de la séance l’importance capitale de la culture pour la société tunisienne, insistant sur son rôle fondamental en tant que levier de cohésion sociale et de développement économique. Il a souligné que les défis auxquels fait face le secteur culturel nécessitaient des solutions créatives et une coopération renforcée entre le gouvernement, les parlementaires et la société civile.

Il a enfin appelé à une gestion plus efficace des ressources et à un soutien accru aux artistes et aux professionnels de la culture, afin qu’ils puissent pleinement contribuer à la construction d’un avenir prospère pour la Tunisie.

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