
Un poteau électrique, un échafaudage, une route en travaux.
Partout, les mêmes visages exposés au danger sans la moindre protection.
Le drame survenu à la Steg met en lumière l’urgence nationale d’appliquer, enfin, les normes de sécurité internationales pour sauver des vies.
La Presse — Un agent de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) est décédé, dimanche dernier à Sousse, après une chute mortelle du haut d’un poteau électrique lors d’une intervention de maintenance. Un drame de plus dans une série d’accidents qui soulève une question cruciale sur le respect des normes internationales de sécurité dans notre pays, notamment dans les métiers à risque.
Des normes encore trop souvent ignorées
Si les accidents du travail existent partout dans le monde, leur fréquence reste liée au respect — ou non — des standards de sécurité. Dans les pays où ces normes sont strictement appliquées, les décès sont drastiquement limités. En Tunisie, malheureusement, elles sont trop souvent ignorées. Dans le bâtiment, rares sont les chantiers publics ou privés où l’on voit des filets de sécurité protéger les ouvriers. Chaque année, des maçons aux corps frêles, aux visages burinés par le soleil et le vent, basculent dans le vide, sous la chaleur étouffante de l’été ou le froid mordant de l’hiver, faute de protections élémentaires. Derrière eux, ce sont des familles déjà fragilisées qui se retrouvent définitivement désemparées.
Routes, chantiers, collecte des déchets et des travailleurs exposés
Ce ne sont pas seulement les ouvriers du bâtiment. Sur les routes, ceux qui réparent les chaussées ou restaurent les rambardes travaillent à mains nues, sans gants, sans casque, sans uniforme adapté. Les éboueurs, eux aussi, manipulent des déchets, souvent, dans des conditions indignes.
Dans de nombreux pays, un chantier ne démarre pas sans que les filets, harnais, casques et gilets fluorescents soient en place. Les contrôles sont réguliers et les amendes dissuasives. En Tunisie, ces règles existent sur le papier mais restent rarement appliquées. Résultat, là où ailleurs un accident devient exceptionnel, chez nous, il demeure une tragédie récurrente.
Ces métiers essentiels, invisibles aux yeux de beaucoup, sont exercés au prix d’un danger quotidien. Le respect des normes internationales n’est donc pas un luxe mais une obligation pour préserver la vie de ceux qui rendent nos villes habitables et nos services publics fonctionnels.
La dignité, au cœur de la sécurité
L’agent de la Steg qui a perdu la vie dimanche 17 août n’aurait jamais dû grimper seul sur un poteau électrique. Les normes internationales imposent l’usage de nacelles ou d’élévateurs et exigent un travail en binôme. Son décès illustre un manquement flagrant aux règles les plus élémentaires.
Au-delà de la faute technique, il révèle une réalité trop souvent occultée: derrière ces tragédies, il y a des vies brisées. Une veuve, des enfants qui grandiront sans leur père. La sécurité au travail n’est pas seulement une affaire de procédures, elle touche à la dignité humaine la plus fondamentale.
Une responsabilité collective
Respecter les normes, ce n’est pas seulement une exigence technique, c’est un acte de protection envers ceux qui, chaque jour, risquent leur vie pour que le pays continue de tourner. Mais quand la prévention échoue et que la mort frappe, la dignité impose un devoir clair : empêcher qu’une veuve et des orphelins ne sombrent dans la précarité à cause d’un manquement dont ils ne sont pas la cause. Offrir un dédommagement conséquent, ce n’est pas un geste de compassion, c’est une obligation de justice et de responsabilité.
Mais la véritable dignité commence en amont. Elle consiste à donner à chaque travailleur ce qu’il mérite : un uniforme, un casque, des gants, des filets de sécurité, des équipements adaptés et des règles respectées, que ce soit sur un chantier public ou privé, dans une rue, sur un poteau électrique ou dans un camion d’éboueur. Et tant que cela ne sera pas une priorité absolue, nous continuerons à compter nos morts.
La sécurité au travail n’est pas une affaire interne entre l’employé et son employeur. C’est une responsabilité collective qui concerne l’État, chargé de contrôler et sanctionner, les entreprises, qui doivent investir dans la protection de leurs équipes, et la société civile, qui doit exiger le respect de la dignité des travailleurs. Car chaque vie perdue faute de règles non respectées est un échec partagé.