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Tunisie–Égypte : Transformer l’amitié historique en partenariat concret

De visites officielles en accords bilatéraux, la Tunisie et l’Égypte réaffirment leur volonté de transformer des liens historiques en une coopération économique et stratégique concrète. Les deux pays disposent de tous les atouts pour développer leurs échanges et bâtir un partenariat équilibré et tourné vers l’avenir.

La Presse — La Cheffe du gouvernement, Sarra Zaâfrani Zenzri, a effectué une visite de deux jours au Caire à la tête d’une délégation officielle pour participer aux travaux de la 18e session de la Haute commission mixte tuniso-égyptienne, les 10 et 11 septembre. La commission, qui se réunit en alternance entre les deux pays, a été consacrée à l’examen des dossiers économiques et commerciaux et à la consolidation des liens entre les deux pays «dans un contexte mondial qui impose de redoubler d’efforts pour stimuler le commerce intrarégional et la coopération».

Mercredi 10 septembre, Sarra Zaâfrani Zenzri a été reçue au Palais Al-Ittihadiya par le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi. Et lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien, Moustafa Kamel Madbouly, tenue au siège de la présidence du Conseil des ministres dans la nouvelle capitale administrative du Caire, Sara Zaâfrani Zenzri a mis en avant le potentiel commun des deux pays. 

Elle a souligné que la Tunisie et l’Égypte disposent de ressources humaines qualifiées et de compétences suffisantes pour rééquilibrer leur balance commerciale et stimuler des investissements prometteurs, en particulier sur le continent africain, en s’appuyant sur la présence tunisienne en Afrique de l’Ouest et égyptienne en Afrique centrale et orientale. Elle a également insisté sur la nécessité de capitaliser sur les relations d’amitié entre les présidents Kaïs Saïed et Abdel Fattah Al-Sissi afin d’édifier un partenariat stratégique dans tous les domaines, notamment économique. 

Concertation sur les dossiers régionaux et internationaux

Partageant les mêmes espaces géopolitiques (arabe, africain, méditerranéen), la Tunisie et l’Égypte font face à des défis communs. La 18e session de la commission mixte a constitué donc un cadre de concertation sur les questions régionales et internationales, au premier rang desquelles la cause palestinienne et la situation à Gaza, où l’occupation poursuit crimes d’extermination et nettoyage ethnique.

Vers un partenariat économique «modèle»

La Cheffe du gouvernement a plaidé, également, pour un partenariat économique modèle, fondé sur l’équilibre des intérêts et des bénéfices. Elle a souligné que les investissements bilatéraux demeurent encore faibles : 3,45 millions de dollars pour les investissements égyptiens en Tunisie et environ 156 millions de dollars pour les investissements tunisiens en Égypte.

Elle a appelé à lever les obstacles, à établir un plan opérationnel précis et à appliquer les recommandations des commissions sectorielles, notamment dans les domaines du transport maritime, de l’industrie, de l’électricité, de l’agriculture, de l’eau et de l’enseignement supérieur.

Le rôle du secteur privé et de l’Utica

En marge des travaux, un forum économique tuniso-égyptien s’est tenu au Caire, réunissant investisseurs et opérateurs économiques des deux pays. Lors de ce forum, le président de l’Utica, Samir Majoul, a rappelé la résilience du secteur privé tunisien face aux défis, tout en appelant à renforcer la coopération dans les domaines prioritaires : sécurité alimentaire, santé, énergies renouvelables, technologies de la communication.

Il a notamment insisté sur la nécessité de lever les barrières logistiques et de mettre en place une ligne maritime régulière entre les deux pays. Il a également plaidé pour un partenariat tripartite tuniso-égypto-africain, s’appuyant sur la double appartenance au Comesa et à la Zlecaf.

Focaliser sur ce qui peut réussir

Malgré les déclarations de bonne volonté et la signature de multiples accords, à l’occasion de cette 18e session de la Haute commission mixte, la coopération tuniso-égyptienne peine à se traduire par des résultats durables et tangibles. Plusieurs facteurs l’entravent, à commencer par une économie aux structures similaires qui place souvent les deux pays dans une logique de concurrence plutôt que de complémentarité, des visions diplomatiques régionales parfois divergentes, une bureaucratie lourde ralentissant l’application des projets, et des contraintes internes liées à la fragilité économique de part et d’autre.

À cela s’ajoute un déficit de connaissance mutuelle, renforcé par la rareté des échanges qui limite la construction d’une véritable proximité entre les deux pays. Autant de freins qui expliquent pourquoi, au-delà des discours officiels, la coopération reste en deçà de son potentiel réel. En définitive, la relation tuniso-égyptienne illustre bien les paradoxes de la coopération régionale : la volonté politique existe, les textes sont signés, mais la réalité demeure en deçà des ambitions.

C’est pourquoi, si Tunis et Le Caire veulent réellement bâtir un partenariat durable, il leur faudra dépasser la logique des déclarations pour entrer dans celle des résultats. Cela passe par une approche plus pragmatique et ciblée : identifier les secteurs réellement complémentaires, simplifier les procédures bureaucratiques, mettre en place des mécanismes de suivi permanents et favoriser les initiatives directes entre entrepreneurs et acteurs culturels.

Car une coopération ne peut prospérer uniquement sur les canaux officiels ; elle doit aussi s’ancrer dans la société, dans les échanges humains et dans la confiance mutuelle. À ce prix seulement, la Tunisie et l’Égypte pourront transformer leurs liens historiques en une véritable force au service de leur développement et de leur rayonnement commun.

Il est également important de reconnaître une réalité souvent occultée ; la Tunisie et l’Égypte sont en concurrence dans plusieurs secteurs, et le tourisme n’est pas des moindres. Plutôt que de dissimuler cette réalité, il convient de l’assumer et d’orienter les efforts là où la coopération peut réellement être complémentaire et génératrice de résultats tangibles.

Les deux pays disposent de marges de manœuvre significatives dans des domaines tels que les investissements conjoints en Afrique, l’économie verte et les énergies renouvelables, les technologies et l’innovation, ainsi que le transport et la logistique. En concentrant leurs efforts sur ces secteurs stratégiques, la Tunisie et l’Égypte pourront transformer leur amitié historique en un partenariat concret, durable et profitable tant à leurs économies qu’à leurs sociétés.

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