Accueil Economie Gestion budgétaire par objectifs (GBO) : Un levier stratégique pour renforcer la crédibilité économique

Gestion budgétaire par objectifs (GBO) : Un levier stratégique pour renforcer la crédibilité économique

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La Gestion budgétaire par objectifs (GBO) constitue aujourd’hui l’un des piliers majeurs de la réforme des finances publiques en Tunisie. Inspirée des meilleures pratiques internationales, cette approche vise à gérer les ressources financières et humaines de l’Etat de manière plus efficiente et transparente afin d’atteindre des objectifs clairement définis et mesurables.

La Presse — La réforme des finances publiques marque un tournant dans la manière de concevoir la dépense publique, « elle ne se limite plus à répartir des crédits, mais cherche avant tout à mesurer les résultats et à responsabiliser les acteurs publics autour d’objectifs concrets et évaluables », précise Abbes Jellali, économiste senior et formateur en GBO.

Fondée sur la Loi Organique du Budget (LOB) n°2019-15 du 13 février 2019, la GBO repose sur un budget présenté sous forme programmatique et sur une démarche axée sur la performance. Elle conserve les principes classiques de la gestion budgétaire unité, universalité et spécialité tout en y intégrant de nouveaux fondements tels que la sincérité, la transparence et la performance.

Nouvelle culture de gestion

Concrètement, la GBO introduit une nouvelle culture de gestion publique qui remplace la logique des moyens par une logique de résultats. Cette évolution implique une plus grande responsabilité des gestionnaires, un renforcement de la transparence budgétaire, ainsi qu’un contrôle parlementaire plus approfondi. Elle vise également à garantir la soutenabilité des finances publiques, en alignant les programmes de dépenses sur les objectifs macroéconomiques du pays.

A travers sa méthodologie, la GBO favorise une utilisation optimale des ressources publiques : elle permet d’améliorer la performance de l’action de l’Etat, d’accroître la qualité du service public et d’adapter les dispositifs de contrôle à de nouveaux impératifs de performance. 

Selon Jellali, cette mutation budgétaire « permet de dépasser la logique comptable traditionnelle et de remplacer la dépense publique dans une perspective de résultat et de rendement ». Il souligne également que la réussite de la GBO dépend de la capacité des ministères à élaborer des indicateurs de performance pertinents et mesurables.

Pour les décideurs, cette approche offre plusieurs atouts : un meilleur alignement entre les dépenses et les résultats, une priorisation des programmes selon leur impact, un suivi continu des performances, une réduction des gaspillages et une traçabilité accrue des fonds publics. Elle facilite également le contrôle parlementaire, l’audit et la participation citoyenne.

L’originalité de la réforme tunisienne réside dans sa démarche progressive et participative. Débutée dès 2004 par l’administration, elle a d’abord fait l’objet d’une phase expérimentale avant d’être consacrée par la LOB de 2019, puis mise en œuvre à partir du 1er janvier 2020. Ce processus a permis aux acteurs publics de s’approprier les outils de la GBO et de consolider la culture de la performance au sein de l’administration.

Défis structurels 

Cependant, la mise en œuvre de cette réforme se heurte encore à plusieurs défis structurels. Beaucoup d’acteurs continuent à percevoir la GBO comme un simple exercice annuel de chiffrage, alors qu’il s’agit d’un outil de planification stratégique pluriannuelle. Par ailleurs, les difficultés financières de l’Etat depuis 2011 ont freiné son déploiement, l’attribution des crédits restant souvent fondée sur l’approche classique des enveloppes budgétaires.

Abbes estime que « sans une réelle appropriation politique et administrative, la GBO risque de rester une réforme de forme et non de fond ». Il appelle à une montée en compétence des gestionnaires publics et à une meilleure coordination entre les ministères pour que cette réforme produise ses effets réels sur la qualité de la dépense publique.

Dans un contexte mondial marqué par la concurrence pour attirer les capitaux, la GBO représente pourtant un levier stratégique pour renforcer la crédibilité économique de la Tunisie. En instaurant un cadre budgétaire prévisible et orienté vers les résultats, elle contribue à rassurer les investisseurs étrangers.

Ses mécanismes d’attractivité reposent sur plusieurs axes: une meilleure prévisibilité budgétaire, une allocation plus efficace des ressources, une transparence accrue des informations financières et une gouvernance plus rigoureuse. En renforçant la lutte contre la corruption et l’efficacité des services publics, la GBO améliore le climat des affaires et stimule l’investissement privé. Elle facilite aussi les partenariats public-privé (PPP) grâce à des critères de performance clairs et à une évaluation plus rigoureuse des projets.

En outre, cette approche envoie un signal positif aux marchés et aux agences de notation, en témoignant d’une gestion budgétaire axée sur la discipline et la performance, deux conditions essentielles pour la stabilité macroéconomique.

Pour réussir pleinement cette transition, plusieurs recommandations s’imposent. « Il s’agit d’abord de renforcer le cadre institutionnel et la gouvernance de la réforme, en assurant un engagement politique fort et une meilleure coordination interministérielle. Le cadre légal doit être consolidé, notamment à travers une révision des décrets d’application de la LOB et une généralisation du Cadre de dépenses à moyen terme (Cdmt) ».

Le développement d’outils de pilotage modernes, l’amélioration de la qualité des rapports de performance et la montée en compétence des cadres publics figurent également parmi les priorités. Enfin, « la transparence, la reddition des comptes et la participation citoyenne doivent être renforcées pour consolider la confiance et garantir la durabilité de la réforme ».

Selon l’expert, la réussite de la GBO repose donc sur une vision intégrée combinant stabilité macroéconomique, discipline budgétaire et gouvernance performante. En s’inscrivant dans une logique de résultats, la Tunisie pourrait ainsi non seulement optimiser ses dépenses publiques, mais aussi renforcer la crédibilité de son économie sur la scène internationale.

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