Choqués, secoués, indignés, nos compatriotes, par le meurtre du jeune Adem Boulifa. S’en prenant à l’ensemble du «Système». Appelant au châtiment extrême.
Mobilisés comme jamais. Omettant, néanmoins, de poser (de se poser) une question, la question, croyons-nous : pourquoi toute cette barbarie ? Pourquoi ce corps tabassé, traîné, défoncé ? Pourquoi ces simples serveurs, ces simples portiers, ces simples sécuritaires, transformés en un rien de temps, pour rien de rien, rien du tout, en pire meute assassine ?

Seule vraie question, oui. Et la réponse est à portée aujourd’hui.
Ce qu’ il y a depuis la révolution, depuis que la gouvernance du pays piétine et que l’Etat peine à se reconstituer, c’est que la crainte a disparu, toute crainte qui se respecte : morale, légale, sociale. Crainte des règlements, des lois, crainte de l’autorité, crainte d’être coupable, crainte d’encourir une sanction. Un sentiment d’impunité se propage parmi la population, du bas en haut de l’échelle, incitant, «rassurant» les fauteurs, les fraudeurs aussi bien que des gens d’élite, des responsables, des décideurs et des cols blancs.

Jamais les serveurs et les portiers du «Madison» n’auraient versé dans une telle horreur si le contexte, si les mœurs en général n’étaient aussi permissives, aussi relâchées. Reconnaissons du reste : avant l’horrible mort infligée à Adem Boulifa, il y a eu d’autres crimes crapuleux dans nos villes, les braquages étaient légion. Et ils le demeurent. La sécurité des citoyens est loin d’être acquise encore.

La sécurité des talents et des compétences, de même. On le redit : l’absence de sanction et de crainte de la sanction favorise la violence et l’arbitraire partout. Dans les ministères, par exemple, où des décisions complètement infondées peuvent être prises sans le moindre rattrapage possible. Les ministres sont toujours «rois» comme sous Ben Ali. Archi-protégés, par leur bureaucratie, leur impunité.

Une pensée, ici, pour l’excellentissime directrice du Cnci, Chiraz Laatiri, limogée dernièrement, sans que l’on ne comprenne vraiment pourquoi ni comment. La profession cinématographique dans sa totalité a exprimé son refus. Le ministère de la Culture a commencé, lui, par se taire, avant d’invoquer l’argument (étrange) d’une «démission». Chiraz Laâtiri nie de toute évidence ce qu’elle n’a jamais signé, mais il est clair que nul n’y pourra plus rien désormais.

Deux autres cas (similaires ?) pour conclure. Ceux d’enseignantes universitaires de musique, Leïla Habachi et Saima Sammoud. La première a officialisé sa candidature au concours international de recherches «Mahmoud-Guettat» par courrier accusé de réception, mais que l’ISM, organisateur, nie avoir reçu. La seconde, après trois années de hauts services rendus au ministère à El Ebdellia et à la Cité de la culture, vient d’être invitée à «passer au bureau d’ordre, pour y retirer un certificat d’honneur» ! ?
Double «sic», encore : la tutelle ne craint rien ni personne, elle décide et nul n’a recours. Absolu pouvoir, impunité absolue.

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