Contrepoint : Ridha Diki : l’exemple… et la leçon

Beaucoup à dire encore au sujet du regretté Ridha Diki. Chanteur peu familier de cette chronique, on l’avoue, mais dont l’œuvre accomplie autant que le sort enduré invitent à plus d’attention vraiment.
Ridha Diki part en nous laissant un double remords. Celui d’avoir négligé l’artiste. Et celui, proprement insoutenable aujourd’hui, de ne l’avoir jamais secouru.
Ridha Diki appartient a la génération 70-80, c’est-à-dire, musicalement, à la période classique de la wataria. En ces années, on ne s’entendait, encore, que de tarab, de chant et de mélodies de «maqams». Lui, l’artiste rebelle, ramait à contre-courant. Il préférait les band’s et les tons complets. Les musiques du monde ?Pas spécialement, pas encore apparues. Mais le style, mi-fantaisie mi-jazzy, pas tout à fait le monologue, mais au détour des couplets, toujours, un brin de malice, un zeste d’ironie. L’influence des chansonniers français était sûre, mais tout était ramené «aux origines», «à la source» grâce à un succulent dialectal tunisien. La chanson culte, celle qui propulsa la star, qui lui octroya un nom, «Diki diki», les autres, de même, les deux «Ana andi», ainsi que quelques imitations savamment arrangées, étaient, toutes de ce bon et beau calibre. Il y avait encore les «survivances» de Abdelhalim en 78, il y avait Baligh et Warda, Mougui et Najet. Et en Tunisie, à partir de 1980, il y eût la grosse génération des néo-classiques. Ridha Diki tint bon malgré tout. Il avait précédé son époque. Il fut, en quelque sorte, un précurseur des band’s et des «jazzy’s» des années 1990-2000, chez nous. De cela, hélas, personne ou presque ne lui saura gré. Deux à trois petites exceptions, notamment les passages en 2014 à Ennejma Ezzahra, et en 2016 aux JMC.
Pour le reste, une interruption, un oubli, que suivront, on le sait tous maintenant, l’accident, la maladie et la mort dans l’ignorance quasi complète des autorités culturelles et de la profession. Jamal, le frère, à raconté tout cela, tout le malheur, toutes les souffrances, tous les abandons, subis, à notre journal, l’autre jour. Puisse l’exemple révélé servir de leçon. Les lois sur les conditions de l’artiste attendent toujours. Et la part de la culture dans le budget de l’Etat rétrécit au fil des ans. Faut-il encore «sacrifier» des artistes pour y remédier enfin ?

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