Accueil Economie Opinion – La Tunisie a besoin d’une chance de survie ! : 10 priorités incontournables pour le nouveau gouvernement

Opinion – La Tunisie a besoin d’une chance de survie ! : 10 priorités incontournables pour le nouveau gouvernement

Par Khadija T. Moalla, PhD
Senior Policy and Programme Advisor

Il en est ainsi mon camarade, si tu découvres pour ceux qui doivent gouverner une vie meilleure que celle passée à gouverner, il sera possible d’avoir un Etat bien gouverné, car dans cet Etat, seuls gouverneront ceux qui sont vraiment riches, non pas d’or, mais de cette richesse dont l’homme a besoin pour être heureux: une vie vertueuse et sage. Par contre, si les mendiants et les gens affamés de biens personnels viennent au pouvoir, persuadés que c’est là qu’ils vont les trouver, ce ne sera pas possible. Quand on se fait la guerre pour avoir le pouvoir, cette guerre domestique intestine détruit ces hommes et le reste du peuple avec eux»[1].

C’est seulement quand la situation devient catastrophique, qu’on se rend compte de l’étendue de la médiocrité qu’un pays peut atteindre! La médiocrité est devenue globale et globalisée avec une chute vertigineuse de tous les systèmes de sécurité, d’éducation, de santé, d’emploi, de planification, d’environnement… bref, de développement, dans un nombre d’Etats de plus en plus croissant.

«Réduction de la pauvreté»
Les systèmes éducatifs produisent désormais, presque partout, des analphabètes trilingues et futurs chômeurs. Un gaspillage sans nom des ressources naturelles, humaines et financières se produit en toute impunité. L’objectif de «Réduction de la pauvreté», inscrit dans les plans d’action de presque toutes les agences bi- et multilatérales depuis 70 ans, s’est inversé en une paupérisation quasi-généralisée des populations de la majorité des pays!

La dégradation de l’atmosphère et de la qualité de l’eau a atteint des niveaux tels qu’il est devenu quasiment impossible de boire l’eau du robinet dans presque la totalité des pays. Tout cela, dans un paysage, où il n’y a plus que l’ombre d’hommes et de femmes d’Etat, partout dans le monde. De plus, de leaders, ces gouvernants sont devenus simplement des managers qui ne font que déléguer leurs responsabilités à des conseillers sans vision, sans outils, ni aucune stratégie… reflétant à l’échelle planétaire: Un monde sans vision! Plus dramatique encore, ces conseillers médiocres et sans confiance en eux-mêmes vont consacrer leur efforts à écarter toute personne intègre, patriote et engagée à transformer la réalité!

Ecarts entre les générations
En Tunisie, le paysage n’est pas différent: les partis politiques gaspillent leur énergie à s’entre-déchirer, les syndicats se scindent et s’écartent de leur bases, le secteur privé fait semblant d’ignorer sa responsabilité sociale et les écarts entre les générations, les couches sociales, les sexes et les régions se creusent à une vitesse effarante. Toute la société se perd dans un chaos généralisé et une perte de valeurs effrayante où tout devient permis! Pourquoi les Tunisiens devraient être acculés à payer le prix de l’irresponsabilité de certains gouvernants? En effet, l’intégrité exige, que quand une personne est appelée à un poste de décision dont il/elle ne s’en sent pas capable, de décliner l’offre.

Etre responsable de 12 millions de Tunisiens n’est pas une tâche facile. Responsable d’assurer le plein emploi, la meilleure éducation, santé et bien-être, la meilleure gestion de ses ressources est une telle et lourde responsabilité et un tel lourd fardeau, que personnellement je comprends plus ceux qui déclinent, que ceux qui l’acceptent. Vous me direz quand le devoir nous appelle, il faut répondre présent. Si le devoir m’appelait pour faire une opération chirurgicale alors que je ne suis pas chirurgienne, la moindre des choses que je puisse faire c’est de ne surtout pas accepter cette responsabilité laissant au patient au moins une chance de survie! La Tunisie a besoin aujourd’hui d’une chance de survie!

Peut-on encore espérer que ceux qui ne peuvent pas assumer pleinement cette responsabilité d’avoir la décence de s’écarter afin de laisser la place aux personnes compétentes? Des personnes compétentes, la Tunisie en a enfanté des milliers et elles ont besoin d’agir dans l’urgence, afin de ne pas permettre que notre pays bascule dans n’importe quel scenario kafkaïen qui commence à émerger.

Ce qui reste à faire
Voici les 10 priorités que je vois, à ceux qui en voient d’autres de les proposer:
Rétablir la confiance: Se trompe lourdement chaque gouvernant qui pense qu’il peut se payer le luxe de gouverner sans la confiance des gouvernés. Ceux-ci peuvent se taire pendant une certaine période mais si on continue à insulter leur intelligence et patience, ils finiront par s’exciter.

Mettre en place une stratégie pour assurer le plein emploi. Tous nos secteurs, s’ils avaient été bien gérés, seraient demandeurs d’emplois et pourraient résorber tous nos chômeurs. Créer une équipe pluridisciplinaire responsable de proposer un plan d’action qui remédie à toutes les lacunes de la politique tunisienne des 30 dernières années qui ont généré le taux de chômage actuel. De plus, nos ambassades doivent mériter leur raisons d’être par la recherche et négociation de nombre d’emplois, d’investissements étrangers et de touristes. Mettre en place un Conseil des Sages responsable de mettre en place toutes les idées que n’arrêtent pas de proposer beaucoup de personnalités très compétentes et qui peuvent nous permettre de récupérer beaucoup de financements.

Les forces de l’ordre ont besoin qu’on les écoute une bonne fois pour toutes et qu’on s’occupe d’eux et de leurs familles. Il n’est de l’intérêt de personne de continuer à ignorer leur besoins car ils sont notre rempart contre le terrorisme et ils ont prouvé leur patriotisme par le nombre de martyrs qu’ils ont offert aux Tunisiens. Respectons-les inconditionnellement une fois pour toutes!

Les lois civiles
Ré-attirer toutes les compétences tunisiennes dont le travail est en train d’améliorer d’autres pays pour sauver d’abord la Tunisie! Il est impératif, par exemple, de faire appel à nos experts en matière d’énergie renouvelable pour faire de ce secteur le plus performant et moderne possible et digne du XXIe siècle.
Instaurer un Etat laïc sans quoi le rêve de développement est illusoire. Comme je l’ai rappelé dans mon article précédent, la laïcité étant un ordre juridique et institutionnel de séparation entre la religion et l’Etat, ce qui implique que ce sont les lois civiles qui doivent s’appliquer dans le domaine public sans pour autant que les personnes doivent cesser de croire en leur religion qui concerne leur sphère privée.

Faire face une fois pour toutes à l’ennemi public numéro 1: la bureaucratie. Je ne parle pas des fonctionnaires désabusés et déprimés, dont l’esprit et l’enthousiasme ont été violés et qui vivent avec des séquelles irrémédiables! Je parle d’un arsenal juridique désuet, inadéquat et contre-productif. Donc rendons leur joie de vivre à ces 800.000 fonctionnaires afin que quand ils prennent leur retraites, ils soient fiers de dire à leurs petits-enfants quelle contribution ils ont apportée au pays. Décentraliser, décentraliser et décentraliser !

Convaincre les Tunisiens qu’il est crucial qu’ils s’engagent à ce que chaque mot qu’ils prononcent, chaque mot qu’ils lisent, chaque pensée, réflexion doit être positifs.
Créer des espaces de liberté, de créativité, d’innovation pour les jeunes afin qu’ils puissent imaginer la Tunisie qu’ils veulent!
En conclusion: «Je suis impressionné par l’urgence de faire. Savoir ne suffit pas; nous devons implémenter. تtre disposé ne suffit pas; nous devons faire”[2].

Les intertitres sont de la rédaction
[1] Platon, La République Livre VII, 521a. (Traduit par Dr. Rakia MOALLA du texte en anglais par Allan Bloom).
[2] Traduction de la citation de Leonardo da Vinci: “I have been impressed with the urgency of doing. Knowing is not enough; we must apply. Being willing is not enough; we must do”.
N.B. : L’opinion n’engage que son auteur et ne reflèt pas la position de La Presse.
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