Feuilleton «27» de Yosri Bouassida: La hâte est mauvaise conseillère…


Tant attendu, «27», cet hommage rendu à la grande muette, déçoit une très large frange de spectateurs. Une grande responsabilité de faire un feuilleton sur ce sujet sensible, surtout en ce temps où tout le monde est confiné et n’a d’autres choix que de regarder la production tunisienne. Mais la hâte est toujours mauvaise conseillère.


Il nous est sincèrement pénible de donner notre avis sur ce feuilleton vu à quel point l’armée tunisienne nous est chère, voire chevillée à l’âme… Pour tout vous dire. Mais il y a des jours où il vaut mieux un aveu qui égratigne et érafle qu’une rancune tue qui déchire. Nous ajouterons : ne serait-ce que pour être honnête avec ce corps prestigieux qui fait l’orgueil de notre nation et qui travaille dans des conditions parfois précaires. Nous avons suivi ce feuilleton pendant plus d’une semaine avec le pompeux espoir que les choses iront mieux demain.

«27» est un feuilleton sur l’armée tunisienne que nous avons attendu avec l’impatience d’une maman qui, après des années de désespoir, apprend qu’elle attend un bébé. Nous l’avons attendu avec la savoureuse agitation d’un amant qui trépigne sur un trottoir froid dans l’attente de sa bien-aimée. L’armée tunisienne, dont les faits d’armes contre le terrorisme ne sont un secret pour personne, mérite d’être «narrée» à sa juste valeur par l’image enfin… Surtout dans un feuilleton grand public… elle qu’on surnomme la «Grande Muette».

Etonnant d’abord que l’établissement de la Télévision tunisienne n’accorde que la dérisoire somme de 800.000 dinars à un feuilleton qui traite un sujet aussi important et pour la première fois de son histoire. Un établissement qui se dépêchera d’acheter pour deux millions de dinars un autre feuilleton en cours de route comme s’il rougissait de honte de son «27» pour le passer en prime time. Plus étonnant encore que la commission de sélection de projets ait avalisé un projet si mal écrit dans ses dialogues et son traitement même s’il est un hommage à l’armée tunisienne. Bien au contraire, l’attention aurait été donnée plus à ce que ce projet soit mené par une main de maître et écrit avec la précision et le rythme d’un horloger. Qu’on ne nous dise surtout pas que les scénarios de talents manquent dans leurs tiroirs ! En supposant que c’est un travail de complaisance. Une commission complaisante aurait avalisé le projet, mais avec des consignes de correction de réécriture de fignolage pour que les choses ne soient pas aussi flagrantes ! C’est comme ça qu’on procède lorsqu’on veut aider quelqu’un « on l’enveloppe» et on l’assiste. Pour nous, c’est pénible de dire cela, mais toutes les commissions complaisantes du monde le savent. Etonnant aussi que ce produit soit écrit et réalisé par quelqu’un qui a tout de même participé à l’écriture de Chouerreb et qui a déjà réalisé un long métrage. Difficile de dire que c’est une erreur de jeunesse.

A supposer maintenant qu’il s’agit d’une commission pas du tout complaisante qu’elle est composée de réels experts chevronnés et rompus jusqu’au ras des yeux dans l’écriture dramatique des feuilletons. Comment cette commission aurait laissé filer de telles banalités discursives dans les dialogues de telles «didacticités» froides dans la bouche des acteurs. D’où avons-nous cette impression que cette commission (censée être composée d’experts) n’a pas lu une seule ligne de ces dialogues ? Et puis une bonne commission aurait soulevé au moins le capot pour voir les réelles capacités du réalisateur à donner du punch et de la vraisemblance quand il passe de l’écrit à l’image. Car, force est de le croire que dans cette mouture audiovisuelle, Yosri Bouassida a manqué de réflexes et de ressorts dramatiques capables d’arracher l’adhésion du téléspectateur et que la simple révision de ses classiques et modernes des séries télévisuelles qui font de leurs personnages de vrais héros l’aurait beaucoup aidé. L’œil du spectateur tunisien est désormais exercé et éduqué à toutes les séries qui se font sur l’armée et les forces spéciales dans le monde qu’un tel traitement le déçoit forcément. Que reproche-t-on au réalisateur ? C’est surtout cette façon didactique et presque «documentaire de vulgarisation» dans les dialogues qui a agacé dès le premier épisode. On lui reproche également une image et des lumières qui ne sont pas des éléments d’écriture, mais plutôt des éléments d’information. On lui reproche un découpage et un montage des plus désordonnés. On lui reproche également son manque de documentation sur la manière de vivre des commandos de ce genre. Même avec le peu de connaissance dont nous disposons sur ce genre d’unité, on sait par exemple que les membres d’un commando ne se rencontrent pas dans un café pour parler à voix haute de ce qu’ils ont fait… Ils ne se rencontrent que dans la caserne pour partir en mission. Réunis dans un café, n’importe quel terroriste les aurait pulvérisés tous en même temps… surtout lorsque l’un des militaires se lève en plein café pour hurler devant la télévision «Non !ce n’est pas moi qui l’ait tué !». La grande muette ne parle pas dans les cafés… C’est pour cela que nous disons qu’on aurait pu soulever un peu le capot… Bref, pas d’univers particulier ce qu’on appelle aussi le «mood» et qui constitue un élément de taille dans ce genre de traitement. Les acteurs non plus ne semblent pas bien dirigés et la distance est flagrante entre eux et le réalisateur. D’autre part, il aurait fallu mieux «complexifier» l’écriture de certains personnages de manière à ne pas les rendre aussi prévisibles .Voilà ce qu’on reproche sincèrement au réalisateur qui, avec ce genre de détails, prête le flanc techniquement à ce genre de critique. Peut-être que la double casquette du scénariste et du réalisateur dans des conditions aussi difficiles de travail l’aurait dissipé… Après tout c’est humain ! Pis encore si on suppose qu’il a porté aussi la casquette du producteur. Le travail serait devenu surhumain et de tels égarements sont possibles.

Maintenait, on peut dire que le budget était limité. Soit ! Dans ce cas, il aurait fallu investir dans la réécriture et dans des acteurs de très haut niveau… Ça aurait suffi ! «Rafat el Haggan» l’espion égyptien qui s’est introduit en Israël (un sujet très sensible qui a inspiré un immense feuilleton dans les années 80) a été tourné avec peu de moyens. Il était tourné majoritairement dans des intérieurs, la plupart dans des salles d’interrogatoire, mais il y avait un dialogue hallucinant d’intelligence et des acteurs qui le portent à merveille, dont Mahmoud Abdelaziz. Le budget étant limité, soit ! Pourquoi avoir accepté de le faire ? Dira le bon sens. Et pourquoi à la hâte un sujet de cette importance ? C’est cette impression de traitement «par-dessus la jambe» qui a laissé le champ libre à toutes les mauvaises langues parfois animées par des dessins obscurs… On s’attendait à mieux sincèrement, surtout de la part de cet auteur qui nous a pourtant démontré auparavant son professionnalisme dans l’écriture… Espérons que c’est une page qui sera vite tournée… et bon vent pour l’avenir.

2 Commentaires

  1. Tounsi Blid

    29/05/2020 à 16:09

    c’est vrai que le feuilleton était décevant et de médiocre qualité !
    pourtant l’ Armée pourrait faire naitre des séries trépidantes ou l’ on pourrait entrevoir certains sujets sérieux et facilement exploitables :
    les relations amoureuses- les rivalités professionnelles entre officiers – les relations contrariées avec les familles épouses/enfants – les entrainements et les sacrifices- le sens de l’ honneur et la cohésion de groupe- l’obeissance aux ordres malgré son libre arbitre – la peur de mourir- les qualités de l’officier
    pour embrigader son unité !
    mais bon la Tunisie c’est pas les USA avec les séries qui nous plaisent tant
    les tétes brulées-
    le JAG –
    Le NCIS-
    je dirais encore faut il avoir une vraie armée pour pouvoir faire ce genre de courts métrages !

    regardez par exemple : le feuilleton spartacus⚔?? ou les dieux des arènes se sert de l’histoire du vrai spartacus et de certains gladiateurs pour raconter la vie et les trahisons- les crimes dans un luidus- caserne de gladiateurs- les gladiateurs des hommes comme les autre au départ
    (avec les histoires de sexe, les amitiés entre gaulois , celtes ou syriens , la haine des romains mais qui à force de tuer – se tuent psychologiquement eux mêmes – la mort devenant une issue  » heureuse » pour certains !)
    les rivalités brutales entre des hommes destinés à s’entretuer qui se transforment en amitié indestructible pour si peu qu’il nya pas de fesses et d’argent entre ses hommes !
    mais cela demande moins de tabous- plus de reflexion et d’intelligence scénique !
    pour moi ouled moufida – reste le meilleur feuilleton du ramadan –
    avec peu de moyens , on se passionne à suivre la vie d’une famille populaire tunisienne avec ses qualités et ses défauts – etc…..
    A mon avis le scénariste Tunisien devrait se lançer dans la production tv et la présentation d’émissions
    il ne serait pas plus mauvais !?

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  2. Tounsi Blid

    29/05/2020 à 17:35

    J’ai vu des courts métrages de film d’action turques de bien meilleures qualités , avec des jandarma ou des ozel harekat ,qui combattent sans faillir les rebels du PKK ou des islamistes barbus dont on ne sait ou !
    de l’action, du suspense , des acteurs  » impliqués  » agissant comme de vrais soldats , des coups de feu , des bléssés , du patriotisme, des larmes et du sang , de la peur et du courage , beaucoup de courages etc… il yavait pas vraiment d’intrigue ni de scénario principale visible , mais on se laisse emporter par l’action comme dans un rambo ou un scharzeneiger !…….
    .( rappelez vous le summum du film militaire avec la chute du faucon noir en somalie ! là par contre il ya une histoire solide , un cheminement , une mission à réussir malgré les pertes et bléssés ) on comprend mieux de quoi est faite l’armée américaine !

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