
Les idées et les options pour concrétiser cette mutation des associations vers des sociétés sportives sont nombreuses, il faudra aller vers un modèle simple et puisé de la réalité du sport tunisien.
Le débat lancé par la FTF, qui a présenté une première mouture d’un projet sur les structures sportives (essentiellement les clubs), ne fait que commencer. Mais l’idée, elle, est ancienne et loge aux bureaux des cadres du ministère des Sports depuis des années. Plusieurs projets ont été conçus et débattus auparavant, et à chaque fois, une «main invisible» intervient pour arrêter la démarche. Chaque ministre reprend le projet, ramène ses «amis-experts» pour apposer leurs touches et, à la fin, rien de concret. Cette fois sera-t-elle la bonne? Il y a d’abord une équivoque à lever : la FTF n’a pas le droit de s’approprier le projet des structures sportives, c’est-à-dire que c’est un projet ministériel qui vise à réussir une mutation des clubs omnisports ou spécialisés vers une forme juridique convenue de société ayant une activité marchande et à but lucratif. C’est un projet qui s’intéresse aussi aux fédérations sportives qui, elles, n’ont pas d’objet économique, mais qui gèrent des fonds considérables et qui nécessitent des outils de gouvernance et de contrôle, sans oublier qu’elles supervisent ces clubs-sociétés. Donc, la FTF ne peut que s’intéresser aux clubs sportifs et non aux fédérations, même si la plupart des clubs ont d’autres disciplines collectives et individuelles. Une question : le débat est-il bien lancé? On va dire oui. Il est temps que l’on prenne la bonne direction pour un projet qui met fin au flou juridique, économique et managérial que vivent les clubs (on parlera par la suite des fédérations).
Quel type de sociétés ? Quelles limites ?
Pour réussir la reconversion de nos clubs (régis en tant qu’associations) en sociétés sportives (ou à objet sportif), il faut y aller doucement. Ce qu’on voit dans notre sport, ce sont des clubs perdus dans la nature, vivant dans un flou juridique, commettant des infractions sans limite, et dépendant d’un bailleur de fonds qui occupe le rôle de président et se cache derrière un «président-fonctionnaire». Nos clubs sont étouffés économiquement, même si le statut d’associations autorise des opérations économiques pour financer les activités courantes. Et si ces clubs-associations se transformaient en sociétés ? C’est l’objectif, mais il faudra choisir la bonne option qui va le plus avec la réalité de notre sport. Ces sociétés sportives vont-elles être des sociétés de capitaux ou de personnes? Quelle structure du capital (certains avancent l’idée que le club, à travers ses adhérents, doit détenir 51% du capital pour éviter la mainmise d’un nouvel actionnaire ou la reprise du club par d’autres sociétés sportives) ? Et sachant qu’une société sportive doit créer des revenus et gagner (elle doit dépasser ses charges), est-ce que ce sera bien, dans le cas tunisien, d’aller à la Bourse et souscrire le capital pour les supporters (ou n’importe quelle autre personne) qui chercheront des dividendes ? Il y a un côté juridique à bien étudier pour choisir une modalité simple et efficace. Autant le type de société à retenir est développé et riche, autant les outils de gestion sont complexes. La mutation vers des sociétés sportives servira, à notre avis, et dans un premier temps, à faciliter le financement du club et la réalisation d’opérations économiques dans le cadre sportif.
L’Etat, pour encourager cette expérience, peut accorder des avantages comme un allégement fiscal (pour des sociétés sportives, le club va payer des taxes, payer et collecter la TVA, retenir à la source les impôts sur les revenus des joueurs, et bien sûr payer des impôts sur les bénéfices en fin d’exercice). Une société, c’est un conseil de direction ou de surveillance, et c’est aussi des limites au président du club qui n’a pas de pouvoir absolu. Tout cela, il faut le dire en choisissant, pendant trois ans par exemple, une formule allégée, en accompagnant des clubs pour un meilleur contrôle et suivi de la gestion (pour éviter les dépassements) et l’abus de confiance.
Et les fédérations ?
Passons aux fédérations sportives qui, elles aussi, font partie de ce projet sur les structures sportives. Là, le raisonnement est tout autre. Les fédérations sportives ne sont pas des sociétés et n’ont pas le même statut qu’un club. Le projet, qui doit être enrichi, doit toucher l’aspect fonctionnement et gestion de l’entité fédérale. Ceci dit, une fédération peut entreprendre des opérations économiques pour élargir sa base financière, mais son rôle principal reste de soutenir les clubs et chercher des sources de revenus tout en développant l’activité sportive et les sélections. Mais le chapitre où les fédérations sportives tunisiennes doivent avancer, c’est le financement. Elles dépendent trop de la tutelle et ne font pas grand-chose pour chercher des ressources. Il faudra faciliter, à travers des textes, l’accès à des capitaux. Autre point, les fédérations sportives doivent changer de mode de direction. On a l’impression qu’elles sont des sociétés familiales ou «sociétés impersonnelles» aux mains de leurs présidents qui font tout. Regardez les bureaux fédéraux de toutes les fédérations, vous verrez que les présidents sont envahissants et que les membres fédéraux sont un simple décor.
Le projet des structures sportives, même si urgent à mettre en pratique, mérite qu’on y aille doucement pour une période de transition. Choisir les formules simples et efficaces qui permettent de mobiliser des capitaux, d’assurer une souveraineté et un équilibre financier, et de garantir la transparence, ne fera que réussir cette délicate mission.