«L’été sera chaud», répètent les commentateurs politiques. «La faillite est proche», alertent les économistes.
Vrai. De plus en plus vrai aux yeux des Tunisiens.
Un dernier sondage le confirme, du reste : plus de 60% d’entre eux se détachent de la vie publique, voient en noir le futur du pays.
Vrai, répété, accusé, mais à la vérité, rares, très rares encore nous disent ce que tout cela représentera au concret. Pour chacun de nous, dans la stricte réalité de nos quotidiens, quelles en seront les conséquences ? Autrement plus important à savoir, quel en sera le coût, le prix à payer ? La sanction encourue ?
La peur de tout dévoiler se comprend, à la rigueur. Les gouvernants, les experts mêmes, jusqu’aux commentateurs, jusqu’aux médias, craignent, plus ou moins, les paniques collectives. Ils préfèrent toujours temporiser, entretenir un brin d’optimisme, espérer en demain.
Mais la retenue, dans ce cas, est le plus souvent illusoire, trompeuse, menant aux pires déceptions.
Au bout du compte, à quoi sert-il de répéter que l’été politique «sera chaud», alors qu’il l’est déjà, alors que l’on y est en plein ? L’exemple du gouvernement Fakhfakh suffit. Fragile dès sa naissance. Promis à l’implosion depuis la saison froide, depuis le début, depuis des mois. Gouvernement des inconciliables par excellence, d’entrée de jeu. Pourquoi n’avoir pas avoué aux électeurs, aux simples citoyens, que si ce gouvernement voit le jour, ce n’est ni par vertu commune, ni pour partager un projet, mais, «tout bêtement», parce que tous redoutaient de nouvelles élections ? Cette vérité cachée nous vaut aujourd’hui de perdre et le gouvernement et, très probablement, la possibilité de le remplacer. C’est déjà cela notre été chaud. C’est déjà cela notre réalité.
Mais plus grave encore : à quoi sert-il de crier faillite, de déplorer l’endettement et les déficits de l’Etat, d’aligner chiffres et sermons, en ne montrant jamais assez ce qui en résultera au juste, inévitablement ?
L’endettement et les déficits de l’Etat signifient surtout une chose au regard du citoyen : que demain, bien plus tôt qu’on ne le croit, les finances publiques seront peut-être à sec. Avec comme conséquences: le chômage en «surhausse», la chute des salaires et des retraites, au «mieux», la planche à billets et l’inflation.
Faire cet autre aveu vaudrait mieux, bien sûr, que«noyer le poisson» en multipliant les alertes, les chiffres et les sermons. Devant l’imminente et claire menace, le gouverné sera plus lucide. Et le gouvernant, déjà quitte avec la transparence, sera plus à l’aise avec ses décisions.
Les dix années passées de la révolution sont souvent décrites comme les années de la défiance entre le peuple et l’Etat. Tout aussi vrai. Et vérifié. Machiavel incarne toujours le salut du pouvoir. Sa sagesse habile et ses mensonges utiles. Depuis janvier 2011, huit de nos gouvernements et plusieurs centaines de nos ministres et de nos élus n’en auront eu que pour cette vieille devise. Avec les tristes résultats que l’on sait.
Le moment est sans doute venu pour eux d’abandonner les «cachotteries» et les faux semblants. De ne plus avoir peur de tout dévoiler.
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