Monsieur Abdelkrim Boujemaa, président de la Fédération Tunisienne des Activités Subaquatiques : L’homme au centre de nos préoccupations


M. Abdelkrim Boujemaa est le président de la Fédération tunisienne des activités subaquatiques. Il milite depuis des années pour cette activité, encourage les jeunes à découvrir et à pratiquer ce sport, milite pour que la mer ne soit pas« un simple espace plat ». Qui mieux que lui peut nous parler de la mer ?


«Si la mer a attiré l’homme de tout temps, il n’a, pendant des millénaires, pu ou voulu voir en elle qu’une immense surface plane.

Certes,grâce aux progrès de l’audiovisuel,  la mer n’est plus une barrière, mais un trait d’union entre les hommes. Mais la plupart d’entre eux ne l’ont jamais explorée et peu la connaissent. Les animaux pourtant nous donnent l’exemple :

Il y a des oiseaux plongeurs, des poissons volants, il y a aussi des poissons et des crustacés qui peuvent vivre des heures ou même  des journées hors de l’eau. Il existe des mammifères amphibies qui vivent des minutes ou même des heures au fond de la mer supportant sa pression, apparemment libérés de l’obligation de respirer. Certains poissons changent régulièrement de sexe, comme la dorade, la saupe, le mérou, etc.

Qu’est-ce qui a changé et comment ?

Depuis l’invention du scaphandre autonome, ce rêve est devenu possible et les fonds marins sont devenus accessibles à l’homme.

Océanographes, biologistes, chimistes, archéologues, hydrographes et tant d’autres spécialistes en environnement marin travaillent aujourd’hui pour nous faire découvrir les secrets de la mer. Le résultat est impressionnant.

Il y a dans la mer environ trois cent mille espèces d’animaux vivants. On reste confondu devant l’extraordinaire variété des formes marines qui est loin d’avoir son équivalence sur la terre. Les coraux, les éponges, les coquillages,les ascidies, les oursins n’ont pas besoin de se déplacer pour prospérer ;les courants marins se chargent de leur apporter leur alimentation. La posidonie, herbe à oxygène, peut constituer, comme les coraux, de véritables formations récifales, non pas par élaboration directe, mais en captant des sédiments qui entourent les rhizomes et les lient les uns aux autres, surélevant plus ou moins le fond de la mer. Elles édifient ainsi de véritables barrières, à l’abri desquelles peuvent fleurir d’autres plantes.

Quel est le comportement des jeunes face à la mer et à ses profondeurs ?

Des milliers de jeunes Tunisiens s’intéressent aujourd’hui à la mer et à son environnement.

Malheureusement,peu d’occasions leur sont offertes pour découvrir et connaître davantage nos richesses et notre patrimoine marin.

C’est le rôle que joue notre fédération avec ses 22 clubs et 12 associations pour donner l’occasion à nos jeunes de s’exprimer, d’apprendre et de proposer des idées et des solutions. Leur grand souci est la protection du milieu marin et de son environnement.

La vie des pêcheurs tunisiens à bord les intéresse. Elle est pleine de courage et d’abnégation. Cette année, notre Fédération a fêté ses 30 ans d’existence. Durant ces années, nous avons été très dynamiques dans tous les domaines liés à nos activités : la plongée sous-marine avec ses diverses spécialités, la nage avec palmes, sport reconnu par le Comité international olympique, et, dernièrement, le sauvetage sportif qui est devenu une de nos principales activités.

On peut supposer qu’il y a de nouvelles orientations ?

Depuis 30 ans, nous avons aussi et dès le début défini nos orientations scientifiques et culturelles lors d’un important séminaire que nous avons organisé en 1991 avec la Fondation nationale de la recherche scientifique présidée alors par le Pr Ali El Hili et la participation exceptionnelle de nos amis algériens, membres de la Fassas.

Lors de ce séminaire et dans l’une de ses conclusions, nous avons fait état de la situation maritime de l’époque «Les richesses que nous offre la mer sont nombreuses et variées».

Pour plusieurs d’entre elles, il est utopique de parler d’exploitations, tant le milieu marin est dégradé. Les menaces et les agressions qu’encourt le milieu marin doivent nous inciter à le protéger. Cette protection dépend de la convergence des effets d’actions multiples, engagées, non seulement au niveau local et national, mais aussi à un niveau bilatéral et international».

Avec l’apport de la société civile, les choses sont-elles en train de changer ?

Oui, aujourd’hui, la situation est en train de changer. La Tunisie en créant, le 19 janvier 2019, le Secrétariat général des affaires de la mer a fait un grand pas vers la mise en place d’un futur ministère de la Mer, qui certainement sera soutenu par tous les marins et les hommes de la mer.

La société civile aura un important rôle et elle démontrera qu’avec les scientifiques, elle est capable de proposer des idées et d’être active sur le terrain (la mer).

L’apport des scientifiques tunisiens et internationaux (RAC/SPA, Instm, Apal, Marine marchande, les Facultés des sciences, l’Inat, etc.) sera très utile pour nous enrichir par leurs expériences.

Notre fédération a placé l’homme au centre de ses préoccupations; nous sommes prêts et disposés à soutenir nos clubs et toutes les associations qui défendent la mer et son environnement. Il suffit de faire un pas vers nous».

Bref historique de la plongée en Tunisie
Vers la fin des années 1890, la Tunisie regroupait plus de 400 pêcheurs aux éponges,tunisiens et grecs. A cette époque, la plongée était à ses débuts et se pratiquait avec narguilé. De nombreux accidents mortels ont eu lieu : l’abbé Raoul, natif de Tunis, invente alors un sous-marin, le Boukorn, qui descend jusqu’à 45 m de profondeur. En 1907, les pêcheurs aux éponges découvrent, par 39 m de fond, une épave antique qui ne tarde pas à devenir célèbre dans le monde entier : la galère de Mahdia. C’est l’une des plus grandes découvertes archéologiques sous-marines de ce siècle (le musée du Bardo lui consacre 5 grandes salles). Il faut attendre 1948 pour voir l’équipe composée de Taillez —le père de la plongée dans le monde—, Cousteau et Dumas plonger sur cette épave en autonomes : c’est le début de la plongée archéologique sous-marine moderne. Mais c’est à partir de 1954 que la plongée commence à se développer en Tunisie avec la création du premier club d’exploration sous-marine de Tunis. C’est sur l’île de Zembra qu’est créé le premier centre international de plongée. En 1975, la première formation de plongeurs pêcheurs d’éponge a lieu à Zarzis. Au début des années 80, quelques mordus de la  plongée créent le Yachting Club de Tabarka, qui représente la Tunisie auprès de la Cmas jusqu’en 1984. En 1989, la Fédération des activités subaquatiques de Tunisie voit le jour. Aujourd’hui,34 clubs et associations sont affiliés à la Ftassa. Le nombre des pratiquants dépasse les 3.000 plongeurs tunisiens; le nombre des plongeurs étrangers qui fréquentent nos structures est d’environ 2.000 sur l’ensemble des côtes tunisiennes. Notons qu’en 2002, nous avons atteint les 13.000 plongeurs étrangers.

Laisser un commentaire