A Hammamet, le public a pu découvrir, mardi dernier, «Rawa7», un one woman show à la fois cynique et captivant sur un texte de Khaoula El Hadef, Fatma Felhi et Yosr Galai avec une mise en scène de Khaoula El Hadef.
«Sahriyet été 2020 à Hammamet» se poursuit avec la même ferveur et le bonheur de la rencontre entre le public et les artistes après des mois d’arrêt total des activités culturelles suite au confinement imposé par la propagation du Covid-19. Après la musique classique et la chanson, le public était au rendez-vous avec le théâtre avec «Rawa7», un one woman show à la fois cynique et captivant d’après un texte de Khaoula El Hadef, Fatma Felhi et Yosr Galai dans une mise en scène de Khaoula El Hadef.
La pièce s’ouvre avec un jeu de mapping par une image cosmique dynamique avec un zoom avant qui rétrécit pour se focaliser sur la Tunisie avant de se fixer sur un village perdu quelque part dans les environs de Sidi Bouzid. Et c’est à partir de cet instant que le fil de l’histoire se déroule pour laisser apparaître des personnages loufoques ou profonds, mais toujours familiers.
Sur une scène minimaliste où les effets sonores et les lumières sont une partie intégrante de l’écriture dramaturgique, Fatma Felhi ouvre en fait le livre de sa vie, en feuilletant les pages de son existence depuis son plus jeune âge jusqu’à la cinquantaine, avec un récit bouleversant où les émotions se mêlent et s’entrecroisent dans une intimité à nul autre pareil.
En partant de Tunis pour rejoindre la bourgade «Radhaa», proche du village de Regueb à 50 km de Sidi Bouzid, suite à un appel de sa famille la sommant de rentrer, Fatma se lance dans un road trip tout au long duquel elle retrace les étapes cruciales de sa vie pas du tout facile, mais au bout de laquelle et grâce au sacrifice d’une mère courageuse et d’un père éclairé, elle parvient à réaliser son rêve et celui de sa famille en devenant enseignante.
Est-ce le bout du tunnel ? Loin s’en faut. Le combat de Fatma se poursuit comme celui de toutes les femmes tunisiennes, confrontées qu’elles sont aux diktats des traditions et accablées par le fardeau des besoins de leur famille qu’elles traînent leur vie durant.
«Rawa7» est l’histoire authentique de la comédienne Fatma Felhi qui a rejoint Tunis pour des études supérieures en dramaturgie après avoir vécu dans son village natal les affres du dénuement d’une famille nombreuse de dix enfants.
En partant d’un texte réalisé dans un esprit participatif d’où sa richesse et sa profondeur, la comédienne dessine une cartographie physique et sociale d’une Tunisie qui peine encore à minimiser ses paradoxes. La route qu’elle emprunte pour se rendre chez elle est un palimpseste qui révèle les clivages entre les régions que la mise en scène renforce avec les tonalités d’une lumière pas du tout muette.
Une route et plusieurs escales qui offrent à la comédienne le temps de se poser un tas de questions sur elle-même, sur les liens avec sa famille, avec son pays tout en s’offrant la liberté de rêver au départ salvateur vers des horizons plus cléments, des pays nantis où la liberté la plus fantasmagorique est possible.
Mais à son réveil, elle se fracasse sur les rivages d’une réalité figée comme le roc et une condition immuable malgré tout semblant de changement.
«Rawa7» est un témoignage chargé d’humanité, sincère et émouvant. Certes, il s’agit d’une histoire, celle de Fatma, mais aussi la nôtre. Car chacun de nous se retrouve dans l’une de ses escales, à travers l’un de ses multiples personnages, l’un de ses nombreux récits où l’humour est aussi très présent.