Mes odyssées en Méditerranée: Trapani-Tunis : les premières Loges maçonniques italiennes en Tunisie

La création des premières Loges maçonniques en Tunisie remonte à l’époque pré-coloniale, même si leur développement était assez modeste avant l’instauration du Protectorat français en 1881. A partir de 1885, en Tunisie, on pouvait compter deux loges italiennes et une loge anglaise. La loge, «La Nouvelle Carthage», était par contre sous obédience du Grand-Orient de France, formée évidemment par des francs-maçons français.

Grâce à la proximité géographique de la Tunisie avec la Sicile et surtout aux relations historiques qui ont toujours lié les deux rives de la Méditerranée, la franc-maçonnerie a toujours assuré un port sûr aux patriotes siciliens persécutés par les Bourbons, à la fois pour la tolérance du gouvernement local du bey, mais aussi pour la position stratégique des deux pays, qui ont permis le commerce et l’échange d’informations utiles à la politique et aux choix interventionnistes, résurgents, pour l’unification de l’Italie.

De nombreux francs-maçons, notamment les «Carbonari» (membres appartenant à la «Carboneria», société secrète italienne du XIXe siècle, qui luttait pour l’unité nationale et travaillait au triomphe des idées révolutionnaires), ont trouvé refuge dans les terres méditerranéennes voisines, et certains se sont activement intégrés dans le tissu social du pays hôte avec des activités commerciales, artisanales et agricoles.

Il serait donc naturel de considérer, d’un point de vue maçonnique, la Tunisie comme une continuation du territoire de Trapani.

L’échange d’informations entre les réfugiés patriotes présents en Tunisie et la Sicile, le Piémont et Malte, a été facilité par la présence des Trapanais (habitants originaires de la ville de Trapani) dans les Loges de Tunis ; ceux-ci ont contribué à resserrer encore plus les rapports entre les Loges de Trapani et celles de Tunis.

Parmi les francs-maçons siciliens, les archives font référence à un jeune pharmacien, Vincenzo Campisi, arrivé en Tunisie en 1904, installé à Bizerte et travaillant dans une pharmacie de la ville. En 1907, il fonda «La Voce del lavoratore», journal socialiste indépendant, et collabora avec le journal «Il Risveglio», connu pour ses attaques contre les autorités consulaires italiennes.

Donc, avec la grande immigration depuis la Sicile occidentale, et notamment depuis Trapani, vers la Tunisie, au début du XIXe siècle, les mouvements migratoires ont également été rejoints par les exilés politiques qui ont aussi déménagé de l’Algérie et de l’Egypte voisins, où la présence italienne était très nombreuse, sans toutefois dépasser celle de Tunisie. L’union de ces Italiens de Tunisie, d’Algérie et d’Egypte, a été connotée par la conscience collective de leur italianité et de leur «méditerranéité».

Il est clair que l’information des pays méditerranéens a été utile à la fois aux laïcs italiens pour la préparation de la «Révolution», et ensuite au débat opérationnel dans les Loges maçonniques.

Des documents disparates permettent d’affirmer ce qu’on ne dit presque jamais, c’est que juste au moment où ces Loges maçonniques proliféraient avec des idéaux de liberté, de justice, etc., la liberté des francs-maçons de Trapani diminuait de plus en plus, car forcés de subir les interventions des Bourbons, avec le renforcement de la garnison militaire, de peur d’un possible débarquement des révolutionnaires et des troupes étrangères dans la capitale.

En Italie, le débat politique pro-républicain, mazzinien (nom originaire de Giuseppe Mazzini, révolutionnaire et patriote italien, fervent républicain et combattant pour la réalisation de l’unité italienne, considéré avec Giuseppe Garibaldi comme l’un des «pères de la patrie»), voltairien, ainsi que les principes de liberté, ont contribué à la montée de plusieurs Loges italiennes dans la Tunisie voisine.

Parmi les ordres les plus importants qui ont prêté obédience au Grand Ordre de la Maçonnerie italienne entre 1861, année de l’union politique d’Italie, et 1971, nous pouvons citer :

Cartagine e Utica, Segretezza, Attilio Regolo, Concordia e Progresso, Oberdan, Mazzini e Garibaldi, (ces deux dernières furent fondées un peu plus tard en 1929). La maçonnerie italienne en Tunisie représente à mes yeux l’une des formes les plus intelligentes, les plus subtiles et en même temps les plus cachées de ces liens historiques anticipant le Protectorat français en Tunisie.

Un commentaire

  1. Mario Brunetti

    19/10/2020 à 11:50

    Ce pharmacien était-il franc-maçon ou membre du mouvement socialiste ? En 1904, la franc-maçonnerie italienne avait largement atteint son objectif, à savoir l’unité de l’Italie et la prédominance de la bourgeoisie. Le mouvement socialiste, qui s’est battu pour les droits de la classe ouvrière, était une toute autre chose. Je pense que cet aspect devrait être approfondi si celà est possible.

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