Les hommages posthumes  qui ont suivi le décès de l’écrivain et activiste politique de gauche Gilbert Naccache, dont celui du Président de la République, du Chef du gouvernement et du président de l’ARP, ont trouvé un écho favorable chez les uns et des critiques auprès d’autres. Gilbert Naccache ou Papi pour les intimes et ses amis aurait toléré cette liberté de ton et n’aurait jamais cédé à la haine.

Mais la réaction des jeunes issus des nouvelles générations qui n’ont jamais connu les Juifs en Tunisie et qui ont exprimé leur compassion à René Trabelsi, ancien ministre du Tourisme — le seul Juif tunisien qu’ils ont découvert — prouve que les Tunisiens ne sont pas antisémites, mais antisionistes.

Ils n’aiment pas ceux qui ont lâchement assassiné le martyr Mohamed Zouari, bombardé Hammam-Chott, exécuté Abou Jihad, etc. Ils n’aiment pas ceux qui tuent les enfants à Gaza et à Ariha. Ils n’aiment pas ceux qui se sont emparés de force de la sainte Mosquée d’Al Qods et l’ont souillée. Mais ils ne sont guère contre les Juifs  car  les traces hébraïques les plus anciennes du Maghreb se trouvent en Tunisie. D’ailleurs, des coutumes, des patronymes, des chansons, des recettes de cuisine, des costumes, des légendes, siège de l’imaginaire social, portent encore la trace de leur origine sémite dans notre pays. Les enfants de la Tunisie, qui reconnaît la liberté de conscience et de culte, compte plusieurs lieux de pèlerinage juifs dont la Ghriba, à Djerba, la tombe de Yakoub Slama à Nabeul, talmudiste originaire de Tunis, celui de Gabès et celui de Testour, bâtie à l’emplacement du village romain de Tachilla, ne peuvent être antisémites. Mais ils sont contre la normalisation avec l’entité sioniste.

Ces Tunisiens, qui font l’exception dans le monde arabe, savent distinguer le bon Juif du mauvais sioniste.

D’ailleurs, les nationalistes des deux confessions faisaient déjà  cause commune en s’engageant dans la lutte de libération  nationale sans distinction aucune.

Des nationalistes de confession juive se sont distingués en se ralliant au mouvement Jeune Tunisien et au parti du Destour fondé par Cheikh Abdelaziz Thaâlbi en 1919.

Les mouvements de gauche ont pu de leur côté  s’attirer des nationalistes de la communauté juive. C’était le cas entre autres du militant notoire Georges Adda, inculpé en 1940 pour «excitation  à la déconsidération du Souverain et du gouvernement du protectorat», ce qui lui avait valu la  déportation et l’éloignement de la capitale, privé ainsi de toute ressource pour subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Dans un rapport signé Clapier, commissaire de police adressé au gouvernement du protectorat le 15 avril 1922, on lit: «Ainsi que je l’ai déjà signalé, les dirigeants du parti du Destour chercheraient à grouper avec eux les Juifs. Un «Thorat» aurait été apporté au bureau du parti, 25 rue d’Angleterre pour faire jurer les nouveaux adhérents de ne pas trahir la cause du Destour».

C’est pour ainsi dire que ces Tunisiens de confession juive étaient des patriotes et certains d’entre eux ont même soutenu la cause palestinienne. Dont George Adda ou encore Gilbert Naccache. Ils se sont même opposés à Bourguiba et à Ben Ali pour soutenir les adeptes de la liberté. C’est pourquoi les Tunisiens savent rendre hommage à leurs concitoyens de confession juive à l’instar de Gilbert Naccache qui sera inhumé demain à Tunis selon ses dernières volontés. Ils lui réserveront un dernier adieu digne de sa personne et de son parcours.

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