Muni de son capital électoral qui s’érode au rythme du sablier de son quinquennat, le président de la République veut clairement casser la mainmise des partis sur la vie politique.

Le chômage stagne, le pays est en récession, l’Etat, surendetté, dépense chaque mois de l’argent qu’il n’a pas.

Lorsqu’un parti au pouvoir demande à ses partisans de manifester, cela sonne beaucoup plus qu’une menace contre toute opposition, plutôt qu’un simple droit constitutionnel.

Maître d’un jeu d’échecs grandeur nature, le Président de la République Kaïs Saïed se montre intransigeant, voire frappé d’une sorte de syndrome autistique.  Depuis le déclenchement des hostilités politiques entre Carthage, d’un côté, la Kasbah et sa ceinture politique de l’autre, toutes les tentatives de médiation ont quasiment échoué. L’entêtement du Chef du gouvernement, qui n’a pas obtempéré en mettant à l’écart des ministres déclarés persona non grata par le palais, a fini par renforcer celui du Président de la République. Désormais, le ton est haussé, volontairement ostentatoire pour entretenir une popularité synonyme de légitimité. Il est clair pour l’ensemble des observateurs politiques que le Chef de l’Etat souhaite voir sur son bureau une lettre de démission de Hichem Mechichi, ou mieux une motion de censure qui mettrait fin à sa courte carrière politique.

Lundi, le secrétaire général de la Centrale syndicale, Noureddine Taboubi, a affirmé que le Président de la République se refuse à tout dialogue national. Témoin d’une décennie de compromis et parfois même de compromission, Kaïs Saïed ne veut pas se retrouver dans une situation où il aura à céder un iota de ses convictions personnelles. Muni de son capital électoral qui s’érode au rythme du sablier de son quinquennat, le Président de la République veut clairement casser la mainmise des partis sur la vie politique, étape cruciale pour un second mandat, celui qui lui permettra enfin de concrétiser le projet politique qu’il a défendu lors de la campagne électorale.

Rappelez-vous, ce grand projet, mal compris et défendu par le candidat Kais Saied lors de l’élection présidentielle. Celui qui a tout promis autant qu’il n’a rien promis lors de la campagne, voudrait transformer la jeune démocratie, modifier la Constitution et faire en sorte que les élus soient révocables par les citoyens dans une démocratie ultra-participative.

Ce projet politique, le Président de la République compte le concrétiser de son vivant, quitte à mettre entre parenthèses, encore une fois, le bien-être immédiat des Tunisiens. Dans ce jeu de pouvoir qui s’apparente à un mauvais remake de la série américaine House of Cards, à la sauce tunisienne, l’économie est sans aucun doute ce dont on parle le moins en ce moment. Seulement voilà, les chiffres sont têtus. Le chômage stagne, le pays est en récession, l’Etat, surendetté, dépense chaque mois de l’argent qu’il n’a pas.

De son côté, Ennahdha, parti islamo-civil, s’essaie encore une fois à un jeu dangereux qui a montré ses conséquences désastreuses entre 2011 et 2013 : la conscription de ses fidèles dans une marche de soutien au Mouvement. Lorsqu’un parti au pouvoir demande à ses partisans de manifester, cela sonne beaucoup plus qu’une menace contre toute opposition, plutôt qu’un simple droit constitutionnel.

De plus, contrairement à d’autres manifestations vécues par la Tunisie ces dernières semaines, la mobilisation d’Ennahdha est une véritable démonstration de force. Le parti, notoirement riche mais dont la provenance des fonds reste énigmatique, affrète des bus et même des trains pour conduire ses partisans jusqu’à la capitale.

Kaïs Saïed, Ennahdha et ses alliés jouent les pompiers pyromanes. Chacun jurant, la main sur le cœur, que son but est de faire flotter très haut le drapeau de la patrie.

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