Le troisième dialogue national présidé par le chef du gouvernement a été tenu jeudi 30 mai en soirée. Cette fois-ci le débat portait sur le secteur de l’énergie et des mines. Un secteur qui n’a cessé, depuis la révolution, d’alimenter les débats publics, médiatiques ainsi que les discours incendiaires. Un secteur où « la théorie du complot prévaut », comme l’a souligné le chef du gouvernement Youssef Chahed lors de l’ouverture du dialogue. Semblable, notamment dans sa forme participative, aux dialogues tenus auparavant, le débat a réuni toutes les parties prenantes du secteur, notamment des représentants du gouvernement, en l’occurrence le ministre de l’Industrie et des PME, M. Slim Feriani, accompagné de directeurs relevant de son département, des experts, des députés du Parlement, des activistes de la société civile mais également des partenaires sociaux en l’occurrence le président du patronat Utica M. Samir Majoul, des représentants syndicaux relevant de l’Ugtt et le président du syndicat agricole Utap M. Abdelmajid Ezzar. Durant le débat, il était question d’échanger les réflexions, de proposer des solutions et des initiatives, discuter mais aussi demander des comptes au gouvernement. Plusieurs thèmes ont été abordés allant des énergies conventionnelles et le prix de l’électricité, passant par les énergies renouvelables et l’industrie minière jusqu’aux problématiques de gouvernance et de transparence, tant revendiquées par l’opinion publique et la société civile. Aussi, il était question de parler de l’impératif d’exploiter l’énorme potentiel des diverses régions du Nord au Sud du pays en termes de richesses naturelles et minières.
Des difficultés structurelles
Dans son allocution d’ouverture, le chef du gouvernement a dépeint la situation postrévolutionnaire du secteur, tout en mettant l’accent sur le lourd héritage que le gouvernement s’est engagé à assumer. « Un secteur qui est devenu malade de ses subventions colossales, sa crise de confiance, sa mauvaise gouvernance, son déficit croissant ainsi que de sa productivité en baisse », a affirmé Youssef Chahed. A cet égard, il a expliqué que cette situation date de plusieurs décennies et qu’après la survenue de la révolution les transformations planifiées pour réformer la refonte du secteur, ont été totalement bloquées. « La mise en œuvre des centrales électriques est bloquée depuis 5 ans. Idem pour les énergies renouvelables dont le lancement anticipé aurait pu nous épargner des pertes énormes », a t il souligné. Se voulant rassurant et optimiste pour l’avenir, le chef du gouvernement a affirmé que la Tunisie peut désormais atteindre son autosuffisance énergétique d’autant plus qu’elle compte des compétences reconnues à l’échelle internationale dans le secteur des énergies, notamment renouvelables. Il a également évoqué l’impératif de sensibiliser le citoyen à l’importance de la rentabilité de l’économie et la maîtrise de l’énergie, notamment électrique, une mission qui échoit principalement à l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (Anme). « Il y a des problèmes de gouvernance. Personne ne les nie. Cependant, nous avons essayé d’amorcer sa réforme sans pour autant avoir recours au discours populiste », a-t-il asséné. Par ailleurs Youssef Chahed a affirmé que le gouvernement est ouvert à tous les sujets et propositions sans tabou : gaz de schiste, problèmes environnementaux, parts du retour sur investissement de l’exploitation de phosphate au profit de la région de Gafsa …
L’année 2018 : point de relance
De son côté, Slim Feriani a donné un aperçu sur l’évolution numérique des divers indicateurs du secteur. Il a expliqué que le déficit énergétique a été déclenché en 2001, à cause d’une augmentation de la consommation qui n’a pas été accompagnée d’une évolution conséquente de la production. Cependant, la situation du secteur de l’énergie et des mines s’est fortement aggravée après la révolution. Ainsi, le taux de la valeur ajoutée de l’ensemble du secteur, y compris l’extraction et la production minière, a chuté d’environ 4% sur la période 2010-2018 passant ainsi d’environ 8% à 4,2% en 2018. La production de phosphate et des hydrocarbures a drastiquement baissé durant les 8 dernières années. Celle du phosphate a accusé une baisse annuelle d’environ 5 tonnes pour se situer aux alentours de 3 tonnes en 2018, tout en sachant que l’année précédente a enregistré la reprise de la production dans certains sites d’extraction. De même pour la production pétrolière qui est passé de 77 mille à seulement 38 mille barils par jour. Idem pour le gaz naturel dont la production annuelle est passée de plus de 49 mille barils équivalent pétrole par jour en 2010 à 34 mille enregistrés l’année dernière.
Instaurer la paix sociale
En outre, Youssef Chahed a annoncé que le gouvernement s’est attelé à déployer les moyens indispensables pour mettre un terme à l’horizon 2020 au transport routier par camions du phosphate. A cet égard, il a noté qu’outre la ligne ferroviaire 13 qui a repris son trafic à la fin de l’année 2018, il est question actuellement de remettre la ligne 15 sur les rails. Un appel d’offres a été lancé à cet effet.
Le chef du gouvernement a également fait savoir que l’instauration de la paix sociale dans la région de Gafsa nécessite une diversification du tissu économique dans la région. Il a déclaré, à cet égard, que les départements de tutelle sont en train d’y aménager huit zones industrielles, outre la promotion de l’activité agricole. Youssef Chahed a également souligné la nécessité de transférer les laveries pour améliorer les conditions environnementales des villes limitrophes des sites miniers. Il a, également, fait savoir que l’exportation du phosphate a repris une certaine dynamique durant les cinq premiers mois de l’année 2019 accusant une augmentation de 50% par rapport à l’année dernière.
Un système bonus malus pour rationaliser la consommation
S’exprimant sur le déficit énergétique, le chef du gouvernement a déclaré que deux centrales électriques sises respectivement à Mornaguia et Radès de capacité 1.000 mégawatts soit 20% de la consommation nationale, seront inaugurées durant le mois en cours. « La mise en œuvre de ces deux centrales permettra de faire face aux problèmes récurrents survenus lors des pics de consommation électrique de l’été. Il a fait savoir que le déblocage des projets des centrales électriques se fait actuellement à une vitesse de croisière afin de minimiser l’importation d’électricité, notamment durant l’été », a-t-il affirmé. Le chef du gouvernement a noté qu’un système de tarification de l’électricité bonus malus pourrait être envisagé. L’objectif étant de rationaliser la consommation énergétique en sanctionnant les ménages énergivores et en subventionnant les ménages les moins consommateurs, c’est-à-dire les familles à faible revenu. Toujours au sujet de l’économie d’énergie, le chef du gouvernement a déclaré que l’Etat doit donner l’exemple, et ce, à travers la rationalisation de la consommation énergétique dans les établissements publics. Il a également annoncé qu’un projet d’audit auprès de 350 municipalités a été lancé afin d’évaluer la nature de la consommation énergétique, notamment électrique des communes.