• Farida Laâbidi : « Pour moi, même si la gestion de la crise sanitaire par l’exécutif a été défaillante sur plusieurs aspects, il est important de ne pas créer un vide en ce moment ».
• Selon le think tank “Chnowa Barnemjek”, seuls 11% des promesses du gouvernement Mechichi ont été réalisées.
Conseiller à la présidence en charge des affaires juridiques jusqu’à sa nomination à la tête du ministère de l’Intérieur dans l’éphémère gouvernement Fakhfakh entre le 27 février et le 2 septembre 2020, Hichem Mechichi est un énarque qui n’a jamais affronté les urnes et n’a jamais formulé un programme politique devant des électeurs. Sa légitimité, il la doit au Président de la République d’abord, qui lui ouvre les portes du pouvoir en lui confiant un cadeau empoisonné, celui de former un gouvernement. A l’époque, le Chef de l’Etat voulait soit un gouvernement soumis à ses ordres, soit la chute du gouvernement qui serait proposé par Mechichi. Mais l’actuel Chef du gouvernement flaire l’arnaque, ou du moins prête l’oreille aux potinières et fini par choisir son camp. Ainsi, du jour au lendemain, Hichem Mechichi devient le protégé du parti Ennahdha, ses satellites et du parti Qalb Tounes.
Une légitimité parlementaire fragile dans un hémicycle balkanisé présidé par Rached Ghannouchi, une personnalité considérée comme clivante. La ceinture politique du gouvernement Mechichi n’est donc pas suffisamment solide pour soutenir le poids de son échec.
Or, le contexte politique flanqué d’une crise socioéconomique conjuguée à une crise sanitaire sans précédent a joué en sa défaveur. Il hérite certes d’un legs peu séduisant de plusieurs années de mauvaise gestion de la chose publique, mais pour le citoyen, tout se passe ici et maintenant. En tant que chef de l’exécutif, il est le responsable direct de la dégradation de l’ensemble des indicateurs.
Le 1er septembre 2021, Hichem Mechichi prononce son discours d’investiture devant le Parlement, dans lequel l’ONG I Watch relève 32 promesses.
« Globalement sur l’ensemble des promesses, il y a eu très peu de réalisations », nous explique Mehdi Dahech, responsable du programme de redevabilité dans l’organisation. Selon le think tank“Chnowa Barnemjek”, seuls 11% des promesses du gouvernement Mechichi ont été réalisées.
Pour Hatem Mliki, député indépendant, l’échec du gouvernement de Hichem Mechichi est reconnu par tout le monde. « Le bilan est catastrophique à tous les niveaux », dit-il à La Presse.
« Le seul atout de Mechichi a été d’avoir été utile jusqu’à présent au parti Ennahdha, estime Hatem Mliki. Son destin politique dépendra en grande partie de son utilité future pour Ennahdha ».
Quant à la proposition d’un « gouvernement politique présidé par Mechichi », formulée par le conseil de la Choura, Mliki n’y croit pas une seule seconde.
« Former un gouvernement fort avec un Chef de gouvernement faible est une nouvelle manœuvre politique du parti Ennahdha, pour embarrasser le Président de la République », note-t-il.
L’ultimatum autour du Fonds Karama, lancé par Abdelkarim Harouni, le président du Conseil de la choura d’Ennahdha, est peut-être annonciateur d’une désolidarisation au grand jour avec le Chef du gouvernement.
Cependant, à l’intérieur du parti, le sort de Mechichi n’est toujours pas scellé. Contactée par La Presse, la députée du bloc parlementaire Ennahdha, Farida Laâbidi, considère dangereux, le cas échéant, de faire couler le gouvernement.
« Pour moi, même si la gestion de la crise sanitaire par l’exécutif a été défaillante sur plusieurs aspects, il est important de ne pas créer un vide en ce moment, précise Farida Laâbidi. La santé des Tunisiens et la lutte contre la pandémie sont la priorité des priorités, l’ensemble des autres dossiers peuvent attendre ».
Toujours est-il que depuis plusieurs semaines, à mesure que le bilan de la crise sanitaire s’alourdit, plusieurs voix s’élèvent pour réclamer le départ du gouvernement et pas seulement. Sur les réseaux sociaux, certains pensent même que le Chef du gouvernement devrait rendre des comptes devant la justice.