Accueil A la une Armée nationale tunisienne: Républicaine, elle le restera

Armée nationale tunisienne: Républicaine, elle le restera

Les militaires porteront comme une décoration sur leur poitrine le sauvetage de la Tunisie et des Tunisiens, s’ils parviennent à contribuer à remettre le pays sur les rails pour ensuite regagner leurs casernes


Traditionnellement à l’écart du jeu politique depuis son fondement le 30 juin 1956, l’armée nationale tunisienne ne serait plus retranchée dans ses casernes, observant depuis les hauteurs  son statut de grande muette. Par les temps qui courent, le silence n’est donc plus de mise. Ce qui s’est produit depuis le 25 juillet en est la preuve éclatante. D’ailleurs, le Président Kaïs Saïed a concrétisé ses décisions du 25 (gel des activités du Parlement pour un mois et levée d’immunité de tous les députés) en s’appuyant sur l’armée. Démarche assumée.

Au cours de cette nuit fatidique, une scène de quelques minutes a fait le tour du monde : des militaires empêchant le président de l’Assemblée des représentants du peuple et bien d’autres députés d’accéder au Parlement. Les Tunisiens ont majoritairement admiré la réplique de l’un des militaires à l’interjection d’une députée: «On a juré de servir l’État» à laquelle le militaire répond : «Nous autres avons juré de servir la patrie». Les mécontents ont saisi l’occasion pour prétendre l’implication de l’armée dans le jeu politique. L’armée tunisienne n’aurait pas su se protéger du vent de l’histoire. Le même qui a soufflé sur l’Égypte et la Syrie. Des pays où l’armée joue traditionnellement un rôle de premier plan. La plupart, des Tunisiens, fiers du «patriotisme» dont ont fait preuve leurs militaires ont vu en la dernière action de l’institution de défense un acte salutaire.

L’efficacité malgré la modestie des moyens

Lors de l’insurrection du 14 janvier 2011 débouchant sur la destitution d’un régime dictatorial, l’armée tunisienne a assuré le maintien de l’ordre et la protection des institutions et de l’État. Elle s’est alors contentée d’encadrer les protestataires, parant à toute éventualité de débordement. Plus tard, le pays est entraîné dans une guerre contre le terrorisme. Les militaires ont constitué un bouclier de défense. Ils en ont payé le prix fort en vies humaines. N’oublions pas ces soldats qui ratissaient les montagnes et qui ont fini déchiquetés par les mines entreposées par les terroristes sur des chemins escarpés des zones montagneuses. Des attentats qui, souvent, faisaient la une des médias nationaux et internationaux pour être aussitôt oubliés ou tout simplement balayés par l’actualité. Mais les vaillants soldats de la patrie ont refusé de courber l’échine devant l’hydre terroriste, investis d’une loyauté sans failles à l’endroit de la mère patrie qu’est la Tunisie. 

Comptant uniquement 35.000 hommes, sous-équipée et sous-dimensionnée avec un matériel désuet, l’armée nationale tunisienne a été, à chaque fois, à la hauteur des défis imposés par les grands événements qu’a connus le pays, tout au long de la dernière décennie. Sauf que le scénario du 25 juillet semble avoir marqué un nouveau tournant qui a suscité l’assentiment des uns et le rejet des autres.

Militaires et responsables politiques : alliance aveugle ou appel de la raison ?

Certains détracteurs ont crié à l’interventionnisme de l’institution militaire suite à l’action du 25 juillet. Or, le déroulement des événements atteste de sa neutralité cette pierre angulaire de l’État. Des politologues et observateurs tunisiens soutiennent, dans leurs déclarations à la presse nationale et internationale, l’aspect conjoncturel de l’alliance entre les militaires et le Président Kaïs Saïed. Ces mêmes analystes soulignent que le soutien des militaires au Président de la République se situe dans la limite des objectifs posés. L’armée tunisienne ne jouera pas un rôle analogue à celui des armées égyptienne, algérienne et syrienne.

Ce constat trouve racine dans les comportements des militaires tunisiens, tout au long des crises aiguës qu’a connues le pays, depuis 2011. Infatigables et neutres, les soldats de la patrie se sont, de tout temps, contentés d’inciter politiques et adversaires à trouver un terrain d’entente pour préserver la patrie et sauvegarder les institutions de l’État.

Si l’armée tunisienne a eu l’audace et le courage d’élargir son terrain de jeu habituel, en réponse à l’appel du Président de la République, c’est parce que la hiérarchie a la conviction que ceux qui tenaient le sort du pays entre leurs mains étaient prêts à le sacrifier. Et le sort réservé à la Tunisie et aux Tunisiens serait alors de l’ordre de l’inconnu.

Les militaires tunisiens, et notamment leurs chefs, avaient bien compris que la Tunisie est en péril. En témoignent les scènes surréalistes voire honteuses qui se déroulaient quotidiennement à l’Assemblée. En témoigne la crise économique qui annonce une faillite imminente de l’Etat. En témoigne la mauvaise gestion de la pandémie qui a causé plus de 20 mille morts. D’ailleurs, les militaires ont répondu présents pour prêter main-forte à l’effort national de lutte contre le coronavirus et vacciner des Tunisiens vivant dans des localités lointaines, parfois totalement isolées. C’est une armée républicaine qui a été présente à l’appel lancé par le Président de la République et celui des citoyens, sortis manifester le 25 juillet au soir, pour mettre fin à la décomposition de l’Etat et aux dangereuses dérives qui menaçaient de saper les fondements de la nation.

Reste à dire que ces mêmes militaires porteront comme une décoration sur leur poitrine le sauvetage de la Tunisie et des Tunisiens, s’ils parviennent à contribuer à la remise sur les rails du pays, pour ensuite regagner leurs casernes. Les Tunisiens attendent et espèrent voir émerger un État fort, souverain, maître de ses décisions, garant des intérêts de ses citoyens et soucieux des aspirations de son peuple. Espérons qu’ils ne seront pas déçus !

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