Accueil A la une L’ombre du président plane au-dessus des tribunaux: Faut-il craindre pour l’indépendance de la justice ?

L’ombre du président plane au-dessus des tribunaux: Faut-il craindre pour l’indépendance de la justice ?

L’Association des magistrats tunisiens exhorte le Conseil supérieur de la magistrature à «prendre ses responsabilités constitutionnelles». La mise en résidence surveillée d’un magistrat conformément à l’état d’urgence inquiète notamment l’AMT qui estime que c’est au CSM, exclusivement, de prendre des sanctions contre les magistrats.


Les mesures exceptionnelles annoncées par le Président de la République, Kaïs Saïed, le 25 juillet 2021, décidant d’activer l’article 80 de la Constitution, en l’interprétant à sa manière, ont été saluées par une grande partie des Tunisiens, même si aucun sondage crédible ne peut l’attester pour l’instant. L’Association tunisienne de droit constitutionnel, confère au Président de la République la responsabilité, en l’absence de la Cour constitutionnelle, d’interpréter librement l’article 80. Présidée par la professeure Saloua Hamrouni et composée par d’éminents constitutionnalistes, l’association a jugé que le Président de la République «n’est pas en dehors du champ constitutionnel».

Parmi les décisions prises par le locataire du palais de Carthage, la présidence du parquet. Saloua Hamrouni confie qu’elle a apprécié, à titre personnel cette fois, la décision du Chef de l’Etat de présider le parquet, et pour cause : « Si nous sommes arrivés à un tel point de corruption et d’impunité dans le pays, c’est aussi en raison de l’immobilisme du parquet », précise-t-elle.

Mais si présider le parquet permet de débloquer un certain nombre de dossiers enfouis dans les tiroirs de manière délibérée, il comporte aussi des risques multiples. D’ailleurs, avant d’être interpellé, le député Yassine Ayari avait critiqué cette démarche. « Vous êtes heureux que la justice passe des mains des uns aux mains des autres ? Que vos rêves sont petits ! », a-t-il écrit sur sa page Facebook, s’adressant aux partisans de cette décision.

Qui a la latitude de prendre des sanctions contre les magistrats ?

Toujours est-il, depuis déjà une dizaine de jours, les magistrats se sentent sous pression, alors que tout le monde le dit, le temps judiciaire n’est pas conforme au temps politique. Les Tunisiens sont quasiment unis pour en découdre avec la corruption qui gangrène le pays, mais les magistrats s’accordent à dire que cela ne devra pas se faire au détriment de l’indépendance de la justice et des juges.

Mercredi soir, l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a publié un communiqué de presse dans lequel elle exprime clairement sa crainte pour l’indépendance de la justice. L’AMT rappelle notamment que la Constitution de 2014 a mis en place une institution chargée de veiller au bon fonctionnement de la justice. D’ailleurs, l’AMT exhorte le Conseil supérieur de la magistrature à « prendre ses responsabilités constitutionnelles ».

La mise en résidence surveillée d’un magistrat conformément à l’état d’urgence inquiète notamment l’AMT qui estime que c’est au CSM, exclusivement, de prendre des sanctions contre les magistrats.

De son côté, la juge Ines Maâtar, coordinatrice du Programme d’appui à la réforme de la justice (le Pamt), espère un retour rapide à la normale qui permettrait le bon fonctionnement de la justice. La présidence, annoncée, du parquet par le Chef de l’Etat ne doit pas se prolonger. «Il est important de mettre en place au plus vite un gouvernement, et donc un ministre de la Justice qui présidera le parquet, tout en respectant l’indépendance des magistrats», a-t-elle indiqué à La Presse.

Dix jours que le Président de la République a fait lesdites annonces, et le flou persiste sur la démarche qui devra être adoptée. Ceux qui qualifient les événements du 25 juillet de «coup d’Etat» profitent de ce passage à vide pour crier haut et fort, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, qu’une nouvelle dictature est en passe d’être installée.

Le compte à rebours a déjà commencé et les ONG commencent à s’impatienter. Mises à part quelques arrestations spectaculaires, il faut se rendre à l’évidence, la présidence du parquet ne peut transformer d’un coup de baguette  magique le plomb de la corruption en or de la vertu.

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Un commentaire

  1. Mustapha

    9 août 2021 à 17:51

    Où étiez vous quand c’est Bhiri qui commande les magistrats?

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