Le monde des plateformes est peut-être en train de créer les conditions d’une réinvention du cinéma…Et si les plateformes se mettent à produire des films d’auteur ?
En attendant la démocratisation du Home cinéma, équipé du Dolby Atmost, peut-on regarder un film d’auteur sur un smartphone ou sur une tablette via une plateforme ?… Avec les multiples confinements du covid-19, jeunes et moins jeunes sont maintenant rompus à l’expérience de visionnage en solitaire. Un formatage… Il y a même des jeunes qui ne connaissent le cinéma qu’ à travers le petit écran de leur portable. On a beau dire que la vie reviendrait comme avant, mais il y a eu une vie avant le covid et il y aura une vie après. C’est ainsi… les grandes blessures de l’humanité nous poussent à désapprendre. Mais soyons optimistes, et disons que certains iront dans les complexes ou dans une salle de cinéma pour voir un blockbuster ( pour l’émotion visuelle) peut-être, mais pas un film d’auteur. Pourquoi ? Parce que les grandes plateformes sont en train de flairer la bonne affaire et d’investir dans le film d’auteur qui risque de rapporter en termes de visionnages et qui est souvent tourné à budget réduit. Ce sont souvent des films risqués ou qui ne «nourissent» pas leurs producteurs… Avec leurs millions d’abonnés les plateformes peuvent prendre ce risque et trouver «visionneur» à ces produits. Certains experts pensent que la créativité et la liberté de création n’ont jamais été aussi importantes qu’aujourd’hui, car les plateformes ont une base de clients tellement importante qu’il est plus facile de sortir du cadre classique pour produire des films exigeants avec une masse critique d’audience internationale suffisante. «Okja» de Bong Joon-ho ou «The Irishman» de Scorsese. «The Irishman», qui réunit un casting prestigieux d’acteurs (Joe Pesci, Robert De Niro, Al Pacino) que personne ne voulait financer et que Netflix a produit est un exemple particulièrement emblématique de cette tendance. Il n’y a pas que Netflix d’ailleurs, il y a aussi Amazone Vidéo Prime et l’anglaise Mubi ou la Française UniversCiné. Portant un discours de diversité culturelle et de lutte contre l’uniformisation des contenus, ces deux dernières considèrent que les plateformes, comme Netflix…, représentent finalement plus une opportunité qu’une menace en acculturant les spectateurs.
Revenons sur notre terrain, à savoir le cinéma tunisien, arabe et africain qui jusqu’ici fait son bonhomme de chemin avec les circuits de productions classiques entre les subventions d’Etat ou de coproductions. Un cinéma d’auteur qui se distingue dans des festivals internationaux et qui remporte des prix, mais malheureusement le film d’auteur reste un vecteur d’image et pas d’audience. Pour prendre l’exemple de la Tunisie avec son parc très réduit de salles de cinéma, les recettes ne couvriront jamais les dépenses d’un film. Et on continue à croire que, n’eût été l’aide de l’Etat, un film ne pourra jamais voir le jour (quoique ces dernières années on a assisté à des initiatives personnelles couronnées de succès.) Les plateformes africaines, arabes et tunisiennes existent, bien entendu, mais elles ne constituent pas une menace, puisqu’elles ne sont pas dans la production. Elles sont dans la diffusion et dans une logique qui n’est pas en conflit avec la chronologie des médias.
Certains experts montrent que des réalisateurs arabes et africains très divers considèrent qu’il est plus facile aujourd’hui de trouver un financement pour des créations originales de la part des grandes plateformes. Une possible aubaine pour eux et une voie royale pour ces plateformes bien nanties d’élargir leur nombre d’abonnés dans le monde arabe et en Afrique du Nord… Que se passerait-il si un jour de puissantes plateformes se mettraient à produire des films d’auteur arabes ? Des films qui présentent l’avantage d’être moins coûteux qu’un blockbuster (qu’ils laisseraient pour les salles de cinéma) et qui combinent à la fois l’audience à l’originalité de la création.