Pénurie des ressources hydriques: Les risques de la gestion décentralisée

« La gestion décentralisée des ressources hydriques pose problème parce que chaque région va essayer de trouver ses propres solutions et va légiférer de son propre chef », assure Raoudha Gafrej, experte en eau et en changement climatique à La Presse.


Le conseil régional de Kasserine a voté, au mois de septembre dernier, la création d’une Agence de gestion des réseaux d’eau en milieu rural, actuellement gérés par les Groupements de développement agricole GDA. Il s’agit d’une initiative qui a été proposée par le gouverneur de Kasserine, dans l’objectif de pallier les difficultés de gestion de l’eau, dont ont fait montre les GDA de la région, mais aussi afin de garantir l’alimentation en eau potable des groupements d’habitation et des établissements scolaires. Si la décision a été votée selon les dispositions de la loi relative aux conseils régionaux, il n’existe aucun texte juridique qui autorise la création, à l’échelle régionale, d’une Agence de gestion des eaux dans les zones rurales. « Le conseil régional de Kasserine a voté la proposition, alors que le Code de l’eau de 1975 en vigueur ne contient aucune disposition relative à la création d’agence régionale de gestion des eaux », affirme à La Presse, Raoudha Gafrej, experte en eau et en changement climatique.

Les GDA, un modèle de gestion devenu suranné ?

La décision prise par le conseil régional remet, en effet, sur la table la question relative à l’efficacité des GDA dans la gestion des eaux en milieu rural. Ces groupements, qui croulent sous le poids de l’endettement, peinent à subvenir aux besoins des agriculteurs en eau. Le coût élevé de l’énergie nécessaire à la production et à la distribution de l’eau dans les zones enclavées et difficiles d’accès et le non-paiement des factures ont fait que les GDA se trouvent sur le fil du rasoir et n’arrivent plus à assurer le rôle qui leur échoit. Une gestion décentralisée des ressources hydriques serait-elle alors la solution face à l’échec de ces groupements, qui ont assuré pendant des décennies la desserte des campagnards et des agriculteurs en eau potable? « La gestion décentralisée des ressources hydriques pose problème, parce que chaque région va essayer de trouver ses propres solutions et va légiférer de son propre chef… Cela va être catastrophique parce que l’eau est quand même une ressource nationale. Les nappes sont interconnectées. Il est inconcevable que chaque région légifère d’une manière indépendante sur la question », explique dans ce sens Gafrej.  La Tunisie fait face à une crise alarmante de l’eau. Même si la rareté des ressources hydriques ne date pas d’aujourd’hui, trouver des solutions durables et pérennes à une crise qui s’accentue sous l’effet du changement climatique devrait être une priorité absolue. Encore faut-il mettre l’accent sur les défis liés à la pénurie d’eau et auxquels fait face l’agriculture, un secteur qui peine à se projeter dans le futur.

Laisser un commentaire