DES centaines d’incendies ont éclaté presque simultanément dans l’intervalle de trois à quatre jours pendant la célébration de l’Aïd El Fitr, ravageant des centaines d’hectares de céréales, en cette saison de moisson, alors que le ministère de l’Agriculture venait d’annoncer une récolte exceptionnelle.
L’importance du nombre des incendies qui se sont déclarés en un laps de temps court, dès le premier jour de l’Aïd et dans diverses régions agricoles du pays, suscite le doute quant à l’origine de ces sinistres, ou du moins de certains d’entre eux, d’autant que la canicule, qui peut en être une cause, ne s’est manifestée que trois jours plus tard.
Les autorités de tutelle ainsi que les services de la Protection civile privilégient la prudence et s’interdisent la surenchère en excluant, pour le moment, la piste criminelle. Décision sage du fait que si cette dernière venait à être prouvée, elle entrerait le pays dans une phase d’insécurité et d’instabilité néfaste en cette période sensible de l’année, du point de vue économique, considérant la haute saison touristique, et politique en raison de la tenue des élections législatives et la présidentielle dans quatre mois.
Du côté des autorités sécuritaires, la piste criminelle n’est toutefois pas écartée et les enquêtes se sont soldées, hier, par onze arrestations du côté de la région de Kasserine, où une vingtaine d’hectares de céréales et d’herbes sèches ont encore été incendiés hier matin. Un membre de l’Union régionale de l’agriculture n’a pas hésité à privilégier la thèse des actes criminels pour expliquer la série d’incendies qui a frappé la région depuis le début de ce mois de juin, endommageant 238 ha de cultures.
Ceci pour le constat. Du côté des analyses et des commentaires, le bal des accusations a commencé ajoutant à l’ambiance de désolation qui prévaut chez les agriculteurs, un climat de tension et de contestation.
Il est vrai que, comme pour toute catastrophe naturelle ou provoquée, les moyens humains et matériels d’intervention mis en place sont essentiels et déterminants en termes d’efficacité des interventions et de limitation des dégâts. Sauf qu’il ne faut pas se voiler la face et admettre que les moyens existants au niveau du ministère de tutelle et de la Protection civile sont plutôt limités, surtout quand la catastrophe touche plusieurs régions à la fois. Ce pourquoi la mobilisation ne doit pas et ne peut pas être individuelle mais collective, voire nationale et, de surcroît, urgente.
Ainsi, les appels à la multiplication des patrouilles sécuritaires autour des champs de céréales sont légitimes, mais les urgences des forces sécuritaires sont essentiellement ailleurs. Il importe aujourd’hui que les autorités officielles, les structures professionnelles agricoles, les agriculteurs, la société civile dont les associations écologiques et environnementales, se mobilisent ensemble et en concertation pour protéger les récoltes. Il y va de la sécurité alimentaire des Tunisiens et de l’avenir de tout un secteur stratégique — l’agriculture — qui représente pas moins de 9% du PIB et des exportations tunisiennes.