L’exposition est étonnante. Fatma Kilani, en grande prêtresse de la chapelle Sainte Monique à l’Ihec, a réussi, une fois de plus, à nous surprendre.
Son coup de force : nous mener là où on ne l’attendait pas. Car il est vrai que l’on n’attendait pas Malek Gnaoui en « faiseur de bijoux ». Ce colosse débonnaire nous avait habitués à ses sanglantes reproductions d’antres de boucher, à ses chapelets de merguez en céramique. On le retrouve créateur minutieux de bagues romaines, sertisseur délicat et polisseur précieux. Bon, il est vrai que ce ne sont pas des bijoux ordinaires que nous propose cet artiste aux talents conceptuels multiformes. Les bagues qu’il crée ont pour chaton des débris de céramique récupérés dans des chantiers de démolition de Bhar Lazreg, et celles qui brillent sont constituées de déchets de ciment taillés, polis et lustrés. Malek Gnaoui les sertit dans de l’or ou de l’argent, et donne à ces témoignages de ravages une préciosité de nouvelle vie.
Inattendue également, Amel Bennys, qui accompagne ses bijoux insolites de sculptures auxquelles elle s’essaie pour la première fois. Les bijoux allient des caoutchoucs de pneus lacérés, des boulons et des rivets d’un mécano fou, aux jades et aux agates précieux, le tout monté sur des chaînes de finesse inattendue. Pour ses sculptures, cependant, Amel Bennys retrouve son univers habituel fait de lignes de force aux miraculeux équilibres, lignes de fuite, dont on se dit que si l’on touche un seul élément, le tout s’effondre.
Meryem Bouderbala, quant à elle, a toujours été à l’aise dans cet exercice. Son talent pour jouer sur les formes, inventer des matériaux, réussir d’improbables alliances, lui permet de composer une collection de bijoux à thèmes divers. Adam et Eve, poissons, serpents, phénix et minotaures, mais aussi divinités bi-faces, Poséidon et Thétis, habitent et animent ses bijoux de céramique, de silicone, de plastiques recyclés. C’est un univers étrange, fascinant et inquiétant à la fois, chargé de croyances et de légendes venues de la nuit des temps.
La chapelle Sainte Monique accueillait ces collections en une scénographie de belle modernité, faite d’échafaudages de briques sertis de liens de plastiques, lesquels liens servaient également de colliers ou de ceintures à nos créateurs.