Depuis des mois que le gouvernement est en place, nous n’avons pas encore vu de programme ayant pour objectif de mettre un terme au monopole, au blocage et au gaspillage.
Nous prenons le risque d’affirmer que oui. En effet, tout en sachant qu’une bonne partie de notre population souffre et Dieu seul sait comment les pères et mères de familles terminent leur mois, les Tunisiens savent adopter l’attitude et prendre les bonnes résolutions en cas de besoin. Nous venions de commémorer les événements de Ben Guerdane et nous avions tous vu, le monde a été témoin de ce dont sont capables les Tunisiens lorsque leur pays est menacé. Après cette décade de plomb, au terme d’une gouvernance catastrophique, à la suite d’une politique qui a mis le pays à genoux, nous savons que nous devons nous redresser. Redresser nos finances exsangues, relancer notre économie et redonner l’espoir à ceux qui ont commencé à douter, insuffler la confiance pour que ceux qui sont partis reviennent et pour ceux qui hésitent à nous tendre la main soient convaincus, qu’un pays millénaire ne saurait s’effondrer à la première alerte. Mais… il faut absolument tout expliquer. Patiemment, avec beaucoup de pédagogie et des arguments qui tiennent la route. Le Tunisien se doit de comprendre qu’il est bien obligé de sacrifier une bonne partie de ses rêves. Certains diront qu’ils ont assez sacrifié, mais face à ces réformes dont a besoin la Tunisie, face à l’incontournable et à l’impérieuse nécessité de relancer tous les secteurs, il n’est plus possible de continuer à se poser des questions. Il faut agir. Agir vite et avec beaucoup de rigueur, étant donné que tous les secteurs ont été noyautés, gangrenés, pourris, au point d’en faire des boulets que le pays se trouve dans l’obligation de traîner. Au lieu de tirer les meilleurs profits de nos valeureux cadres formés dans les meilleures écoles, nous nous retrouvons face à des situations rocambolesques que les dépossédés du pouvoir essaient de réimposer pour parfaire leur travail de sape.
Et l’on se pose des questions à propos des problèmes que pose la hausse de prix de certains produits de première nécessité. Au lieu d’expliquer, on donne des chiffres qui ne veulent rien dire. Pour convaincre, on fait valoir que l’on a mis la main sur de nouveaux dépôts clandestins. Des dépôts clandestins, il n’y aura que cela durant un bon bout de temps. Tout le monde s’y est mis pour gagner de l’argent facile. La spéculation a envahi ce pays et en dix ans, on a eu le temps de voir essaimer bien des réseaux qui, actuellement, contrôlent tout. De toutes les façons, considérant qu’il y aura forcément des augmentations des prix, même minimes, grandes surfaces, petits épiciers et revendeurs à la sauvette sortent leurs marchandises au compte goutte. Un coup d’œil dans les dépôts de ces opérateurs pourra d’une part confirmer le fait qu’une bonne partie de ces pénuries est voulue pour créer la psychose et que d’autre part le consommateur reste la victime de choix de ces milieux peu recommandables, sans scrupules.
Monopole et blocage
Depuis des mois que le gouvernement est en place, nous n’avons pas encore vu de programme ayant pour objectif de mettre un terme au monopole, au blocage et au gaspillage. Ce sont toujours les mêmes qui ont la mainmise sur le marché, qui contrôlent les engrais, les intrants et imposent leurs prix et leur rythme aux autres tout en faisant monter les enchères. Aucune traçabilité des ventes ne permet de contrôler les mouvements des produits en aval. Cela se traduit par des centaines de tonnes saisies chez une même personne. Quand mettra–t-on en application les promesses faites ? La révision des systèmes de quota, la réforme des circuits de distribution, la traçabilité de toutes ces marchandises qui traversent le pays pour aller se fourvoyer au fond d’une cité populaire sont des urgences.
Gageons qu’en prévision du mois de Ramadan, bien des spéculateurs ont déjà commencé à stocker du lait. Ils s’arrangeront pour qu’il y ait une hantise de pénurie afin d’amorcer auprès des consommateurs le réflexe qui pousse au stockage et par voie de conséquence au dérèglement du marché. A l’affût, ceux qui trouvent leur compte dans une éventuelle importation qui saignera davantage les maigres avoirs du pays seront là. C’est un cycle infernal qui se répète, qu’on connaît dans ses moindres détails, mais dont personne ne parle. On a pourtant entendu parler de mesures coercitives sérieuses pour mettre un terme à toutes ces manipulations. Où en sont-elles ?
Expliquer et convaincre
Il avait l’air tout content celui qui avait recommandé de ne pas planter des légumes hors saison, en raison de la baisse du niveau de nos barrages. Ne fallait-il pas expliquer dans la foulée que nous n’aurons pas de tomates, de piments, et autres légumes hors de leur saison habituelle ? Et que les petites quantités qui arriveront sur le marché seront forcément élevées ? Et au consommateur de s’adapter et de revoir sa ration alimentaire. Il ne faudrait pas oublier que l’agriculture tunisienne demeure victime d’une option prise il y a quelques années et qui voulait qu’on délaisse les grandes cultures au profit des primeurs qui rapportent des devises. Nous subissons de nos jours les contrecoups de ce genre de décisions, car rien n’empêche nos producteurs de faire les deux. L’absence de politique sérieuse, prospective, dynamique, continue à ronger le peu de crédibilité qui nous reste. Où en est la promesse de mettre à la disposition de nos ingénieurs et techniciens agronomes les terres saisies ou récupérées et pourquoi pas aussi les terres dont l’Etat est propriétaire pour donner du travail aux diplômés chômeurs ?
Les mois passent, les années s’estompent et on ne voit rien venir. Certes, il y a eu quelques opérations du genre, mais cela est insignifiant par rapport à ce qu’on pourrait faire dans ce domaine bien précis.