DANS cette Tunisie nouvelle et compliquée qui cherche à trouver ses repères politiques, socioéconomiques mais également culturels, des voix se font entendre élevées et persistantes. Des groupes, corporations, formations tentent de se faire une place. C’est de bonne guerre.
Mais qu’en est-il de ceux qui n’ont pas de voix ? Les enfants, les personnes démunies, âgées, marginalisées… Des couches de la population, pour qui toute action non économiquement rentable est un luxe et une perte de temps. Et parce qu’occupés d’abord à assurer leur survie, ces gens-là se soucient peu du débat public, des querelles politiques, des négociations sociales et des dividendes potentiels qui peuvent en découler.
Là intervient le rôle de l’Etat, des responsables politiques, de la société civile, du secteur privé… pour défendre et réhabiliter ceux qu’on appelle vaguement les invisibles. Et même si les ministères de la Femme avec ses délégués à l’enfance et celui des Affaires sociales, avec ses structures, accomplissent un travail formidable, le manque de moyens et de personnels, et parfois de sens du devoir et de l’humain, fait que des groupes entiers sont relégués au statut de laissés-pour-compte.
Certains centres pour handicapés sans soutien, à titre d’exemple, se situent au-delà des frontières humainement acceptables. Certaines zones rurales et isolées manquent de tout. Certaines cités populaires sont carrément hors circuit. Là où il faudra ajouter à la pauvreté, une violence quotidienne et banalisée.
Alors et de temps à autre, par l’effet d’une alerte, d’un article, d’un témoignage, d’une visite impromptue, l’on se rend compte que nous avons failli, pour avoir manqué à notre devoir envers une frange importante de la société.
Si la Tunisie était reconnue jadis, même à l’échelle internationale, pour son modèle social, le nouvel ordre mondial, les mauvais choix politicoéconomiques et la corruption généralisée ont fait dévier le pays d’une trajectoire prometteuse. D’où le recul qui a frappé quasiment tous les secteurs d’activité, la précarisation des classes moyennes et des indicateurs qui ont viré au rouge depuis des années maintenant.
Ces faits connus de tous et avérés sont démultipliés au niveau des couches économiquement et socialement vulnérables. Le temps n’est-il pas venu pour les Tunisiens de se prendre en main, en plaçant l’intérêt général au-dessus de tout, pour faire bouger les lignes, sauver le pays, et donner de la voix à ceux qui n’en ont pas ? Ou bien cela relève-t-il de l’idéalisme improductif que de le suggérer ?