La grève des médias publics observée hier, 2 avril, avec présence sur les lieux de travail renseigne autant sur l’état actuel du journalisme que celui du pays.
La Télévision tunisienne, la Radio nationale, la Société nouvelle d’impression, de presse et d’édition (Snipe-La Presse et Assahafa) et l’agence TAP ont répondu à l’appel du Syndicat national des journalistes tunisiens(Snjt), selon lequel le gouvernement se serait dérobé à ses responsabilités quant au soutien des médias en difficulté.
Au-delà du diagnostic et des blâmes échangés à souhait entre gouvernants, historiens de l’instant et organes de régulation, une chose est sûre : le perdant n’est autre qu’un public qu’on s’évertue à maintenir non informé quand il n’est pas mal informé.
Que le gouvernement ou encore, à plus grande échelle, l’État livrent les médias publics à leur propre sort, par ces temps d’incertitude et de marasme économique, c’est qu’ils perçoivent mal le rôle à jouer par ces mêmes médias.
Qu’ils s’accordent ou qu’ils dissonnent dans la chorale du pouvoir, ces médias et leurs journalistes — le gouvernement doit en avoir la certitude — sont indéniablement utiles pour le fonctionnement d’une démocratie, naissante ou mûrie soit-elle.
Mal rémunérés, souvent sous-estimés et corsetés dans un costume de craintes, les journalistes des médias publics sont souvent coincés entre le marteau et l’enclume. Pourtant, ils refusent de courber l’échine devant un tas d’obstacles pour donner une information authentique bien qu’elle puisse être parfois dénuée de qualité. Car limitée par ces choses que les hommes ne peuvent changer à volonté, sur le court terme.
Compte tenu des agissements des uns et des autres, les gouvernants de la Tunisie nouvelle semblent tout ignorer ou presque de l’utilité des médias publics, surtout dans une phase transitoire. Ils semblent également ignorer que, sans ces mêmes médias, nous ne serons pas loin de l’effondrement de la réalité.
Dès lors qu’on adhère à la prédominance des réseaux sociaux, au cynisme aveugle et irrationnel envers les produits et contenus que certains médias manipulent, on accélère ce qui est communément appelée « l’infocalypse ».
Le Président de la République et la Cheffe du gouvernement devraient, au demeurant, réaliser que l’ensauvagement et l’appauvrissement des hommes sont les enfants bâtards de l’ignorance.
Ils devraient également réaliser que la Tunisie a besoin d’un vrai journalisme. Lequel vrai journalisme ne peut être servi par des professionnels souvent malmenés et sous-estimés.
Tout comme le vrai homme d’État, le bon journaliste a l’obligation de se tenir informé, de se cultiver, de s’ouvrir aux nouveautés et à la diversité des opinions.
Mais, n’a-t-on pas dit un jour que « celui qui veut aller loin n’a qu’à ménager sa monture »?