L’achat et la vente d’objets anciens se font par le biais des antiquaires. On les trouve à la rue Zarkoun, Souk El Asr à Bab Jedid, la friperie d’El Mellassine… où ils ont pignon sur rue.
Les brocantes de la capitale pullulent d’objets de toutes sortes: statuettes en cuivre, consoles, pendules, bibelots de toutes formes, montres argentées, pièces de monnaie, broches en argent, tabatières…
On y trouve aussi des meubles de style, des armoires, des canapés genre Louis XVI, des salons genre Louis XV, des postes radio anciens, des chaises, des pendules murales, des miroirs argentés, des lustres vénitiens, des vases… Tous anciens, de véritables objets de valeur portant les emblèmes de diverses époques et civilisations.
Vente et revente
La récupération de ces objets se fait par différents moyens. Les antiquaires sont souvent sollicités par les citoyens, en vue de leur vendre des meubles antiques, devenus encombrants, posant parfois des problèmes d’héritage au sein de nombreuses familles. L’acquisition se fait aussi par voie de presse. Annonces, saisies de douane, saisies proclamées par les huissiers-notaires et autres…Une fois récupérés, ces objets seront retapés à neuf par l’antiquaire qui réussit toujours à leur redonner de l’éclat, surtout lorsqu’il s’agit de meubles de style.
La revente se fait à long terme. M. Bouzaïène, antiquaire chevronné, nous fait comprendre que l’écoulement de tels objets s’effectue d’une façon aléatoire : «Cela dépend des goûts : parfois un article exposé à la vente retrouve rapidement son acquéreur, alors que pour d’autres, ils ne font que l’objet d’admiration sans pour autant être vendus, ils demeurent ainsi exposés pour de longues années».
Un autre antiquaire à Souk El Asr impute cette mévente à l’engouement des jeunes pour les nouveautés : «Ces objets antiques, en dépit de leur valeur inestimable, n’attirent pas les jeunes aujourd’hui». Un faux raisonnement, diriez-vous, dans la mesure où ces gens (moderne et à la page) s’apercevront un jour ou l’autre que la mode change. Un article de mode devient un jour démodé, alors que l’objet ancien est original. Il garde toujours le même cachet et reste immuable.
Mme Lilia S, fervente admiratrice d’objets anciens et une habituée des boutiques de Souk El Asr, nous fait part de ses impressions: «J’aime tout ce qui est antique. Je me rends souvent à la rue des Glacières juste pour admirer ces jolis bibelots. Je n’hésite pas à m’en procurer pour embellir mon salon».
Pour Mme Ben Ammar, une autre habituée des lieux, l’acquisition de ces objets antiques est une façon, comme une autre, de s’exprimer. Il s’agit en quelque sorte de renouer avec ses origines : «Par le biais de ces objets précieux, nous rétablissons des liens étroits avec nos racines. Nous nous identifions culturellement. Ce sont des objets d’art irremplaçables».
M. Jamel O, instituteur, pense que «si ces objets ont beaucoup de valeur, c’est parce qu’ils datent d’une époque ancienne», nous précise-t-il : «Ce sont des objets travaillés avec goût, à une époque où l’homme n’accordait pas trop d’importance à la matière. Ces meubles de style sont authentiques, ils incarnent la beauté, et la splendeur, regardez ce joli canapé, peut-on refaire pareil de nos jours?».
M.Jamel O, féru d’objets anciens, se rend souvent à la rue des Glacières pour chercher des bibelots de valeur, dont il fait toute une collection. Il fait aussi la collection des postes radio des années 40 et 50 du siècle dernier, «tous ces objets sont des pièces uniques», nous précise-t-il.
Un placement difficile
Seulement, ces mêmes admirateurs posent le problème du placement de ces objets qui ne s’accommodent pas avec l’architecture moderne. Un bon placement exécuté avec goût exige beaucoup d’espace.
«Il m’est impossible de faire suspendre un lustre vénitien dans une des pièces exiguës de mon appartement », nous confie Lilia S.
Par contre, la disponibilité de l’espace ne fait que stimuler l’achat.
Selon Dalila N, une jeune mariée, «il ne suffit pas de s’approprier des meubles anciens, l’essentiel c’est de savoir les placer chez soi avec goût et harmonie».
Côté prix, ces objets paraissent parfois inaccessibles : une chaise antique vaut 150 à 200 D, un poste radio ancien est négocié à partir de 500.D, un canapé modèle Louis XVI vaut 1.500 D, heureusement le marchandage existe et offre souvent une possibilité d’entente avec le vendeur.
N. Abdelmajid, antiquaire à la rue des Glacières, impute la hausse des prix de ces objets de valeur à la loi de l’offre et de la demande. Celle-ci demeure trop faible par rapport à la quantité des objets exposés, sachant aussi que le citoyen ordinaire demeure victime de son pouvoir d’achat qui se rétrécit de plus en plus. Et notre interlocuteur de ‘‘s’interroger’’ : qui, de nos jours, est en mesure d’acquérir ces articles de valeur ? Selon N. Abdelmajid, en dépit du coût élevé de la vente de ces antiquités, la marge bénéficiaire demeure faible.
Veiller sur ce patrimoine
Pour les adeptes, ces objets antiques ont une valeur inestimable, car ils gardent infiniment leur éclat. Leur maintien en bon état dénote de la passion et du doigté artistique de l’antiquaire.
De telles acquisitions témoignent de l’attachement des Tunisiens à leur patrimoine civilisationnel et artistique, dépassant les trois millénaires, auquel ils vouent une grande considération.
Les vicissitudes des temps, les modes changeantes, ainsi que les mutations des mœurs ne peuvent altérer ces fibres patrimoniales enracinées dans nos cœurs.
Tarek ZARROUK