Accueil A la une Consommation, spéculation, hausse des prix… : Un Ramadan pas comme les autres

Consommation, spéculation, hausse des prix… : Un Ramadan pas comme les autres

En dépit de tous les efforts, avec un nombre impressionnant de visites et de procès-verbaux dressés, les prix n’ont pas baissé et sont restés hors de portée du citoyen au cours du mois saint. Cela prouve que les choses sont beaucoup plus compliquées. Et cela signifie que pour préparer le prochain Ramadan, il ne faudrait pas se limiter à assurer le stockage des produits, mais agir dès à présent pour prendre en main le marché et assurer la traçabilité et le contrôle des prix.

Ramadan 1443/2022 est terminé ! Comment a-t-on vécu ce mois saint ? Quel a été son impact sur ceux qui ont tout fait pour qu’il se passe dans les meilleures conditions ? Comment les pères de famille ont-ils meublé ses moments cruciaux et géré les ondes de choc qui ont secoué le monde au point de déstabiliser nos prévisions les mieux établies, alors que l’on semble s’acheminer vers un conflit dont l’humanité ne s’en sortira qu’avec des séquelles dévastatrices ?

De toutes les façons, tout le monde en gardera un souvenir impérissable avec les difficultés qui, cette année particulièrement, ont alourdi les charges du citoyen, imposé la crainte dans les foyers et surtout plongé la planète dans le doute.

Ramadan, pour certains, passe vite. Pour d’autres, il traîne et constitue un poids insupportable. C’est que c’est une question de  convergence temporelle que chacun apprécie selon ses croyances, ses obligations, ses occupations et ses préoccupations.

Il est dit dans un Hadith que: «L’Heure ne viendra que lorsque le temps se rapprochera.

L’année sera comme un mois, le mois sera comme une semaine,  la semaine sera comme un jour,  le jour sera comme une heure, et l’heure sera comme le feu d’un palmier». Nous sommes bien tentés de croire que nous y sommes.

Pas la même pour tous

Néanmoins, cette convergence temporelle n’est pas la même pour tous. Si pour les politiques, les principales préoccupations se situent au niveau de l’approvisionnement du marché, des cours mondiaux du pétrole, des matières premières et, guerre en Ukraine oblige, aux fluctuations des prix des céréales, pour le père de famille, cela se limite aux problèmes quotidiens des bouches à nourrir.

Pour ceux qui ont su s’adapter aux pénibles circonstances que vit le pays, en s’adonnant à leurs obligations professionnelles, spirituelles et sociales, ceux qui ont intelligemment zappé les émissions culinaires indigestes, décalées des réalités que vit le commun des citoyens, avec des produits de  base hors de prix et les programmes qui se veulent d’animation burlesque, le temps est passé vite. Ramadan sera toujours pour eux un mois attendu.

L’envolée des prix

Pour ceux qui, par vanité, suffisance ou ignorance ont tout fait pour jeter la moitié de ce qu’ils ont préparé à manger en empruntant ou en se faisant servir des avances sur salaires, c’est une tout autre histoire. Certes, presque rien n’a manqué au cours de ce mois de Ramadan, à part quelques denrées dont on a pris soin de limiter la vente pour éviter les ruées.

Il serait injuste d’affirmer que les efforts déployés pour contenir les envolées des prix n’ont pas limité les dégâts. Des milliers de tonnes de denrées alimentaires ont été saisies. Un bon nombre de spéculateurs ont été arrêtés et cela nous a donné une idée de l’importance du mal qui ronge notre société depuis bien longtemps hélas, et qui fausse toutes les données économiques du pays. Nous espérons avoir des nouvelles de ces «sangsues» pour savoir si leur exemple pourrait dissuader ceux qui opèrent encore sur le marché, dans le seul but de saigner encore davantage les consommateurs. On a exigé des lois dissuasives. Ces lois ont été promulguées et nous verrons si elles seront appliquées. Toujours est-il que les lois ne suffisent pas. C’est toute une reprise en main de la situation qui s’impose.

La récolte de pommes de terre

En effet, lorsqu’on entend parler un responsable du secteur agricole, politisé jusqu’à la moelle, parler «de la crainte qu’imposent les descentes dans les dépôts et les saisies qui s’ensuivent et qui menacent la récolte de pommes de terre, il y a de quoi se demander de quelle manière le pays pourra s’en sortir avec des irresponsables pareils. Cet «irresponsable» a-t-il jamais entendu parler de bons d’achat ou de livraison, de factures, de registres de mouvements de produits emmagasinés, de rotation de stocks? Certainement pas, puisque les spéculateurs ne laissent jamais de traces et opèrent dans l’ombre, et que tout se fait avec des bouts de papiers que l’on jette à la poubelle une fois l’opération terminée, des moyens de transport disparates, des heures d’enlèvement impossibles à contrôler. 

Défendre l’indéfendable

La récolte de pommes de terre ne sera pas perdue si elle est stockée en toute légalité  dans des dépôts déclarés, qui fonctionnent en conformité avec les dispositions légales. Soutenir le contraire au lieu de mettre en place la logistique et les moyens pour ouvrir le jeu et faire profiter les spéculateurs de tout relâchement, c’est tout simplement donner l’impression de défendre l’indéfendable. De toutes les façons, ce problème que posent les dépôts illégaux ne sera pas résolu par ces descentes et ces saisies.

C’est en amont que l’on doit agir avec une application rigoureuse de la loi ; nul ne peut ouvrir un dépôt de stockage sans autorisation préalable des autorités du gouvernorat. Ces dépôts se doivent de fonctionner selon les normes établies avec une traçabilité à toute épreuve. Des visites régulières de contrôles sanitaires et de mouvements sont à prévoir, tout en veillant à ce que les contrôleurs soient neutres et faisant partie d’une équipe mixte composée d’agents du secteur économique et de police ou de la garde nationale.

Mi-figue mi-raisin

En dépit de tous les efforts, avec un nombre impressionnant de visites et de procès-verbaux dressés, les prix n’ont pas baissé et sont restés hors de portée du citoyen. Cela prouve que les choses sont beaucoup plus compliquées. Et cela signifie que pour préparer le prochain Ramadan, il ne faudrait pas se limiter à assurer le stockage des produits, mais agir dès à présent pour prendre en main le marché et assurer la traçabilité et le contrôle des prix des produits.

Bien entendu, nous avons entendu ici ou là des échos de bonnes dispositions. Mais nous craignons que l’orage passé, on ne bougera pas le petit doigt pour faire avancer ce dossier spéculation et manipulations.

C’est autant une question de responsabilité, du sens de la responsabilité et de rigueur, que de qualité des hommes et femmes désignés pour cette tâche.

Des lendemains plus durs

Pour ceux qui ont souffert pour se nourrir, se vêtir ou pour jouir de quelques joies à l’occasion de l’Aïd, la convergence temporelle sera ressentie autrement.

On ne vit pas seulement avec des programmes d’animation et de feuilletons dont les contenus sont plus que discutables (avec les mêmes voix, les mêmes acteurs, les mêmes violences verbales et physiques), on survit en pensant que les lendemains seront encore plus durs.

Avec des factures d’eau et d’électricité salées, des moyens de transport éprouvants, des vêtements de l’Aïd qui deviennent hors de portée, même à la fripe (et on se plaint que nos produits textiles ne se vendent plus), des gâteaux qui ne se vendent plus dans les pâtisseries, le sourire n’est plus de rigueur.

Les enfants ont beau comprendre. Nombre d’entre eux risquent de ne plus savoir ce que fête signifie.

Quant aux adultes…

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