• «Cette spirale inflationniste va se poursuivre. On estime en moyenne à 7,7% le taux d’inflation pendant l’année 2022», explique au journal La Presse Aram Belhadj, professeur universitaire, spécialiste en économie. Pour lui, il est évident qu’avec la demande de la Finlande d’adhérer à l’Otan, la guerre en Ukraine risque de s’étaler dans le temps, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie mondiale.
Il ne faut plus se le cacher, les prix de l’ensemble des produits, et notamment des produits essentiels à tout ménage, sont dans une course effrénée vers les sommets. Dans un contexte international perturbé et une inflation qui frappe quasiment l’économie mondiale dans son ensemble, les prix vont continuer à grimper, réduisant par la même occasion notre pouvoir, ou désormais, «vouloir» d’achat.
A l’approche de Aïd al-Adha, entre le 9 et le 11 juillet, un nouveau casse-tête vient hanter le quotidien des familles tunisiennes. Il s’agit bien évidement du prix du bétail, appelé à augmenter de manière forte dans les prochaines semaines, pour atteindre, selon un certain nombre de professionnels du domaine, des prix avoisinants les 1.200 dinars.
Le coupable de cet emballement des prix est souvent le même, et il semble que les victimes aussi sont les mêmes. Le principal accusé, ce sont les prix des fourrages, nécessaire à l’alimentation du bétail, qui ne cessent d’augmenter. Et les victimes, nous les connaissons, ce sont évidemment les consommateurs, et paradoxalement, les agriculteurs étouffés par les coûts de l’élevage et la volonté de l’Etat de contenir les prix.
En effet, cette augmentation des prix de vente du bétail, loin de réjouir les agriculteurs, est pour eux annonciatrice d’un cercle vicieux d’inflation. «On augmente les prix, ils augmentent les prix des fourrages», disent-ils.
Mais le bêlement des moutons n’est pas le seul à perturber le sommeil des ménages. La hausse vertigineuse des prix touche quasiment tous les produits de consommation courante : œufs, lait, viande blanche. Une décision assumée par le gouvernement qui explique que cela est une conséquence de l’envolée des prix de l’orge et l’augmentation des coûts de l’énergie. Une normalisation avec la spirale inflationniste qui n’augure rien de bon pour les années à avenir. L’érosion du pouvoir d’achat se poursuit donc touchant toutes les classes de la société tunisienne, surtout les classes moyennes et les moins nantis.
«Cette spirale inflationniste va se poursuivre. On estime en moyenne à 7,7% le taux d’inflation pendant l’année 2022», explique au journal La Presse Aram Belhadj, professeur universitaire, spécialiste en économie. Pour lui, il est évident qu’avec la demande de la Finlande d’adhérer à l’Otan, la guerre en Ukraine risque de s’étaler dans le temps, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie mondiale.
«Les prix des hydrocarbures vont continuer à grimper, ce qui, bien entendu, affectera l’ensemble des prix. Par ailleurs, la décision de la Fed, la Réserve fédérale américaine, de relever les taux d’intérêt détériore la valeur du dinar et des autres monnaies face au dollar. Une situation qui viendra alimenter l’inflation importée», précise Aram Belhadj.
Si la Banque Centrale de Tunisie continue à résister pour l’instant, elle ne pourra pas le faire éternellement, prévient-il. Tôt ou tard, la BCT finira par augmenter son taux directeur d’au moins 25 points de base, engendrant ainsi une hausse des coûts de crédit et une nouvelle détérioration du pouvoir d’achat.
Au niveau des politiques publiques, la marge de manœuvre est très réduite concède notre interlocuteur. En l’absence d’un accord avec le FMI, il est très difficile d’appliquer les leviers économiques classiques.
«L’Etat n’a pas pour le moment les moyens de procéder à une politique de relance budgétaire, et compte tenu de l’état des finances, il est difficilement imaginable que le gouvernement abaisse les impôts», note Aram Belhadj. Le salut passera inévitablement par un dialogue national économique qui doit se tenir en urgence, avec pour maître mot : «Il faut que chacun accepte de faire des concessions et des sacrifices», précise l’universitaire.
En clair, l’Ugtt, le gouvernement et l’Utica doivent discuter franchement et s’entendre sur un plan de réforme dans lequel chacun accepte de revoir ses ambitions à la baisse. Il est clair, par exemple, que l’augmentation salariale, si elle est actée, sera largement en dessous du taux d’inflation.