Tunis s’est paré de ses plus beaux atours pour abriter la Ticad 8, organisée à la fin du mois d’août. Un événement, au-delà de la conférence elle-même, qui a agité la Toile et devenu source de blagues teintées d’amertume toutefois. Les autorités ont prouvé qu’en un rien de temps, la capitale peut devenir fleurie, belle et propre. Elles en ont les moyens et savent comment s’y prendre.
Ce relooking de la cité focalisé sur un but précis, à savoir faire bonne figure devant les invités, a été ponctuel, de très courte durée. Une fois le dernier hôte parti, les pots de fleurs et les guirlandes sont remballés, les détritus ont recommencé à s’amonceler. Et, petit à petit, Tunis a repris son aspect gris, hideux et somme toute habituel. On est désormais entre nous, plus besoin de faire comme si.
Cet épisode, à lui seul, explique une grande partie du retard chronique des pays sous-développés où rien ne fonctionne systématiquement, de manière constante, mais souvent sous l’effet d’un élément déclencheur et éphémère.
Pour remonter aux causes originelles de cet état de fait, les décideurs de ces pays-là, une fois le pouvoir entre les mains, et pour le garder le plus longtemps possible, se tuent à la tâche pour créer un système autocentré et exclusif. Résultat, en dehors d’eux-mêmes et de leur noyau rapproché, la population, trop occupée à survire, ne se sent pas concernée par ce qui advient en dehors de ses préoccupations vitales.
Ainsi, la ruse, l’indiscipline, la paresse et la corruption sont la règle. A commencer par celui qui jette sa bouteille d’eau vide sur la chaussée et son papier sandwich gras, au fonctionnaire qui acte sa présence pour disparaître aussitôt, à l’enseignante qui s’absente une bonne partie de l’année scolaire, au haut fonctionnaire qui, dès sa nomination, ne pense qu’à se remplir les poches et préparer son expatriation en famille. Le sens de l’Etat, la notion d’intérêt général, de l’ordre public, l’argent des contribuables, le respect de la loi, demeurent des principes théoriques, confus, n’ayant pas d’incidence réelle sur la vie quotidienne d’un quidam qui croit dur comme faire que pour s’en tirer à bon compte, il faut rouler l’Etat, le voisin, le directeur, le consommateur, le citoyen et braver la loi, puisque personne ne la respecte, après tout.
La différence entre nous et eux : dans les pays où relativement tout fonctionne, de l’entretien des villes, à l’administration, aux hôpitaux, écoles, universités, ports et aéroports, un autre mode d’emploi a réussi à faire ancrage depuis des décennies ; le bien nommé système autoentretenu. Indépendamment du pouvoir politique et des ambitions personnelles des gouvernants, les institutions fonctionnent avec la régularité d’un métronome, qu’il pleuve ou qu’il vente. Chacun fait ce qu’il faut faire pour assurer le bon fonctionnement de l’ensemble du système. Sinon la loi sévit quel que soit le rang du défaillant. Evidemment, dans ces pays où la démocratie, les règles de droit et l’alternance du pouvoir sont garanties et respectées, les exclus ou ceux qui se sentent comme tels existent, mais sont relativement minoritaires.
Brahim
9 septembre 2022 à 20:32
Excellent éditorial décrivant (et dénonçant avec raison) une triste réalité. Compliment ! Quand allons-nous nous réveiller et prendre conscience que le laxisme de tous les responsables ou les simples citoyens usagers n’a que trop durer. Malheureusement, cela ne risquera pas d’arriver de sitôt. Dommage.