Par Khaled TEBOURBI
Peu d’informations sur la participation des chanteurs tunisiens cet été à « Carthage ». Trois petites « fuites » (Adnane Chaouachi, Ghalia Ben Amor, Olfa Ben Romdhane), et encore, la programmation locale, on le sait d’expérience, change souvent « d’avis » en dernier lieu.
Le sujet importe en tout cas. Crée toujours débat. Ces dernières années, les choses se compliquent même. On ne conteste plus tellement les candidatures, les dossiers, on passe à plus sérieux : à la situation générale de la chanson, à la condition des auteurs et des chanteurs, aux difficultés nouvelles du métier.
Mais de quelle chanson parle -t-on d’abord ?
De la wataria ? Du classique, du traditionnel ou du tarab ? De la chanson légère, de variété ?A coup sûr, de tout cela à la fois. A coup sûr, mais est-ce répondre aux réalités du moment ?On ne sait si les directeurs de festivals en ont conscience, mais les statistiques musicales, voilà près d’une décennie déjà, nous indiquent que la wataria, le classique, la légère et la variété n’intéressent plus grand-monde, que le mezoued et le rap brassent ,en revanche, des publics par millions.
Le sentiment, à vrai dire, est que nos joutes festivalières naviguent à rebours, «à contre-époque » « à contre-courant ».La musique a changé, les publics ont changé, le monde a changé, nos festivals, eux, font comme la sourde oreille. Ils en sont, encore, à Kadhem Essaher et à Ragheb Alama, aux stars « matures » des années 80 .Les jeunes ironisent : « aux affiches de papa » !
Et l’erreur sur le genre se double d’une méprise sur le nombre. « Carthage » (comme les autres) se félicite de ses gradins combles et de ses records d’entrées. La vérité est que le total de « publics urbains » n’excède pas la centaine de mille. Les publics de millions sont ailleurs, dans les quartiers, dans les joutes mineures, sur Youtube, dans les régions.
On ne prend pas position pour une musique ou pour une autre. On s’étonne simplement de l’irréalisme d’une programmation culturelle relevant de l’Etat. On insiste : « Carthage » aujourd’hui (ses « homologues » de même) n’est pas forcément en accord avec la sociologie et la culture ambiantes .A la longue, c’est comme fonctionner dans le vide. Sans perspectives. Sans dessein. Sans progrès.
Tel est le problème majeur de « Carthage » et de nos grands festivals. Leur questionnement de fond. Reste qu’à l’intérieur des choix actuels, avec même des programmations déconnectées, la participation de nos chanteurs bute toujours sur des « obstacles ».
A commencer par la pénurie créative qui s’aggrave au fil des ans. La chanson tunisienne wataria a brillé et « fécondé » dans les années 30-40-50 , au lendemain de l’Indépendance et dans les années 80. Elle sèche, malheureusement,depuis. Durant les années 2000, elle semble même privée d’inspiration. On peut tout reprocher au « festival de Carthage », mais une de ses vocations est de veiller au bon niveau des dossiers. Or, à part la petite poignée d’anciens, qui en propose vraiment aujourd’hui ?
Il y a aussi la loi des « cycles ».Celle « variable » des générations. Les générations récentes de chanteurs ne sont pas exceptionnelles, avouons. Pour « reproduire » des Saliha, Naâma, Oulaya, Riahi, Jouini, Bouchnaq, Chaouachi ,Béji, Sabeur, Najet, Dhikra et Amina, il faudra sûrement attendre. On critique volontiers « Carthage », mais on lui reconnaît son rang. C’est la moindre des humilités.
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