Il existe, aujourd’hui, plus de 230 réseaux de franchise, la majorité sont tunisiennes. La perception de la franchise en Tunisie est sondée chaque année par le biais du «Baromètre de la franchise de Wefranchiz» qu’elle soumet à plus de 500 citoyens situés dans les quatre gouvernorats du Grand-Tunis. Rym Bedoui Ayari, experte internationale en franchise et membre de l’association tunisienne de la franchise, nous en dit davantage sur ce modèle d’investissement, créateur d’emploi et qui apporte une diversification de l’offre aux consommateurs.
Comment fonctionne la franchise ? Quelles sont ses principales règles ?
Pour expliquer aux lecteurs simplement, il s’agit d’un accord par lequel une entreprise, en l’occurrence le franchiseur, accorde à une autre entreprise, c’est-à-dire le franchisé, le droit de commercialiser des types de produits et/ou services, en échange d’une compensation financière directe ou indirecte. Le franchiseur est, en général, rémunéré par des droits d’entrée et des royalties. Contre cette rémunération, le franchisé peut bénéficier de l’utilisation de la marque, du transfert de savoir-faire, de la formation et d’un encadrement.
A qui la franchise apporte-t-elle des opportunités ? Et est-elle un atout pour la Tunisie ?
Il faut savoir que lorsque le modèle est bien structuré, la franchise apporte avant tout des opportunités pour les deux parties. Le franchiseur peut monnayer un savoir-faire testé et maîtrisé, rentabiliser un business model réussi, et le franchisé bénéficie de la renommée de la marque et du support du franchiseur, mais surtout de la force d’un réseau.
Au niveau macro-économique, la franchise est créatrice d’emplois, de reconversion professionnelle pour des cadres du public ou du secteur privé qui souhaitent entreprendre tout en limitant les risques financiers, techniques et technologiques. Il s’agit aussi de développer les investissements dans les régions avec le développement des réseaux de franchises. La franchise tend également à renforcer la crédibilité du pays au niveau du climat d’investissement où des indicateurs comme la propriété intellectuelle sont respectés. La franchise des concepts tunisiens devient un enjeu majeur d’exportation et nous devons porter ces entreprises là où les pays concurrents nous ont devancés sur le continent. La franchise est un réel mode d’entrepreneuriat et de création de richesse qui présente un potentiel important de croissance pour un pays comme la Tunisie.
Le concept de la franchise, de façon générale, est considéré comme étant une opportunité. Le fait qu’une marque internationale s’implante en Tunisie constitue plus une opportunité d’amélioration et d’échanges avec les concepts locaux. Il s’agit également d’apporter une diversification de l’offre aux consommateurs. Elle encourage le franchisé tunisien à créer ses propres marques, fort de l’apprentissage à travers la relation avec la franchise internationale. Si nous consultons les derniers chiffres de l’INS, les établissements de restauration ont augmenté de 35%, ces dix dernières années, malgré l’arrivée de plusieurs enseignes de restauration rapide internationales en Tunisie.
L’optimisation de l’apport des enseignes internationales, à mon sens, se fera par l’encouragement des achats locaux, la formation de la main-d’œuvre locale, et le développement sur les 24 gouvernorats.
Où en est la franchise aujourd’hui ?
Je dirais, tout d’abord, que l’esprit entrepreneurial s’est ancré dans la culture tunisienne. De plus en plus de jeunes diplômés rêvent de créer une startup, de financer un projet quand les générations antérieures cherchaient plutôt une stabilité d’emploi dans des entreprises reconnues, ou dans le service public. Et puis l’accès à d’autres modèles de consommation à travers internet a aussi contribué à encourager les jeunes à innover. Cette nouvelle génération en Tunisie a repoussé pas mal de barrières depuis la révolution. La création de nouvelles marques fashion, des concepts de street-food se lancent tous les mois. Il y a un vivier intéressant à promouvoir et ces jeunes acceptent de dupliquer le modèle de ces marques, contrairement à leurs aînés qui peuvent se renfermer, s’attacher sentimentalement à leurs marques et vouloir protéger leurs propres réseaux. Il existe, aujourd’hui, plus de 230 réseaux de franchise, la majorité étant tunisiennes. La perception de la franchise en Tunisie est sondée chaque année par le biais du «Baromètre de la franchise de Wefranchiz» que nous soumettons à plus de 500 citoyens situés dans les quatre gouvernorats du Grand-Tunis.
Tout d’abord, il faut noter que 85,5% des sondés connaissent des enseignes en franchise et 93,3% souhaitent voir plus de franchises s’installer. Par ailleurs, 68% des sondés envisagent eux-mêmes de devenir des franchisés, et 73% d’entre eux croient au potentiel de développement des enseignes tunisiennes sur les marché local et à l’international.
Est-ce-que la réglementation de la franchise en Tunisie a progressé ?
La réglementation tunisienne en matière de franchise est à mon sens une réglementation équilibrée qui protège le droit des franchiseurs et des franchisés. Il m’est arrivé de participer à des forums et des cercles de réflexion internationaux, et de partager l’expérience de la Tunisie qui est respectée en la matière.
Le challenge principal réside dans le fait d’appliquer ce cadre juridique dans la relation franchiseur-franchisé. Par exemple, peu de réseaux partagent un DIP (Document d’information précontractuel) dans les normes prévues par la loi avec les candidats, les contrats ne sont souvent pas aux normes… Il faut absolument que les opérateurs se structurent davantage pour que le business model puisse réussir. Les réseaux qui l’ont compris s’en sortent très bien dans la relation avec le franchisé.
Selon-vous, est-il difficile d’entreprendre dans le cadre de la franchise en Tunisie ?
La franchise comme tout projet est un rêve entrepreneurial. La dure réalité réside, en général, dans la définition de la vision et la stratégie que veut l’entrepreneur au juste. Il est également important de savoir quels sont les objectifs à court et moyen termes, quelle politique faudra-t-il mener ? Est-ce qu’on bien sur la bonne voie et est-ce que c’est bien la vocation qui convient? Car oui, il y a des profils type de franchiseurs et de franchisés. Ce business model ne convient pas à tout le monde.
Vient, en second lieu, le financement du projet. C’est vrai que ce n’est pas une priorité, car la franchise est avant tout un état d’esprit, mais, il faut comprendre que ce mode de fonctionnement nécessite un financement tout aussi important que si l’entrepreneur démarrait son propre projet. Les besoins en fonds propres sont plus modestes dans des secteurs comme le service, mais curieusement, c’est le secteur de la franchise en Tunisie qui est le moins développé.
Ce modèle d’entrepreneuriat est encore peu répandu en Tunisie. Comment notre pays peut-il devenir une plateforme de franchise ?
Je suis parfaitement d’accord avec vous. J’ai eu l’occasion de me déplacer dans plusieurs villes à travers les gouvernorats et de parler du potentiel de la franchise. L’accueil a toujours été très positif. Nous parlons d’encourager une économie formelle, des réseaux qui contribuent à payer les impôts et les cotisations sociales de leurs employés. Ça ne peut que contribuer à l’amélioration des infrastructures dans les régions, à animer les villes intérieures, créer des emplois et des centres d’intérêt. Les candidatures pour des enseignes tunisiennes que nous recevons en provenance des régions est très régulière. La franchise est un moyen de mettre en place un projet en mode incubation pour des entrepreneurs qui ne maîtrisent pas le concept et qui veulent gagner du temps en mettant en place un modèle de réussite testé et maîtrisé. Il reste alors à régler les détails de la formation, la numérisation, la logistique et l’approvisionnement. C’est faisable !
En ce qui concerne l’exportation, la Tunisie est très ouverte au rapprochement avec les pays voisins qui partagent la langue, la culture… Fort d’une expérience de délocalisation de nos concepts dans les gouvernorats, les enseignes ont de l’avenir. Il faut d’abord faire une étude pour déterminer le potentiel du marché, le montant des redevances qui varient selon la taille du marché, et plusieurs autres facteurs, la législation sur place et la capacité de mener à bien la franchise… L’entreprise doit avoir un certain niveau de maturité, les outils mis en place et un budget pour s’aventurer à l’international.
Quels conseils donnez-vous aux franchisés et aux franchiseurs ?
Je voudrais plutôt m’adresser aux chefs d’entreprise qui souhaitent développer leur réseau. La franchise ne peut réussir que si le concept est modélisé et que l’entreprise met en place les mécanismes et la gouvernance nécessaires au bon fonctionnement, à savoir la stratégie de développement, les redevances étudiées, les outils de transfert de savoir-faire incluant le manuel d’opérations…
Pour les investisseurs en franchise, je leur conseille de bien étudier l’enseigne dans laquelle ils souhaitent investir. Des facteurs comme la pérennité du modèle (certains concepts de franchise qui n’ont pas su se renouveler sont amenés à disparaître), le potentiel du chiffre d’affaires dans le territoire que vous souhaitez développer, la rentabilité basée sur les termes commerciaux proposés. Il faut aussi s’assurer du niveau de soutien technique, technologique, formation et encadrement de l’enseigne. Sur un niveau plus humain, la vision partagée et la facilité de communication avec le franchiseur sont primordiales.
Quelles sont vos actions à venir et qu’attendez-vous éventuellement du gouvernement ?
Nous allons organiser le salon «Tunisia Franchise Show» qui aura pour thème principal «l’exportation des franchises tunisiennes à l’international», et ce, avec la collaboration du Cepex qui sera un de nos partenaires principaux. L’événement est avant tout un lieu de rencontre, d’échange et de débat de l’écosystème de la franchise, c’est-à-dire les opérateurs, les banquiers et autres investisseurs, les métiers d’accompagnement tels que les experts comptables, les avocats, les opérateurs immobiliers, les agences de communications, les logisticiens…
Nous avons prévu un espace d’exposition de plus de 35 enseignes tunisiennes qui sont remarquables de par leur dynamisme, leur vision et aussi leur volonté de s’implanter dans le marché local, et plus particulièrement dans les régions. Nous avons choisi un mix d’enseignes établies et de ce qu’on appelle les néo-réseaux, les enseignes naissantes. Nous avons également diversifié les secteurs des exposants qui représentent un spectre important des activités du secteur : restauration, enseignement, fitness, salon de beauté, véhicules de transport, textile et habillement, épicerie fine, meubles et cuisines…
Il faut dire que toutes ces enseignes sont à 100% tunisiennes et que plusieurs d’entre-elles ont le mérite d’être pionnières dans le secteur de la franchise en Tunisie à l’instar de l’épicerie fine, le fitness, ou les salons de beauté.
Que recommandez-vous aux visiteurs de ce salon ?
C’est un salon professionnel qui constitue une opportunité unique de rencontrer en face-à-face la plupart des enseignes tunisiennes. Il faut savoir profiter de cette opportunité pour maximiser vos chances de candidater pour les enseignes. Comme toute rencontre professionnelle, il faut bien la préparer. Nous avons prévu des séances de B2B qui seront bientôt ouvertes sur notre site web. N’hésitez pas à vous inscrire. Il faut aussi bien se renseigner sur les enseignes que vous voulez rencontrer, préparez un petit business plan pour le marché que vous visez, et assurez-vous d’avoir accès au capital avant même de vous engager dans une négociation.