Accueil A la une Emballages jetés : Les riches se protègent, les pauvres payent !

Emballages jetés : Les riches se protègent, les pauvres payent !

 

Bien qu’adoptée, la loi interdisant les sacs en plastique n’est en rien respectée, ouvrant grandes les portes aux fabricants d’emballage dont les prix à payer en devises augmentent sans arrêt. Et que tout va, finalement, à la poubelle !

Un des préposés à l’enlèvement des ordures s’apprêtait à lancer un gros sac vers la benne municipale, quand le contenu s’échappa et s’étala sur  le pavé. Des dizaines et des dizaines de paquets de lait et de gobelets s’étalèrent sur le sol. Combien allait-on en jeter à la poubelle ? Nul ne pouvait le savoir, mais comme il y avait trois gros sacs semblables au premier, cela devait être un chiffre important. Et c’est assurément tous les jours que ce manège a lieu.  Le nombre est à multiplier par celui des cafés qui fleurissent  sur tout le territoire tunisien. Un chiffre que l’on suppose énorme et que le contribuable, du moins pour l’emballage du lait (les cafetiers au prix où en est le café, n’ont pas de problème de pénurie), paie. Pour le reste, les bouteilles d’eau minérale en PET, les emballages des shampoings, que l’on vous donne à l’hôtel ou que vous achetez, les barquettes de dattes de fruits, de poulet, de viandes ou de crustacés, les plateaux des repas à emporter, etc. c’est de l’argent qui va dans les dessertes avec les déchets.

Une  loi, un objectif

Et c’est la question que l’on devrait se poser, alors que les pays « riches », qui s’empressent de venir nous vendre à un prix de plus en plus élevé leurs emballages en plastique composés ou en polystyrène, en carton ou en d’autres matières alimentaires, ont mis en place une  loi  pour réduire la consommation de ces produits.

L’explosion des ventes en ligne, la flemme qui s’empare des ménages qui optent, au terme d’une journée harassante de travail, pour une livraison à domicile, les fast-foods qui  poussent comme des champignons, les commerces en tout genre, font que le monde commence à perdre pied sous les déchets qu’il produit et qu’il accumule. Surtout lorsqu’ils ne sont pas recyclés.

Un pacte vert pour l’Europe, une loi dont l’objectif est donné, a été mise en place depuis : «Tous les emballages devront être recyclables, réduits en quantités et en volume et réutilisables en 2030 ». En fait, la véritable option est bien de rendre tous ces emballages, du moins la plus grande quantité possible, réutilisables ou recyclables. En Finlande, près de la moitié des ordures sont recyclables.

Réduire leur dépendance

La facilité, la présentation, les contraintes marketing, les habitudes ont fait que cette explosion a agi sur les comportements.  On sortait le matin pour avoir du lait  chez le laitier du coin ou on trouvait sur le pas de la porte une bouteille de lait et des yaourts dans des emballages en verre. Ces pratiques continuent dans bien des pays nantis, alors que nous les avions délaissées pour en acheter en emballages jetables. Pour faire des économies et réduire leur dépendance, les pays développés et riches font tout pour se débarrasser de cette coûteuse contrainte et imaginent des moyens de… faire des économies tout en agissant sur l’aspect environnemental. C’est ainsi que l’on encourage le citoyen, on l’éduque et on lui fait comprendre que, par économie, pour sa santé et pour l’état des dépenses  de bien des parties prenantes, il serait plus sage et plus rentable de présenter un sac pour acheter ses fruits, ses légumes et autres besoins que de choisir des produits ensachés dans des barquettes que l’on paie et que l’on jette.

Des interdits

Ces barquettes seront interdites. On peut aussi se présenter avec un récipient pour avoir ce dont on a besoin pour se nourrir. Les assiettes, les gobelets en carton ou en plastique seront à bannir. Les hôtels mettront à la disposition des clients du shampoing et du savon d’une manière plus appropriée pour respecter cette nouvelle loi. Dans ces pays riches, on compte, à terme, obliger tous les brasseurs à utiliser le même flacon…. «A compter du 1er janvier 2029, les Etats-membres devront avoir mis en place des systèmes de consigne pour toutes les bouteilles en plastique (sauf celles qui contiennent du vin) et les canettes en aluminium. Les restaurants proposant la vente à emporter devront également faire leur part : il leur sera demandé que 10 % de leurs emballages soient réutilisés en 2030 et 40 % en 2040. A charge pour eux d’encourager leurs clients à venir acheter leur plat avec leur propre récipient ». C’est clair et net.

Et nous ?

Nous mettons en place une loi interdisant les sacs en plastique qui n’est en rien respectée, ouvrons grandes nos portes aux fabricants d’emballages  dont les prix à payer en devises, augmentent sans arrêt et qui vont à la poubelle. Idem, nous possédons une industrie du verre que nous contraignons d’être en veilleuse et nous salissons et polluons  nos villes et nos côtes. A propos de cette dépollution marine (voir «La Presse du 11 janvier 2023),  les  choses semblent mieux bouger : «20 tonnes ont été affrétées dans un conteneur qui sera exporté vers l’Europe à partir du port de Radès le 14 janvier 2023. L’exportation de ce conteneur représente une étape importante pour le développement de la filière locale de valorisation des plastiques marins, en passe de devenir un modèle de réussite ». Le recyclage est bel et bien une véritable industrie. Conscients de la menace que représente  la pollution, pas seulement atmosphérique, par mesure d’économie et par réflexe stratégique les poussant à éviter, du moins à contenir  autant que possible tout ce qui pourrait réduire leur liberté d’action (importation du pétrole), ces pays riches se protègent. Ils réussiront à gagner leur pari. Parce qu’ils sont disciplinés et profondément imbus des intérêts de leurs pays. Sans souci pour le reste.

Pour les pays les moins disciplinés du monde, où l’impunité fausse toutes les données de la bonne gouvernance, il y a encore des marchés à prendre pour leurs industries.

La balance commerciale

A voir la floraison des marques de yaourt, de jus et autres spécialités (pour lesquelles nous payons des royalties importantes pour utiliser emballages, intrants, brevets et marques), il y a de quoi se poser bien des questions.

Avec la situation que traverse le pays,  la baisse notable du pouvoir d’achat des consommateurs, les prix affichés pour ces produits, il y a de quoi se demander où vont les invendus, contenants et contenus. C’est de la perte sèche que l’on subit au détriment des intérêts d’un pays exsangue. A  moins qu’on les recycle en «traficotant» les dates. Cela s’est fait pour les concentrés de tomates et d’harissa et cela est à vérifier. Sans pour autant limiter la liberté de choix, il faut absolument trouver une solution salvatrice pour améliorer notre balance commerciale en détresse depuis des années. En faisant profiter le consommateur du prix coûtant de l’emballage d’un paquet de lait qui va à la poubelle et que l’on peut acheter dans une bouteille en verre avec consigne, en économisant le coût d’un radier, d’une boisson dont le prix revient parfois moins cher que le récipient appelé à être jeté, etc… il y a des comptes à faire.

Rééquilibrer une balance commerciale ne se limite pas, en effet, à regarder du côté des rubriques  exportations et importations. Il faut absolument revoir nos outils de production, explorer les possibilités de mettre à contribution nos chercheurs, nos laboratoires, nos…. traditions séculaires abandonnées sous la pression de multiples et insistantes campagnes marketing et autres voies, pour étudier de quelle manière remplacer un intrant, un emballage, une graine, un aliment composé. Des pays plus avancés et plus riches que nous l’on fait. Nous nous contentons de faire des promesses et de tenir des réunions pour amuser la galerie.

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