Accueil A la une Kairouan | Vol de bétail et d’équipements agricoles : Quand les villageois deviennent la cible des criminels

Kairouan | Vol de bétail et d’équipements agricoles : Quand les villageois deviennent la cible des criminels

 

Le comble, c’est que quand les villageois déposent des plaintes, ils sont souvent sujets aux représailles des criminels qui savent que les agents de la Garde nationale manquent de moyens de transport pour se déplacer rapidement et arrêter les malfaiteurs dans les villages les plus reculés.

Le secteur de l’élevage, qui représente une activité socioéconomique très importante dans le gouvernorat de Kairouan, est menacé puisqu’on assiste depuis plusieurs années à la recrudescence du vol du cheptel puisqu’on enregistre annuellement le vol de plus de 5.000 têtes ovines et bovines. Rappelons que le gouvernorat compte 23.000 éleveurs disposant d’un cheptel composé de 800.000 brebis, 58.700 têtes bovines, 34.000 chèvres et 1.000 camélidés.

Malheureusement, tous les éleveurs sont aujourd’hui sur le qui-vive et se trouvent impuissants face au phénomène du vol de leur bétail. Beaucoup d’entre eux ont fini par vendre leur cheptel.

Vol planifié

Khadija Jaballah, vivant au village de Sayada Sud (délégation d’El Ala) grâce à ses brebis et à ses moutons, nous confie qu’elle a été volée à plusieurs reprises car, vivant seule, les malfrats commettent leur vol pendant les longues soirées d’hiver, sans la moindre peur. «Et j’ai beau donner le nom des suspects aux unités sécuritaires, rien n’a été fait pour les mettre une fois pour toute en prison. En effet, on se contente de leur faire subir des interrogations puis on les relâche de nouveau. Ce sentiment d’impunité encourage ces gangs organisés à repérer les lieux, à suivre les traces des éleveurs et à planifier leur vol à bord de camionnettes sans immatriculation et en se munissant d’armes  blanches ».

Dans la localité de Dar Jamya (délégation de Sbikha) et dans la nuit du 13 février 2023, Mohamed Bouzid nous parle de sa mésaventure. «Vers 2h00 du matin, des voleurs ont subtilisé mon matériel agricole, mes moutons, puis avant de quitter mon étable, ils s’en sont pris à mes 67 jeunes oliviers hauts de 2 mètres et les ont massacrés en découpant les troncs de tous ces arbres! Un vrai spectacle de désolation qui m’a causé un véritable choc. Oser s’attaquer à des plantations âgées de deux ans est inhumain. A mon avis, ces individus, sans cœur, méritent la prison à vie et surtout qu’on ne vienne pas nous parler des droits de l’Homme !».

Certains villageois isolés ont découvert, en se réveillant le matin, le vol de toute la production de leurs oliveraies. Ces cyniques ont même arraché en entier les rameaux. Quelle bassesse ! Ces gangs organisés se font souvent aider par des éclaireurs sans avoir la moindre peur. Dans quel monde vivons-nous?» Notons par ailleurs que même les petits bergers n’ont pas été épargnés et leur métier ancestral risque de disparaître. Ainsi, dans la localité de Jhinet (délégation de Bouhajla), Belgacem Methnani nous parle de cette nuit tragique où il a frôlé la mort : «A l’aube du 23 octobre, des voleurs ont défoncé notre porte d’entrée et m’ont enfermé avec ma mère, ma femme et mes deux enfants dans une pièce qu’ils ont fermée à l’aide d’un cadenas, et ce, pour pouvoir voler mon matériel agricole ainsi que quatre veaux. Et le comble dans tout cela, c’est que lorsqu’un éleveur veut défendre ses biens et qu’il a le courage de mettre hors d’état de nuire les malfaiteurs, il est jeté en prison…». Quant à Hadda Oueslati, une septuagénaire qui ne vit que grâce a l’élevage de ses 10 chèvres dans la zone montagneuse de Ras El Itha (délégation de Oueslatia), elle nous parle de ses souffrances : «Il y a 4 mois, deux voleurs ont débarqué chez moi, m’ont ligoté les mains et les pieds afin de pouvoir voler en toute tranquillité toutes mes chèvres. Puis, ils sont partis dans leur camionnette, en me laissant en pleurs et dans un grand désespoir. Comment vais-je survivre maintenant ?».

La mésaventure d’un éleveur

Lassé de voir se multiplier, jour après jour, les vols de son bétail, un éleveur, âgé de 68 ans, a décidé de vendre tout ce qui lui restait de son cheptel, au Souk des bétails à Kairouan. Mais quelle ne fut sa surprise et sa déception lorsqu’il s’est rendu compte, quelques heures après l’opération de vente, lors d’achats dans une supérette que beaucoup de billets étaient faux ! Etant analphabète et ayant une grande confiance envers ces acheteurs faux-monnayeurs auxquels il n’a demandé aucune pièce d’identité, ce malheureux éleveur s’est fait arnaquer…

Le comble, c’est que quand les villageois déposent des plaintes, ils sont souvent sujets aux représailles des criminels qui savent que les agents de la Garde nationale manquent de moyens de transport pour se déplacer rapidement et arrêter les voleurs dans les villages les plus reculés.

Bien que les éleveurs aient redoublé de vigilance et que les unités sécuritaires aient réussi à arrêter des bandes de malfaiteurs, avec leur butin, on continue d’enregistrer des vols dans différents villages.

Et la plupart des éleveurs espèrent que la loi, visant la protection des éleveurs contre les vols, sera appliquée à la lettre, ce qui permettra d’augmenter les peines prononcées à l’encontre de ces brigands. De plus, il faudrait contrôler les marchés des animaux tout en mettant en place un système de numérotation des différentes espèces d’élevage.

Ainsi, on mettra fin à ces bandes de mafia et de contrebande qui affectent le secteur du bétail, ce qui entraîne la hausse des prix de viande et beaucoup de spéculation, cela sans oublier la marginalisation des agriculteurs.

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