Le drame qui a touché, mardi dernier, l’île de Djerba, faisant quatre morts pousse à s’autoquestionner : que peut-il y avoir de pire pour un pays que de perdurer dans le statu quo ? Cela fait des années que l’espace médiatique, les réseaux sociaux et les différentes plateformes des chats, y compris «Clubhouse» (application pour lancer des conversations en direct, sans photos ni vidéos), sont envahis sans retenue aucune. Une armada d’acteurs de la politique-politicienne, de supposés dévots jusqu’à la lie et des parvenus oublieux de leurs racines s’adonnent encore à des divagations de derviches.
Long détour…
Ce qui se passe chez nous depuis plus d’une décennie invite à réfléchir sur ce long détour, où se conjuguaient dogmatisme religieux, instrumentalisation politique et manipulation des masses. Le processus enclenché en Tunisie durant la décennie noire (2011-2021) rappelle, à bien des égards, la banalité du mal abordée par la philosophe politique allemande Hannah Arendt. Autrement dit, que l’on se soulève pour chasser un dictateur, que celui-ci soit remplacé par la démocratie, que celle-là soit remplacée par des islamistes et que ces islamistes jouent toutes leurs cartes, s’usent au pouvoir sur un navire qui coule, cela relève de l’absurde. Cela prouve, encore une fois, que tout débat sur la démocratie aurait été faussé, sous nos cieux.
Durant l’ère Ben Ali, on est resté immobile et l’on s’est enfoncé. Un 14 janvier, on s’est insurgé et l’on est tombé plus profondément. A quoi sert, donc, la révolution chez nous si ce n’est à jacasser comme une pie pour ensuite bouder comme une couventine ? Pourquoi notre navire coule dans tous les sens ? Quelles seraient les raisons de cette inertie assassine ?
Vaines divagations de derviche !
On avait tout essayé : la droite, la gauche, les progressistes et les islamistes. Mais, de tout temps et avec toutes les formations, alors que la population souffre à tous les étages de la société, ses dirigeants mènent la belle vie, ignorant la misère des foules. Personne n’a pu cerner les maux globaux du pays. On a tous ou presque pêché en eau trouble et l’on s’est discrédité.
Les progressistes ont perdu de vue que la tradition est «un élément permanent de la personnalité base arabo-musulmane». Ils ont échoué. Les islamistes, quant à eux, ont oublié que l’islam est la passion du prochain et que l’économie est le domaine favori de l’ouverture sur l’avenir. Ils ont ignoré les pauvres. Ils n’ont pas donné à manger aux miséreux. Ils ont pavané et refusé leurs outils aux prochains. Et ils sont devenus ce qu’ils sont aujourd’hui.
Morale de l’histoire : manipuler les masses en brouillant les cartes, cela peut fonctionner périodiquement, mais pas si longtemps. Car l’histoire prouve qu’il est quasiment impossible de briser l’esprit d’un peuple qui sait naviguer entre le sabre des passeurs et celui des derviches.