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Leasing : Le secteur dominé par les banques

 

D’après les données de la Banque centrale de Tunisie, l’encours des crédits de leasing a accusé une baisse de 3,3% pour atteindre 3,9 milliards de dinars fin 2021. Cet encours a été financé particulièrement à travers les crédits bancaires à raison de 44%, ce qui prouve que les établissements de leasing obtiennent en réalité la plus grande partie de leurs financements auprès des banques pour les recycler sous forme de financements destinés à leurs clients.

La crise économique, qui a frappé de nombreuses entreprises suite à la récente pandémie de Covid-19, a rendu de nombreux clients otages des sociétés de leasing (ou sociétés de crédit bail) qui ont saisi leurs biens. Ce phénomène a été encore aggravé par la hausse des taux réels appliqués par le secteur (leasing) et du taux directeur de la Banque centrale de Tunisie (BCT).

Problèmes juridiques

Abderazzak Houas, représentant de l’Association nationale des petites et moyennes entreprises (Anpme), précise que les problèmes des entreprises et de leurs propriétaires avec les sociétés de leasing sont principalement dus à la loi réglementant ces institutions datant de 1994. Le responsable estime que la méthode d’élaboration du contrat comporte des articles « pièges », parmi lesquels le délai de trois mois qui suit le remboursement et l’obligation pour le client d’informer la société de leasing de la fin du remboursement et de payer le dinar symbolique pour transférer la propriété. «En cas de non-respect de ces conditions, le bien sera restitué», rappelle-t-il.  S’ajoutent à cela les dysfonctionnements au niveau de la forme, dont la petite taille de l’écriture du contrat qui devient presque illisible et la langue utilisée (disponible seulement en langue française). Notons que pour le leasing (crédit-bail), le client comme un seul compte même s’il possède plusieurs biens.

Taux d’intérêts excessifs et chiffres importants

Les données contenues dans le premier article de l’arrêté de la ministre des Finances du 24 janvier 2023, relatif à la publication des taux d’intérêt effectifs moyens (TEM) et des seuils des taux d’intérêt excessifs correspondant au TEM (Tiex) publié au Jort n° 9 du 27 janvier 2023 et fixant les nouveaux taux excessifs applicables au premier semestre 2023, indiquent que le taux d’intérêt pour le crédit-bail mobilier ou immobilier pour le deuxième semestre 2022 est fixé à 13,49%, tandis que le taux d’intérêt correspondant au premier semestre 2023 est de 16,18%. L’analyse de ces données indique que le taux d’intérêt réel dépasse doublement le taux d’intérêt directeur estimé, selon la BCT, à 8%, ce qui fait du crédit-bail le financement le plus cher du pays et alourdit injustement les charges financières des entreprises.

D’après les données de la BCT, l’encours des crédits de leasing a accusé une baisse de 3,3% pour atteindre 3,9 milliards de dinars fin 2021. Cet encours a été financé particulièrement à travers les crédits bancaires à raison de 44%, ce qui prouve que les établissements de leasing obtiennent en réalité la plus grande partie de leurs financements auprès des banques pour les recycler sous forme de financements destinés à leurs clients.

L’activité de ces établissements a permis de doubler leurs bénéfices qui ont atteint, en 2021, près de 60,6 millions de dinars, contre 30,1 millions de dinars en 2020.

Le produit net de leasing a connu une hausse de 18,4% au cours de l’année 2021, suite aux augmentations des paiements. Et compte tenu du doublement des bénéfices et de l’évolution considérable des indicateurs bancaires, le secteur du leasing est considéré par rapport au secteur bancaire et aux autres domaines de l’activité financière comme étant le secteur le plus lucratif, en raison de ses taux d’intérêt très élevés.

Mise en garde des structures de contrôle financier

Le dernier rapport sur le contrôle bancaire pour l’année 2021 a fait savoir que le secteur de leasing est exposé aux risques de refinancement, sans compter d’autres risques liés aux taux d’intérêt, étant donné que les utilisations sont calculées sur la base de taux constants, alors que 46% des ressources sont calculées sur la base de taux variables.

Le même rapport révèle que l’encours des crédits classés a enregistré une hausse de 4,4% en 2021, et s’élève à 451 millions de dinars, ce qui représente un taux d’endettement supérieur à 10,5%. En 2021, la BCT a mis une ligne de financement à des taux préférentiels à la disposition des établissements de leasing à travers les banques, sans mentionner la raison pour laquelle cette mesure a été prise en faveur de ces établissements.

Selon la BCT, le ratio de rendement des actifs du secteur (bénéfice net / actif total) ne dépasse pas 1,4 %, soit un niveau très faible, tandis que la Rentabilité des capitaux propres (résultat net / capitaux propres) ne dépasse pas 9,7%, un niveau jugé très limité (769 millions de dinars en 2021), sachant que le ratio de solvabilité du secteur a atteint 17,6%, à fin 2021.

Aperçu historique

Le leasing ou crédit-bail est une opération qui prend généralement la forme d’un contrat de conformité, à travers lequel le bailleur permet à un preneur d’utiliser des actifs, des équipements ou des biens immobiliers pendant une période déterminée, et ce, en échange du paiement d’un loyer pour une période prédéterminée. 

Cette période est, a priori, qualifiée juridiquement d’irrévocable qui s’étale sur 2 et 7 ans, selon les termes et la forme du contrat.

Ce secteur a démarré son activité en Tunisie en 1984. Il compte, à ce jour, huit établissements, dont six relèvent des banques et 7 sont cotées en Bourse, ce qui indique que ce secteur est entièrement dominé par des banques, selon les données du Conseil bancaire et financier (CBF). Le secteur, qui a connu une croissance continue, est actif notamment dans les secteurs du commerce et des services et reste relativement éloigné de l’industrie et des secteurs à forte valeur économique. Sur le plan fiscal, plusieurs conventions ont été signées avec le ministère des Finances afin de favoriser le respect du principe de transparence fiscale et douanière pour la société de leasing concernant les avantages accordés aux bénéficiaires.

Des dépassements sous peine de sanctions légales

Le représentant de l’Anpme reconnaît l’existence de dépassements dans le système de crédit-bail touchant plusieurs sociétés. Selon lui, «un nombre de dossiers est déjà devant les tribunaux».

S’agissant de la question du double recouvrement d’une échéance, le responsable rappelle qu’en cas de non-remboursement par le client de deux ou plusieurs lettres de change, la société de leasing peut, après négociation, demander à ce client de signer des chèques antédatés qui couvrent les lettres de change restantes. En cas de non-remboursement de ces dernières (lettres de change), les chèques signés par le client sont encaissés. Haouas explique, également, qu’en cas de non-remboursement des lettres de change, le bien d’équipement sera récupéré puis vendu.

«Le client qui sera impliqué dans des dossiers de chèques sans provisions ne pourra pas se défendre», indique le responsable, qualifiant les honoraires élevés des huissiers notaires (entre 800 dinars à 1.500 dinars) et des avocats (de 1.500 dinars à 3.500 dinars), d’ «exorbitants».

Le représentant de l’Association tunisienne des petites et moyennes entreprises a mis l’accent sur la nécessité de modifier les lois et les mesures en vigueur pour préserver les droits des parties.

Pour ce faire, il indique qu’il faut, dans un premier temps, établir un contrat de location dans un compte individuel appartenant à une seule personne. Deuxième mesure à envisager, la mention du transfert de propriété qui doit se faire automatiquement une fois le bail réglé. Troisièmement, en cas de cession de bail, cette opération doit être contrôlée par les recettes des finances et les courtiers seront enregistrés dans une base de données, affirme le responsable.

Pour conclure, Haouas précise que le système de leasing qui cible, essentiellement, le chef d’entreprise «doit être basé sur la transparence et la bonne foi».

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